Le Pic Saint Loup est issu d’une formation sédimentaire – prés de 150 millions d’années – calcaire et marno-calcaire. Si les éléments géologiques issus de ces périodes sont dominants dans la région, des formations géologiques des aires tertiaires et quaternaires y sont également bien représentées. Ceci explique sans doute la grande diversité de la pédologie de l'AOC : calcaires tendres et marnes ; calcaires durs ; dolomies massives et marnes noires dans la Combe de Mortiès ; conglomérats, marnes conglomératiques et grès continentaux ; éboulis d’éclats calcaires du causse ; et dépôts récents d'alluvions et colluvions. !
Le climat local est méditerranéen. Mais sa proximité avec le massif des Cévennes lui apporte des accents continentaux non négligeables qui influent sur le profil des vins.
Trois éléments climatiques sont à prendre en considération :
– la pluviométrie : l’essentiel des précipitations se concentre lors des équinoxes de printemps et d’automne. Ces dernières peuvent être pénalisantes pour les cépages tardifs, mais elles permettent une recharge hydrique importante et limitent le stress lors des périodes plus sèches ;
– la température : la somme annuelle sur l’appellation est de l’ordre de 1600°, c’est l’une des plus basses du Languedoc-Roussillon. Mais ce qui influe particulièrement sur le cycle végétatif, ce sont les amplitudes thermiques journalières fortes en août et septembre ;
– le vent : les courants dominants sont le mistral et la tramontane. Ils s’établissent dans des secteurs Nord et Nord-Ouest, sont secs et froids, et contribuent à la protection du vignoble face aux maladies liées à l’humidité de l’air (oïdium, pourriture grise).
Avec une vingtaine d’années seulement de recul, le Pic Saint Loup est aujourd'hui un jeune vignoble prometteur. Les vignerons progressent dans le choix des plantations, vinifications et élevages. Après des décades de production de masse destinée la coopération, il a fallu pour la majorité d’entre eux reprendre à zéro et construire. Petit à petit, le terroir singulier du Pic Saint loup semble prendre une place croissante dans le profil des vins, mais la marge de progression est encore grande : jeunes vignes / jeunes vignerons / recherche d'une meilleure adéquation terroir-cépage (matériel végétal, choix de zones de plantation) / meilleure maitrise de l’élevage (construction de vraies caves et affinage du choix des contenants).
La dégustation
Deux blancs pour commencer, issus de la zone du Pic, mais classés Coteaux du Languedoc car l'AOC Pic St Loup n'est pas encore attribuée à cette couleur :
Mas Bruguiére « Les Muriers » 2007 – vinifié et élevé uniquement en cuve et foudre – est un vin assez simple dans son expression aromatique, sur des notes anisées, citronnées et florales. Bouche pure, naviguant entre un joli gras sur l’attaque et de fins amers en finale, qui renforcent sa sensation de fraicheur.
Le Château Lascaux « Terre d’argent » 2005 est lui plus marqué par le fût – vinification et 9 mois d’élevage – et des arômes de fruits exotiques. La bouche est riche, enrobée et volumineuse. Finale relativement fraiche pour la région et longue, n'était le bois. Un vin de gastronomie, que l’on peut apprécier dés aujourd’hui.
La première série de rouges est composée de trois vins du millésime 2007 :
La « Grande Cuvée » de l’Hortus est un vin séducteur qui s'assume comme tel : nez mêlant fruit et barrique, bouche souple, sans aspérités, de demi corps, la trame est encore un peu serrée mais c'est sérieusement exécuté. Il réussit son pari de charmer le plus grand nombre.
En comparaison, la cuvée « Les Eclats » du domaine Mirabel parait plus fermée aromatiquement, tout en dispensant de jolies notes de fruits noirs. Franc et rond dès l’attaque, le vin s'appuie sur des tanins excessivement fins et mûrs. Il révèle une finale encore un peu retenue, mais l'ouverture dans le verre permet d'être optimiste sur son avenir. Une source à suivre et des vignerons – les Feuillade – modèles de sérieux.
