On dit Apremont et Abymes : en réalité, explique David Giachino, il vaudrait mieux parler du terroir d’éboulis, l’unité géologique serait plus précise, notamment pour Apremont dont seule une partie repose sur cette zone d’éboulis, la meilleure pour la production de nos vins.
Nous sommes à Chapareillan, petit village situé non loin des Marches. Les frères Giachino, Frédéric et David, ont créé ce domaine en 1988. La viticulture est intégralement bio et la vinification, à la fois très précise mais la plus naturelle possible, respecte au maximum l’intégrité du fruit. Le soufre ? Très peu… A la demande Jacques Maillet, dont ils vinifient les vins, les Giachino vinifient une Roussette de Savoie, mais ils ne paraissent pas plus convaincus que ça… J'ai comme l'intuition que leur idée de la précision en souffre (enfin, si j’ose dire…)

David Giachino : des vins ultra précis aux vertus désaltérantes.
On commence la dégustation par le Primitif 2009, une jacquère comme on les faisait à l’origine, pleine de vie et de vivacité, pimpante, leste, vraie ! Très léger sulfitage à la mise mais pas de SO2 en vinification et le vin titre 9.5, c’est dire s’il est désaltérant ! Bravo !
L’Apremont 2009 est issu de vieilles vignes de jacquère sur le coteau du lac St-André. Vif, citronné, avec des notes d’infusion et d’amande, il est doté d’une bonne consistance mais apparaît un peu linéaire.
Produit à partir de vignes sises sur éboulis, sur Apremont et Abymes, le Monfarina est une révélation. Belle densité, il est articulé autour d’une trame de fraîcheur avec de fines notes d’amande grillée et de verveine.
La Roussette de Savoie 2009 du domaine est presque de cet acabit-là avec de très belles notes de fruits et d’agrumes. Que dire des rouges du domaine ? Ils sont bons, vifs et fruités, tel l’étonnant Persan 2009 dont la chair n’est pas triste et la Mondeuse 2009, élevée en fût de 500 l. au nez qui allie le poivre et la cerise. Décidément, une jolie adresse et je comprends pourquoi Michel Grisard voulait absolument me la faire découvrir.

Raphaël Saint-Germain.
Tout comme celle du domaine St-Germain à St-Pierre d’Albigny dont la gamme de vins proposés témoigne d’une belle homogénéité et de la même recherche qualitative.
On fait un saut en passant à Cruet dans le nouveau domaine dont Philippe Grisard (un des frères de Michel) vient de faire l’acquisition. Les 2009 sont en bouteilles mais ils ont été vinifiés par le propriétaire précédent. Attendons donc les 2010 ! Savez-vous ce qu’est une rioute ? Si vous aimez l’anis et les viennoiseries, goûtez à l’occasion cette spécialité locale. A l’heure apéritive, c’est pas mal du tout !

Michel Grisard (à gauche sur la photo), lors d'un récent concert du pianiste François-René Duchable (en treillis militaire au centre) et d'une présentation d'Alain Carré (deuxième depuis la gauche) au domaine des Ardoisières à Cevins.
Photo : Nicolas Herbin
Et voici enfin, blotti à la lisière des forêts et des vignes, l’accueillant Prieuré St-Christophe à Fréterive. Pas très loin du médiéval château de Miolans où Donatien Alphonse François de Sade, le divin marquis, connut un entracte forcé de quelques mois.


