Et, inscrite au cœur de ce désolant maillage, toute une géographie secrète, des bribes de pays rapporté, des lumières, des vignes, des plateaux, des causses, des forêts en vagues sombres (un tiers de la superficie du pays tout de même !).
« On m’avait dit à Noyers : »Pour aller à Auxerre, prenez par Chablis. La route est un peu plus longue, mais en meilleur état. Quand vous aurez franchi la porte, quand vous serez en France, prenez à droite. »
Je relis ces lignes de Ma route de Bourgogne. C’est bien vu. Rien n’a changé depuis 1948, au moment où Raymond Dumay écumait les routes de Bourgogne ou d’ailleurs. au guidon de sa moto.
Ce quand vous serez en France sonne encore à nos oreilles et claque comme une évidence.
Votre train suit le fil du Rhône. A la gare de Tain l’Hermitage, on se penche pour apercevoir la colline sacrée perdue entre les nuages, les tags, les panneaux tonitruants et les futurs pylônes. « Je vous assure, la colline de l'Hermitage, il faut mieux la voir en photo qu'en vrai et chaque fois que j'y passe, je la regarde et m'y garde bien d'y monter. Je plains un peu les gens qui y bossent. On dirait un vignoble urbain, la civilisation est partout. » C’est du Hervé Bizeul pur jus. Il n’a pas tout tort, comme disaient les Vaudois après deux siècles de domination bernoise.
Plus tard, après avoir croisé deux centrales nucléaires, flanquées de leur panache vaporeux, le doute métaphysique s’empare de vous. Avec tous ces gens qui parlent sans cesse de la sortie du nucléaire, va-t-on entrer enfin en France ?
Durant le trajet, pour tenter d'amorcer le rêve, vous vous êtes renseigné sur le lieu du rendez-vous. Un bourg de 3228 âmes au nom médiéval : Mondragon.
« La route nationale 7 est sans aucun doute la plus connue des routes qui traversent la commune. On trouve aussi les routes départementales 26, 44 et 152 qui arrivent toutes au bourg. La route départementale 12 traverse la commune à l'est sur un axe nord-sud. L'autoroute la plus proche est l'autoroute A7 qui passe d'ailleurs sur la commune bien qu'il n'y ait aucune sortie sur place. «
Vous êtes arrivé dans le Vaucluse. Il fait caniculaire. C’est ici que votre voyage se termine. Dans cette cour ombragée par les marronniers et une cèdre du Liban.
Vos amis sont déjà là. Cela ressemble à hub. Mondragon, centre du ciel. Tout le monde descend. L’un arrive à l’instant de l’Oregon, l’autre du Chili. Vous revenez des Cyclades.
Vous êtes déjà venu ici. Vous avez le souvenir de ce Châteauneuf-du-Pape à la robe presque pâle, aux nez étrange de rose, produit par un vieil original qui aimait les Saab. Vous aviez déjeuné en compagnie d’un homme d’affaires qui vous parlait des junk bonds d’Executive Life. C'était bien avant les subprimes.
Le chef vient vous saluer. Il est mince, tablier bleu ceint à la taille, il n’a pas changé. Je devrais être à la retraite, dit-il. La retraite de quoi ? lui répondez. Il passe d’une table à l’autre. Il a une bonne tête. Il évoque avec des tremolos le petit agneau de Lance élevé par la famille Girard à Le Pègue. Il propose l’épaule confite, saisie avec pleine d’herbes aromatiques et dorlotée sous vide un nombre infini d’heures. Adopté.
La carte des vins est une ode aux vins de la région et à ceux de Bourgogne. Entièrement écrite à la main. Les Rhône Rangers viennent de très loin pour ça. Pour goberger et écluser des tombereaux de 100 points Parker. On s’étonne même qu’avec le temps, le trésor n’ait pas été pillé. Mais le chef a ses sources et ses entrées. Au passage, il fulmine contre l’émission Top Chef qui n’a rien à voir avec la cuisine. Goûtant la sienne, on comprend pourquoi.
Pour l’agneau, vous avez choisi une robuste et médulleuse Cuvée de mon Aïeul 2007 du domaine Pierre Usseglio. Un vin stratosphérique.
Juste à côté, la route s’est interrompue, les TGV ont cessé de fendre l’air. La vie est revenue. L’instant était magique. Personne ne l’a fait exprès. Vous étiez dépaysé. Enfin arrivé en France.
L’adresse : La Beaugravière, RN7 84430 Mondragon, France tél. 04 90 40 82 54
La recette : lâcher prise et c'est là !
Donnez votre avis
Belle liste, mais on n’y voit pas "mon" 2002 ! L’année qui m’a fait écrire que là, le bon dieu avait fait une erreur : c’était un terroir à mettre en côte de nuits !
Qu’est ce donc cela ?
Un peu chers les prix … (mais relative belle affaire sur le 1995, encore trop jeune toutefois).
Des bouteilles sur table … sans étiquette … pourquoi pas (un beau Fonsalette syrah).
François, le 2002 a été "éclusé" sur toutes les bonnes tables (souviens-toi de Quintessence à Tokyo) et tant pis pour ceux qui n’ont jamais compris ce vin !
Il doit en rester 6 au Meurice : va falloir faire un casse …
Et le sémillant propriétaire, chez qui j’ai été comme à Canossa, m’a fait comprendre, que ce millésime que je voulais par dessus tout – il en a encore, le bougre ! – et bien, j’étais encore loin de l’odeur en sainteté qu’il faut avoir pour un mériter ne serait-ce qu’une quille !
Il y a des vignerons, j’vous jure !