Le troisième vin, « Velvet », du domaine Zelige-Caravent est le seul de la série à ne pas voir le bois. Il s’ouvre sur des notes languedociennes archétypiques (eucalyptus, poivre, fruits noirs). Bouche est souple et mûre, se prolongeant sur d’élégantes notes d’olives noires, la syrah marque l'assemblage. Jolie bouteille produite par un vigneron qui monte et affine chaque année. On surveillera ses progrès et l'originalité de sa démarche.
Nous commençons la série des 2005 par la cuvée « Nobles Pierres » du château de Lascaux, au nez de goudron, de caramel : un vin riche en alcool, très mûr, confit dans le fruit, assez généreux. L'allonge est encore un peu bridée par le fût. Un style…
Plus difficile à cerner, « Les Calades » du Mas Foulaquier manque ce jour là de pureté. Toutefois la bouche, digne d'intérêt, offre un fruit important et de la densité. Mais à ce stade, l’ensemble pêche par manque netteté dans l'expression. Des vins qui demandent parfois une longue aération. J'avoue ma surprise quant à cette cuvée que j'avais régulièrement dégustée fameuse dans la jeunesse. Une phase ?
« Que sera sera » 2005 du Mas Mortiès est une vieille vigne de syrah vinifiée en macération carbonique (!). Une technique qui tend à exacerber le coté variétal du cépage avec de puissantes notes de cassis un peu entêtantes. Bouche massive, intense, et il faut bien le dire un peu monolithique. Mais qui trouve, dans son style, des aficionados.
Servi en magnum, « Cupa Numismae » 2005 du Château Laroque contraste nettement avec le vin précédent. Moins intense dans le bouquet, mais beaucoup plus nuancé, il offre un tanin juste, avec une matière fraiche, fine, droite et stylée : un beau pic, d’un classicisme exemplaire. Et un vrai coup de cœur – découverte !
Pour conclure avec les 2005, nous avons sélectionné deux « grandes cuvées » produites à partir de Mourvèdre, grand cépage difficile à cultiver, mais au potentiel sous-estimé :
« Le Sang du Calvaire » du Château de Cazeneuve est un grand vin : nez racé de tabac, d'épices, tanins fins, densité, puissance, de l'allonge, très vineux, corps en tunnel, ce qu'il faut de retenue : superbe Pic, et la confirmation que Dédé Leenhardt – comme on l'appelle là bas – est incontournable, plus que jamais. Bravo André !
« La Septième » du Mas Bruguière n’a peut être pas encore toute la profondeur du vin de Cazeneuve : nez plus confit, mais beau corps relativement frais, tanins stylés, c'est velouté, mais aussi un peu plus marqué par l'élevage que le précédent à ce stade. Néanmoins du style, et un vin prometteur. Xavier est un vigneron sérieux, tourné vers l'avenir, qui fera sans doute parler de lui.
Pour clore la dégustation, deux vins issus du millésime 2000 et dominés par le grenache dans l’assemblage, pour changer de la précédente série :
« Guilhem Gaucelm » d’Ermitage du Pic Saint Loup présente un nez compoté, figué, quasi surmûri. Un style que l’on retrouve en bouche sur une matière dense et riche, mais pêchant un peu par manque de tenue. Ce vin serait-il en train de flapir ? C’est probable, même s’il demeure encore aujourd’hui généreux. On notera que cette cuvée ne connaît que peu d’équivalents sur des années réputées difficiles telles 1999, 2002 ou encore 2004.
A l’inverse, « Métairie du clos » de Clos Marie parait beaucoup moins avancé : bouquet mentholé et poivré. Bien tenu par des tanins serrés, le corps est droit, tout en faisant preuve d’une certaine réserve et austérité. Mais cet accent est il dû au terroir, où à une volonté du vigneron de façonner son vin comme tel ? Reste que c'est une belle bouteille, sérieuse, qui trouverait sans doute davantage sa place à table, ce qui n'est pas le moindre des compliments !
