Belle robe profonde, légèrement ambrée. Nez sur l’oxydation ménagée. Fruits secs, noix, notes miellées. Note d’acacia, orange amère et trace de fumé. L’arvine et le chardonnay, avec un soupçon de marsanne, sont associés dans cet assemble. Prise en bouche très grasse avec un volume ascendant. Il dénote une certaine opulence dans la texture, même si Christophe le définit comme un vin « davantage sur une dynamique de fraîcheur que sur l’assise. Le lien se fera sur l’élevage et les notes oxydatives ».
L’élevage a été ici poussé au maximum, durant 5 ans, car Christophe Abbet aime, dit-il, ces alternances d’oxydation et de réduction.
Un vin d’accords gastronomiques avec une volaille au curry par exemple, ou un vieux fromage d’alpage.
A comme Arvine
Le premier nez est sur la réserve, légèrement en retrait. Puis apparaissent les étages aromatiques, la glycine bien sûr (vigne sur Fully), les agrumes, le cédrat, un léger côté iodé, coquillage, et, à nouveau, le floral. Le corps est merveilleux, doté d’une réelle noblesse d’expression avec, sur la finale, la signature, une très belle empreinte saline et florale.
Christophe Abbet : « C’est un millésime où je découvrais des notes d’inflorescence que je n’avais pas auparavant. Ça n’a pas dépassé les 100 Oechslés. Je suis, moi aussi, assez enthousiaste avec cette arvine…
Je compare souvent l’arvine à une fleur et une arvine qui serait ouverte avant la mise en bouteille risquerait de se faner très vite. »
Nicolas Herbin lui trouve presque un nez de Moulin à Vent. Notes de baies des bois avec un côté légèrement épicé. Très joli corps, pulpeux, avec une belle vinosité. C’est du jus de goutte, de la « crème « de gamay 2007 (sans presse), pigé en douceur.
« Je reste persuadé que c’est possible de faire un vin qui a de la tenue avec un gamay. C’est en goûtant de vieux millésimes que je suis arrivé à garder la motivation »
C comme Cornalin
Voir E comme erreur
E comme Ermitage
Ce nectar a attendu cinq ans. Il s’est bonifié, lentement, montant en douceur à l’élevage. C’est la surprise du temps qui a passé et qui a servi de révélateur. « Celui-là il était en-dessous de ce que je souhaitais pour faire l’ambre et finalement il s’est démarqué et il s’est affirmé ».
Rombe aux nuances bronze. Nez de fruits confits. Gelée de coing, rhum, champignon, abricot, très jolie oxydation ménagée. Notes pâtissières à l’ouverture. Superbe bouche, avec un volume imposant et une belle amplitude. Finale avec de la fraîcheur malgré la richesse imposante de l’ensemble. Sur l’orange confite, l’abricot et la truffe.
E comme Erreur
Nous aurions dû goûter le cornalin (prélevé à la cuve). Un assemblage fortuit a eu lieu : deux échantillons ont été mariés malgré eux, du cornalin et du gamay. Nous dégustons donc ce vin fortuit, pour la forme, mais nous n'y reviendrons pas Juste pour expliquer pourquoi on ne parle pas du cornalin pour l’instant.
Fully, c’est l’endroit où Christophe possède la majorité de ses vignes et où il effectue ses achats de raisins. Un beau Fendant vigoureux, assez riche aux notes de bergamote et d’ananas.
« C’est presque un chasselas à l’ancienne avec des notes minérales et des notes de lies aussi. » déclare Christophe. On ne saurait mieux dire…
H comme Hapax
On associe volontiers les deux, encore que la Romanée-Conti, par exemple, soit produite dans (presque) tous les millésimes.
Christophe Abbet est coutumier des vins de la seconde catégorie, les météores !
H comme Humagne
Dans ce millésime qu’il considère comme « plus facile à lire », Christophe Abbet a su magniquement tirer parti du dynamisme qui lui est associé. Le vin se déroule, pulpeux, autour d’une chair savoureuse et finit sur des caractères de baies des bois, de griotte, qu’une tannicité vive vient soutenir. A déguster pour comprendre ce qu’est la sapidité d’un vrai vin de montagne au caractère idiosyncrasique (ce n’est pas péjoratif !)
