Un rêveur se contente de rêver. Un doux rêveur sait parfaitement où il va ! Donc Gilles Berlioz, qui fait partie de la deuxième catégorie, a commencé de rêver en 1990, créant son propre domaine.
Aujourd’hui, il travaille sur 4 ha à peine. La viticulture qu’il pratique est d’inspiration biodynamique mais « sans sectarisme, hein ! Je ne veux pas m’enfermer là-dedans. Pour moi, la biodynamie, c’est l’ouverture vers les gens ! »
Chignin et son coteau.
Il nous emmène faire un tour dans les vignes, quatre parcelles au total, des îlots entre éboulis calcaires et terroirs plus sableux, où il cultive jacquère, roussanne, mondeuse et persan. Ce dernier, qui fait partie de la famille (géogroupe) des serines, commence à susciter un certain intérêt en Savoie, sous l’impulsion de gens comme René Raffin ou Michel Grisard. « C’est un peu l’antithèse de la mondeuse, il fait du degré et de l’acidité, je l’aime pour ça… » dit Berlioz.
"Le moût libérait des goûts de fou, des parfums de fleurs, de fruits, d'épices…"
Mais Chignin, c’est surtout un des lieux d’élection de la roussanne. Voici la cuvée Les Filles, produite sur le lieu-dit Les Châteaux, tout près de la chapelle Saint-Anthelme. Ici, les roses trémières ont vraiment un petit air désenchanté à la Gérard de Nerval, même si, sur ce terroir un peu plus argileux, le Bergeron chante avec une suavité particulière.
En 2009, tout a été exacerbé. Gilles Berlioz raconte comment, au moment des vinifications, le moût libérait des goûts de fou, des parfums de fleurs, de fruits, d’épices. Tout un maëltrom troublant ! Ces Filles ont des rondeurs joufflues dans ce millésime, quelques grammes en trop, du pur sucre, non transformé.
Berlioz ne nous joue pas du violon : « Comme je ne suis pas interventionniste, il reste encore 16 g de sucre : pour moi c’est pas du vrai vin ça, idéologiquement, un vin avec du sucre.… »
Le sucre, il n’aime pas ça, Gilles. Il ne chaptalise plus ses vins. Il pense être un des seuls à le faire en Savoie. Pour preuve, son Chignin 2009, Jacquère est nerveux, élancé, tranchant comme la voix de Björk…
Mais le fleuron de la cave, c’est le Chignin-Bergeron dont j’ai apprécié, il y a peu, le 2008, à table, aux Flocons de Sel. Il évoque l’acacia, les fruits à chair jaune, avec une légère touche d’évolution. Le corps est droit, élancé, très pur dans son expression. Le 2007 est également une réussite, avec une dimension de complexité supplémentaire. Il regorge de notes fruitées et sa générosité naturelle est nuancée, parfaitement équilibrée. Epanoui, expressif sur des notes florales, d’infusion, avec une touche beurrée, le 2005, se déguste avec plaisir dès maintenant.
Arbin, la vieille vigne de mondeuse du domaine Magnin.
A quelques kilomètres de là, voici Arbin, sous les contreforts des Bauges. C’est ici un des royaumes de la mondeuse qui sur ces éboulis argilo-calcaire orientés sud-est s’exprime magnifiquement. Rencontre avec Béatrice et Louis Magnin. Ce couple de vignerons attachants travaille sur 8 ha situés sur Arbin et Montmélian et les vins qu’il produit font partie de ce que la Savoie peut offrir de meilleur.
Cap sur la vieille vigne de mondeuse, sur les hauteurs d’Arbin. Une alerte nonagénaire sur laquelle veille un amandier à la circonférence impressionnante.
Une fois de plus, 2010 sera une année de viticulteur et les Magnin ne sont pas partis en vacances cet été. Tôt levés, il fallait être dans les vignes. Béatrice Magnin, la « sentinelle » comme elle se décrit volontiers, a veillé au grain !
Heureusement d’ici, par beau temps, le regard porte loin, l’Arclusaz, la Maurienne, la chaîne de Belledonne, le Mont Blanc et, pour un peu, on se sentirait presqu'en vacances…
Louis Magnin.
