Dans le cadre de notre Ecole du Vin, dégustation très intéressante la semaine passée de quelques Bordeaux 2012 avec un collège de dégustateurs attentifs et sagaces. Certains ont remis une grande partie des vins « dans l’ordre » ; ceux-ci ayant été présentés à l’aveugle (hormis pour votre serviteur dont les commentaires figurent ci-dessous), par paires (sauf pour la dernière série). A la fin de chaque série, il a été demandé aux participants d’indiquer le vin qu’ils préféraient. C’est une indication intéressante que je reprends volontiers ici à titre d’information.
Les caractéristiques principales de 2012 ont été rappelées. Millésime tardif avec un cycle végétatif chamboulé, 2012 se caractérise par un hiver contrasté (doux au début puis tardivement très froid et très sec), un printemps plutôt froid et humide. La floraison est étalée, hétérogène, avec une sortie peu abondante. Au mois de juin, la vigne pousse à une allure folle et la pression des maladies cryptogamiques est importante. Le mois de juillet est déficitaire en chaleur alors que la seconde partie de l’été bat des records avec 46 jours sans pluie qui situent 2012 parmi les étés les plus secs de ces 50 dernières années. La véraison est laborieuse et étalée. Le début septembre poursuit sur ces auspices plutôt favorables et l’automne fait son apparition durant la dernière semaine de septembre avec des précipitations fréquentes. Heureusement, l’évolution des dégradations sanitaires est lente. Les premiers jours d’octobre sont beaux et les nuits rafraichissent, conditions idéales pour la maturité des peaux. A partir du 8 octobre toutefois, le temps change et s’oriente vers un climat chaud et humide. L’état sanitaire se fragilise. Il faut vendanger. Et vite.
Les vins présentés
A1. Château Haut-Carles 2012, Fronsac (90 % M – 5 % CF – 5 % malbec)
Robe pourpre. Coulis de fruits noirs, cannelle. Epices. Nez extraverti. Entrée en bouche souple, bonne présence du fruit, dans le prolongement du nez. Bouche charnue, d’une belle densité, avec une très jolie trame tannique, bien découpée.
A2. Château Roc de Cambes 2012, Bourg (65 % M – 25 % CS – 10 % CF)
Notes d’épices, de grillé, touche florale. Très belle texture. Volume de bouche généreux et très belle texture en bouche. Milieu de bouche souple, caressant et finale sur un côté poivré avec une très belle persistance.
Vin préféré par les participants dans cette série : Roc de Cambes
B1. Château Larcis-Ducasse 2012, 1er Cru Classé Saint-Emilion (81 % M – 19 % CF)
Nez très fin, qui exhale des notes florales et épicées. Notes plus fraîches, fruits rouges. Entrée en bouche délicieuse avec un rappel de fraise des bois. Texture caressante, un tout petit peu alanguie, bonne continuité de bouche tout de même. Et Finale sur un tanin fondant et fruité. La trame est jolie. Finale expressive et soutenue.
B2. Château Tertre Roteboeuf 2012, Saint-Emilion (80 % M – 20 % CF)
Nez sur le bois et les épices. Corps souple, équilibré, bouche raffinée, avec une très belle dimension tactile. Il est dans un monde à part, avec une grande profondeur dans l’expression aromatique (Havane, truffe, épices douces).
Vin préféré par les participants dans cette série : Roc de Cambes
C1. Château La Conseillante 2012, Pomerol (89 % M – 11 % CF)
Profil aromatique fin, fruité, baies des bois, avec toutefois un léger bémol (note phénolée apparaissant à l’ouverture. Bouche souple, gourmande, très jolie pulpe, volume sphérique. Beaucoup d’élégance. Le tanin est fin, fruité, délié.