A Fréterive, nous sommes accueillis par Roselyne et Michel Grisard pour une dégustation des vins de la propriété. Un vrai marathon, passionnant, car Michel Grisard, généreux et expansif, est un homme de partage, l'un des chantres les plus inspirés des vins savoyards. L’ampélographie alpine, la préservation des vieux cépages, la biodynamie, les arts de la table, tout l’intéresse et cet ambassadeur, s’il a un territoire personnel à représenter, fait partie des rares qui ne roulent pas que pour eux-mêmes et savent mettre en valeur les autres. Avec Michel Grisard, même s’il parle beaucoup, on ne risque pas de le voir s’enfermer, comme c’est parfois le cas avec d’autres, dans une forme d’autisme vinicole, où seuls les vins qu’ils produisent trouvent grâce à leurs yeux et à leur palais !
Pour vous mettre en soif, une verticale de Roussette de Savoie du Prieuré St-Christophe :
Roussette de Savoie 1989 Magnifique nez, complexe, sur la truffe, les fruits exotiques. Corps ample, riche, avec une belle trame acide. Finale d’une longueur moyenne. Pour une jeune vigne (plantée en 1985 et 1986), c’est néanmoins une remarquable réussite.
Roussette de Savoie 1991 Année de rendement assez élevé malgré le gel, malgré le gel. On retrouve ici un nez légèrement truffé mais moins intense et moins profond que sur le précédent. Corps un peu mince, tenu par la fraîcheur, qui finit un peu effilé.
Roussette de Savoie 1993 C’est un vin militant: pas de malo et élevé intégralement en bois neuf. Cela se perçoit encore aujourd’hui. La bouche est tendu, dynamique, avec une belle tenue finale. Un témoin des années de recherche stylistique.
Roussette de Savoie 1995 Le pourcentage de bois neuf a été réduit sur ce millésime et c’est tant mieux. Un vin élancé, articulé avec précision, d’une réelle finesse d’expression, assez tranchant, avec une finale au caractère cristallin.
Roussette de Savoie 1996 « c’est le plus gros rendement de ma carrière, 60 hl/ha » précise Michel Grisard. Jolie robe à reflets légèrement dorés. Ce millésime est sans malo également. C’est un vin équilibré, frais, dynamique, aux notes d’agrumes mais la longueur est limitée.
Roussette de Savoie 1997 Robe à reflet dorés. Il s’avance sur des notes de fruits du verger très mûrs, sillage miellé et beurré à l’ouverture. Corps imposant, au développement ample. Beaucoup d’extrait sec et belle envolée finale. Grande réussite.
Roussette de Savoie 1999 Nez très fin, beaucoup d’élégance dans l’expression aromatique. La malo est désormais faite et ce changement stylistique a son importance dans la forme du vin en bouche. Ce millésime apparaît toutefois quelque peu désuni. Le vin est agréable mais la finale manque d’ampleur.
Roussette de Savoie 2000 La robe offre des reflets dorés. Nez expressif, complexe, sur un profil quasi « bourguignon ». Entrée en bouche caressante, beau volume à l’évolution et finale d’une très belle tenue. Une vraie gourmandise à déguster aujourd’hui !
Roussette de Savoie 2002 Si le nez demeure pour l'instant sur la réserve, un peu énigmatique (selon Michel Grisard, le vin est un peu entre deux phases), la bouche, tendue et soutenue, révèle un des dessins de bouche les plus purs de la série. Remarquable !
Roussette de Savoie 2004 Une certaine élégance, à défaut d’une grande richesse de constitution. La ligne en bouche est précise mais l’ensemble paraît un peu fluide.
Son Altesse Le Refus, Vin de table français Les millésimes 2005 et 2006 ont été assemblés en un geste à la fois provocateur et, quand on déguste le vin, d’une grande pertinence : l’agrément n’a pas été accordé au 2005 et le volume du 2006 était très bas. Nez extraordinaire, exubérant, notes de mirabelle, de fruits secs, d’épices douces. Corps admirable, presque baroque mais qui a su trouver son équilibre et finale complexe aux notes florales et miellées. Il y a des défaites qui avec le temps sonnent comme des victoires, éclatantes.
Roussette de Savoie 2007 Très joli nez, sur les fleurs blanches, la poire. Corps très fin, élégant dans ses articulations. Beaucoup de charme mais manque un peu d’énergie interne.
Roussette de Savoie 2008 n’existe pas…
Roussette de Savoie 2009 les sangliers ont vendangé…
Attendons donc le 2010 ! Bientôt : une verticale de Mondeuse Tradition et Prestige du même domaine et une excellente adresse à se mettre sous la dent !
Donnez votre avis
Voilà une série d’articles sur cette si belle région qui remet pas mal de pendules à l’heure sur le monde des vignerons : ou quand il peut y avoir un bel équilibre entre amateurs et producteurs.
Grand Jacques : tu montes d’un cran comme nobélisable du vin 🙂
Grand bonjour de VDE
François, je te trouve un peu gonflé de croire qu’un suisse, ne puisses pas faire autrement que mettre les pendules à l’heure et quand on sait que la théorie de la relativité lui doit beaucoup, Etienne Klein va te morigéner, mauvais élève.
Oh là, comme tu y vas, François, aucun espoir de ce côté-là ! Et puis, tu sais que, dans le foulée du grand John Cassavetes, nous ne sommes que des blogueurs sans influence !!!
Bien aimé cette jacquère bien constituée :
Vin de Savoie Abymes : Domaine Michel et Mireille Cartier 2006
Aïe, Laurent ! je devine que tu n’as pas encore dégusté la Jacquère Primitif des frères Giachino ! Une incertitude, un trou noir, un abîme dans tes références ! A compléter de toute urgence, mon gaillard !
(IT’S A JOKE BIEN SÛR !)
Le domaine Giachino fait à mon goût des vins remarquables de pureté et d’équilibre, des touchers de bouche d’eau de roche parfaitement tenus par d’étonnantes concentrations !
Ce domaine fut mon coup de cœur lors de la dernière édition de cette excellente manifestation qu’est la Journée des Vins de Savoie sur Paris !
Un événement indispensable et important pour valoriser comme elle le mérite les grands vins de cette région attachante !
Bravo à ces initiateurs.
M. Perrin,
Un avis plus détaillé sur les jolis vins du domaine St Germain dont la cuvée de persan me laisse un bon souvenir ?
Amitiés,
Oliv
Je m’en vais de ce pas combler cette lacune, Jacques(ère) !
🙂