On le voit, certaines cuvées affichent des profils déjà matures quant à leur construction et style. D’autres se cherchent encore. Mais surtout beaucoup de progrès ont été effectués depuis 20 ans. L’histoire du Pic St Loup est en marche, on suivra tout cela avec grand intérêt…
7 Comments
Nicolas,
Une grosse lacune sur cet article: il manque un lien avec le très beau dossier que vous avez mis sur "vin-terre-net" avec le Bon Nicolas, sur le Pic Saint Loup.
Très complet: La géologie, les Domaines, ….
Michel.
La falaise de l’Hortus … fréquentée depuis le Paléolithique moyen par l’Homo Erectus.
Nul doute que la vigne ne devait pas exister en ces temps lointains !
Bruno
La plupart des vins de Christophe Peyrus (Clos Marie) que j’ai eu l’occasion de goûter ressemblent assez fidèlement au portrait qui est fait ici de ses Métairies. Je pense que la patte du vigneron n’y est pas étrangère …
Je partage ce point de vue Eric. De part ses choix, Christophe Peyrus réalise des vins un peu austères et souvent moins gourmands dans leur jeunesse que d’autres domaines réputés, mais qui figurent parmi les meilleurs de la région au vieillissement. Un Simon 99 gouté il y a peu, s’est simplement révélé excellent. Les 2005 iront loin, il ne faut pas hésiter à les encaver.
D’une manière générale, je rajouterai que les vignerons ont nettement gagné en précision lors des vinifications et choix des élevages sur les derniers millésimes. Dans le temps, leurs vins prendront une dimension encore jamais atteinte sur l’appellation. Il faudra suivre le très prometteur millésime 2007.
Le vin du Clos Marie qui m’a apporté le plus de plaisir était, ce n’est pas un hasard, le plus "âgé" (un Métairies 2002 je crois). Il faut clairement être un peu patient. Ceci dit, il y a d’autres domaines dans le coin qui vieillissent sans doute aussi bien, tout en étant moins fermés à double tour dans leur jeunesse.
En 2007, je n’ai pour l’instant bu que Mortiès, qui était effectivement d’un très bel équilibre, Olivier Rabasa estimant que c’est chez lui un des (le ?) plus beaux millésimes de la décennie.
2007, millésime de la décennie ? Il est encore trop tôt pour juger le 2009, mais au vue des conditions climatiques, il fort probable que les vins soient moins équilibrés qu’en 2007. Plus proche de 2005 certainement, mais avec un supplément de "confit" dans le fruit et la matière. Le 2001 tiens la corde, mais comme je le disais plus haut, les vignerons ont encore progressé sur les derniers millésimes. En cela, il faut également prendre en considération le vieillissement du vignoble, largement replanté au cours des années 90 par des vignerons sortant de la coopération.
Les vins de Cazeneuve vieillissent remarquablement tout en restant bien ouvert dans leur jeunesse. Sur les grands millésimes, on trouve d’excellente "Grenadière" de Bruguière, comme le 99 ou le 01. Xavier Bruguière tend à faire des vins qui sont moins gourmands jeunes que ceux de son père, mais qui possèdent de beaux atouts au vieillissement. La cuvée "Guilhem Gaucelm" d’Ermitage du Pic est une cuvée ambitieuse, d’une excellente tenue sur les petits millésimes. Le 99 est actuellement splendide, certainement ce que j’ai gouté de plus grand sur l’appellation à ce jour. Enfin, quelques vieux Mortiés procurent un plaisir non négligeable.
Bonjour,
quel plaisir de faire la lecture de cet article dont j’approuve énormément le titre.
Je ne sais pas si vous avez lu cet ouvrage, d’une édition locale, mais il complète parfaitement
votre approche de ce terroir viticole, où je vis d’ailleurs ! Chaque jour y est très poétique.
Voilà le lien pour la lecture que je vous conseille :
http://atelierbucolique.com/les-vins/