P comme piger
« Ce geste-là qui me semble un des plus beaux de la vinification, des gestes de cuisine, tu n’es pas là à appuyer sur un bouton. Déjà rien que de le penser, ça fait du bien de le faire… »
S comme Syrah
Premier vignoble rhodanien, le Valais est une des terres d’élection de la syrah. Notamment la région de Fully d’où provient celle-ci. Belles séquences aromatiques sur des notes sylvestres, de coumarine, d’infusion, de fleurs (la violette est au rendez-vous) avec un côté poivré. Bouche de caractère, d’un grand naturel d’expression, aux tannins parfaitement campés, légèrement poivrés.
A comme Ambre
On referme cet abécédaire par la lettre A. Comme l’Ambre dont le sorcier Abbet nous régale depuis quinze milésimes, un liquoreux époustouflant, complètement hors normes.
Ambre 2004
Le nez est encore sur des notes boisées avec une pointe de volatile. « Si tout se passe bien, elle va porter le bouquet ». Notes d’abricot confit, de moka, de fruits secs, d’agrumes confits, de cannelle. Moins marqué par l’oxydation ménagée que dans les millésimes précédents (l’Ambre est élevé en fûts neufs durant cinq ans), ce vin marque une forme de rupture stylistique dans la production récente. Superbe liqueur, parfaitement intégrée avec une dimension d’énergie qui va l’emmener loin dans le temps. L’assemblage est presque classique : arvine et marsanne (récoltées au début décembre avec un développement important de botrytis).
Ambre 2002
On pénètre dans un autre monde. Le nez est plus oxydatif, moins précis que sur le 2004. « Ça c’est un vin qui a fermenté un tout petit peu dans la barrique, la prise de bois n’est pas la même. » A ce stade le nez se laisse moins décrypter que le 2004. Côté poudré, mine de crayon perceptible qui disparaît à l’ouverture et révèle une grande complexité, des notes d’abricot sec, de figue, d’agrumes. L’arvine est ici majoritaire (70 %) et amène sa touche de fraîcheur hespéridée sur la finale. Un peu moins élevé en alcool, cet Ambre 2002 présente en revanche davantage de sucre résiduel.
8 Comments
Merci Jacques pour le lien sur ce reportage. J’espère bien vivre ça un jour.
Anticonformiste et perturbateur des sens mais tellement charmant… Christophe est grand parmi les doux rêveurs. Bravo et merci l’artiste !
Une poésie pour tous les sens, superbe et quel calme…
« La vigne, le vin sont de grands mystères. Seule dans le règne végétal,
la vigne nous rend intelligible ce qu’est la véritable saveur de la terre.
Quelle fidélité dans la traduction.
Quelle journée sans nuage, quelle douce pluie tardive décident
qu’une année de vin sera grande entre les années ?
La sollicitude humaine n’y peut presque rien, là tout est sorcellerie céleste,
passage de planète, tache solaire. »
Elle ressent, exprimée par la grappe, les secrets du sol.
Le silex, par elle, nous fait connaître qu’il est vivant, fusible, nourricier.
La craie ingrate pleure, en vin, des larmes d’or… »
Sidonie Gabrielle Colette
Merci Jacques.
Un vigneron ayant une telle foi et un tel respect pour le cépage gamay ne peut être qu’un homme ouvert, aimant la vie, décomplexé, simple et surtout sensible !
Les vins de Christophe – notamment les cuvées élevées longuement – sont comme des témoignages du temps qui passe, de oeuvres de goût qui nous renvoient à nous même. Pas forcément des vins qui font parler, mais surtout des vins qui font penser.
Cette dégustation m’a donné une seule envie : aller voir Christophe sur ses terres dans 8 jours.
Le zen fait vigneron. Avec Maurice Zufferey, sans doute les vignerons les moins stressés que je connaisse. Des gens "nécessaires"…
Belles et douces figurent d’"alchimistes". C’est rare.
Jacques, pe me permets de vous propose d’associer les deux Christophe à une de vos séances prochaines.
Laurentp
Hum, hum, "je me permets de vous proposer"…
l’excellent Macon Verzé 2007 de Nicolas Maillet ouvert après ce premier post n’y est pour rien.
laurentp
Boire Christophe Abbet doit nous rendre plus intelligent.Cet homme nous est nécessaire.