C2. Vieux Château Certan 2012, Pomerol (87 % M – 12 % CF – 1 % CS)
Robe un peu plus soutenue que le précédent. Nez floral, menthol léger, épices orientales, pointe végétale. Bouche unie, ascendante, très jolie trame épicée. Belle construction, rigoureuse, élancée et qui finit sur un tanin croquant, légèrement réglissé.
Vin préféré par les participants dans cette série : Vieux Château Certan
D1. Alter Ego de Palmer 2012, Margaux (51 % M – 46 % CS – 9 % PV)
Robe soutenue. Cassis, fruits noirs, notes légèrement grillées. Entrée en bouche fraîche, fruitée. Superbe toucher de bouche, suave. Tanin fruité. Beaucoup de charme et de plénitude pour ce vin au corps très sphérique.
D2. Clos du Marquis 2012, Saint-Julien (92 % CS – M 6 % – CF 2 %)
Petits fruits rouges, épices. Corps svelte, à la trame très fine, dynamique. Tanin souple. Fruité. Très cabernet avec une grande rectitude d’expression et finale très fraîche.
Vin préféré par les participants dans cette série : Clos du Marquis
Même s’il ne s’agit pas à proprement parler de « seconds vins », plusieurs dégustateurs ont immédiatement pointé, à l’aveugle, la (minime) différence de hiérarchie par rapport aux vins de la série précédente.
E1. Château Les Carmes Haut-Brion 2012, Pessac-Léognan (44 % M – 38 % CF – 18 % CS)
Superbe nez, épices, havane, bouche dense, épicée, évasée. Très belle trame, profil aromatique original, cendre, santal. Le tanin est racé et profondément savoureux.
E2. Château Brane-Cantenac 2012, Margaux (68 % CS – carmenère 0.5 % et le solde en M avec un peu de CF)
Nez d’une belle intensité. Fruits rouges, notes balsamiques, touche de tabac. Bouche souple dotée d’une texture consistance avec un très bel éventail aromatique. Tanin fondant, suave. Notes mentholées sur la finale. Un vin très élégant, mais qui offre un peu moins de densité que les meilleurs.
Vin préféré par les participants dans cette série : Les Carmes Haut-Brion
F1. Château Calon-Ségur 2012, Saint-Estèphe (78 % CS – 20 % M – 2 % PV)
Superbe densité aromatique sur un profil très pur. Mûre, cassis, épices. Corps au filigrane très fin, parfaitement rythmé. Tanin millimétrique, ferme et savoureux. Belle finale.
F2. Château Léoville Las Cases 2012, Saint-Julien (74 % CS – 15 % M – 11 % CF)
Un autre profil fruité remarquable, sur la framboise, le cassis, avec une note florale du plus bel effet. On a une autre dimension d’énergie sur ce vin avec une chair évasée. Superbe richesse de constitution. Un vin droit dans ses bottes, remarquable mais pas très détendu. Il éclate en complexité à l’ouverture. Proche de la perfection dans ce millésime.
F3. Château Pontet-Canet 2012, Pauillac (65 % CS – 30 % M – 4 % CF – 1 % PV)
Robe un peu plus avancée que Las Cases. Nez expressif, fruits mûrs, moka, prune, mûre. Il est complètement différent dans son profil. Souple, charnu, il se distingue par son naturel d’expression et sa texture proche de celle d’un Bourgogne. En dépit de ces vertus, ce vin a suscité le débat et trois dégustateurs seulement l’ont préféré. D’autres, au contraire, ont été étonnés par son caractère (trop) évolué. On pourrait présumer d’un problème de bouteille, mais deux bouteilles ont été ouvertes ce soir-là et elles présentaient un profil similaire.
Vin préféré par les participants dans cette série de 3 vins : Calon-Ségur (8 votes), suivi par Léoville Las Cases (7 votes)
Comment
Assez violents ces combats de boxe entre deux noms. Pas de chance de revanche. Des matches à la mort subite ! 🙂
Mitjavile reste un coach première catégorie, pour sûr !