Et comme il est patent que l’on commence d’abord par aimer ce que l’on reconnaît facilement (quitte à prendre des vessies pour des lanternes), les explications savantes des professeurs Nimbus de l'oenologie militante sur le 4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one ou le 3-sulfanylhexan-1-ol que l’on trouve dans le sauvignon, ou sur les thiols, ne changeront rien à l’affaire. M. de la Palice qui sauvignonne sans le savoir sait que ça sent le buis ou un mélange de pamplemousse-fruit de la passion. Et ça suffit apparemment à son bonheur !
Hors le terroir, point de salut pourtant ! Un grand sauvignon – parce qu’il en existe, si, si ! – ne saurait s’exprimer uniquement dans ce registre. Comme si ce don naturel à séduire les foules avec son petit air de sureau entêté avait besoin d’être contraint, bridé, retenu, transcendé enfin par le terroir. De brillants viticulteurs, notamment dans la Loire, l’ont compris depuis belle lurette, à l’instar du regretté Didier Dagueneau et, avant lui, des pionniers comme les Cotat et Edmond Vatan.
Visite de François et Carine Crochet, un couple de viticulteurs passionnés de Bué, près de Sancerre, dont le travail s'inscrit dans cette lignée. Dans la fraîcheur agréable de nos caves des Bastions à Genève, ils sont venus présenter quelques-uns de leurs vins, les plus récents, disponibles au CAVE, et quelques vins en phase d'évolution.
Les vins en dégustation
Sancerre rouge 2008 issu pour moitié d’un terroir argilo-calcaire, ce vin est un exemple particulièrement réussi de ce qui fait l’attrait d’un pinot noir du sancerrois : élégance et dynamisme. Quels superbes accords gastronomiques en perspective. Le dégustant, je l’imaginais à table avec une pomme de ris de veau dorée, croustillante et moelleuse à l’intérieur, accompagnée de quelques morilles et de petits pois frais, juste cueillis et croquants. Vous n’aimez pas le ris de veau ? Essayez le poisson. Même avec des épices !
Issu d’un millésime plus généreux au niveau des rendements, le Sancerre rouge 2004, amené pour illustrer l’évolution du style (vers plus d’élégance, plus d’infusion dans l’extraction), ne déparait pas dans l’équipage, même si finissant effectivement sur une pointe d’astringence.

Vendanges à Sancerre. A l'arrière-plan le piton de Sancerre.
Le Sancerre rouge 2006 Réserve de Marcigoué est le vaisseau-amiral parmi les rouges du domaine. Issu d’un terroir calcaire, il est dense et séveux, d’une étonnante amplitude, avec une réserve impressionnante.
Sancerre blanc 2008 on rappelle ici que c’est un grand millésime dans la Loire avec une dimension de fraîcheur beaucoup plus présente que sur le Sancerre blanc 2009, présenté en parallèle, que la majorité des personnes présentes ont pourtant préféré. « En 2009, on a réussi à avoir à peu de choses près les mêmes ph qu’en 2008 mais comme en moyenne nous avons eu un degré de plus qu’en 2008, les équilibres sont différents » précise François Crochet.
Pour ma part, j’adore ce 2008 aux notes de menthe, d’ortie, de cédrat, d’eau-de-vie de framboise, tendu, épuré, d’une vibrante fraîcheur. Encore une fois, le plat qui pourrait lui donner la réplique est dans les starters. On pourrait essayer, façon William Ledeuil, une Daurade royale grillée au yuzu et gingembre avec, en contrepoint, un jus de cresson. Je vous le dis : ça risque vraiment d’être géant !
Autre belle surprise : le Sancerre blanc Chêne Marchand 2007 (dégusté en parallèle avec le 2002 du même terroir) : pur terroir de caillottes, arômes de sureau, de réglisse, de genêt. Le corps est fuselé, irradiant sur la finale avec un côté crayeux très savoureux. Très belle réussite pour ce vin issu d’un millésime que François Crochet présente comme le cousin germain du 2008, légèrement moins épaulé.
Ce bref tour d’horizon s’est terminé par la dégustation du Sancerre blanc Les Amoureuses 2006. La vibration ici est différente. Plus lourde, plus terrienne, plus sphérique et moins tendue. Normal, on est passé du calcaire à l’argilo-calcaire et le fruit ainsi que la chair sont tout de suite plus extraverti, plus flatteur et plus grasse, pour la seconde.
Pourquoi les Amoureuses ? Rien à voir avec un lieu-dit mais le nom de cette cuvée est une référence ironique à ces terres argileuses qui, dès les premières pluies, vous collent aux basques et vous retiennent. On dit qu’elles sont amoureuses. Si c’est ça l’amour, I would prefer not to… comme dirait ce cher Bartleby.
Je vous assure pourtant que j’en ai vu plusieurs qui, après avoir dégusté cette cuvée, essuyaient discrètement une larme heureuse.
Je vous assure pourtant que j’en ai vu plusieurs qui, après avoir dégusté cette cuvée, essuyaient discrètement une larme heureuse.
Merci à Carine et François Crochet d’être venus partager ces vins toniques et salutaires ! Avec l’été en couleurs qui s’annonce, ils vous propulseront très haut. Pour vous les procurer, vous savez où…
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Où l’on retrouve l’eau de vie de framboise chère à Nicolas …
Souvent trouvé des notes de fraise des bois dans les Sancerre de Chavignol (F. Cotat, P. Cotat, Vatan Néore : le beau 2008 récemment, Gérard Boulay).
Désolé encore, mais pour moi le Monts Damnés 2007 de Dagueneau récemment découvert est variétal (on jurerait une de ses cuvées de Pouilly-Fumé, bien léchée mais sans minéralité particulière).
Variétal comme nombre de vins de Sancerre.
C’est pourquoi j’aime la vibration de vins produits sur Chavignol.
Et il y a même le domaine des Quarterons (Riffault) qui produit des vins de sancerre "nature", avec en particulier la cuvée Skeveldra, pas mal sur 2003.