Retour à la cave des Magnin, vaste et très fonctionnelle, pour une dégustation des 2009 qui sont encore en élevage. Incidemment, c’est le vingtième anniversaire de la propriété.
Le Chignin-Bergeron 2009, mûr, opulent, déploie des fastes presque orientaux. Je lui préfère l’équilibre du merveilleux Grand Orgue, qui conjugue avec bonheur richesse naturelle et finesse. Hélas, la sécheresse est passée par là en 2009 et a considérablement réduit la récolte. Une autre grande réussite : le Chignin-Bergeron 2009 Vertical issu d’une vigne jeune, dont la reconversion en biodynamie, à partir de 2007, s’est révélée spectaculaire. Et c’est vrai que cette vigne n’a pas l’air malheureuse pour donner un jus aussi jubilatoire et cristallin. En tout cas, elle porte bien son nom !
Que dire alors de la Roussette de Savoie 2009, issue de vieilles vignes, très fleurs blanches, d’une finesse émouvante, dont le lent crescendo paraît interminable.
Le Chignin-Bergeron 2009, mûr, opulent, déploie des fastes presque orientaux. Je lui préfère l’équilibre du merveilleux Grand Orgue, qui conjugue avec bonheur richesse naturelle et finesse. Hélas, la sécheresse est passée par là en 2009 et a considérablement réduit la récolte. Une autre grande réussite : le Chignin-Bergeron 2009 Vertical issu d’une vigne jeune, dont la reconversion en biodynamie, à partir de 2007, s’est révélée spectaculaire. Et c’est vrai que cette vigne n’a pas l’air malheureuse pour donner un jus aussi jubilatoire et cristallin. En tout cas, elle porte bien son nom !
Que dire alors de la Roussette de Savoie 2009, issue de vieilles vignes, très fleurs blanches, d’une finesse émouvante, dont le lent crescendo paraît interminable.
On met son nez au-dessus d’une curiosité, un Chignin-Bergeron 2008, récolté sur une vigne en terrasse, sur les hauts d’Arbin, un vin extravagant, baroque, aux notes de miel, de coing, de fruits jaunes confits, à la superbe tension. On imagine un chant d’abeilles, le début du nectar : »les grappes étaient marron, il y avait des abeilles partout, on devait faire attention en vendangeant… » nous confient les Magnin. Comme chez Marie-Thérèse Chappaz dans ses vieilles marsanne au-dessus de Fully !
Oui, vraiment, un vin extravagant… D’ailleurs, comment s’appelle-t-il déjà ?
Retour à la Roussette de Savoie dans le millésime 2008 avec ce vin vraiment ébouriffant qui n’est pas sans évoquer certains grands rieslings de la Moselle. Superbe nez, délicat, aérien, il a un côté très eau de roche, cristallin, d’une vivacité saline, empreinte d’une légère douceur. Il finit sur des notes d’agrumes confits. Un très beau vin d’accords gastronomiques !
Le Grand Orgue 2008 n’est pas en reste, moins gras, moins opulent que d’habitude, mais doté d’une remarquable tonicité.
Il commence à se faire tard. Michel Grisard nous attend. Nous avons rendez-vous avec lui dans un restaurant épatant, la Fresque à La Rochette mais, avant, on goûte encore les deux rouges-phares de la maison. L’Arbin Mondeuse vieilles vignes 2009, sur la cerise, la violette, magnifique de concentration et de style et La Brova 2009, énergique, serrée, complexe que l’élevage viendra amadouer.
Oui, vraiment, une belle journée dans cette Savoie qui pavoise !
11 Comments
Souvenir d’une mondeuse 2005 de Gilles Berlioz bien typée (vive, poivrée, joliment rustique).
Goûté aussi une roussette 2006 (tu ne mentionnes pas ce cépage, Jacques ?).
Même beau niveau que le chignin-bergeron 2006, tous deux supérieurs au chignin 2006 et au chignin-bergeron 2004.
Impression mitigée sur Grand Orgue 2000, fruité comme le cépage le permet mais manquant un peu de socle (idem pour le 2005).
Préféré le Chignin-Bergeron 2006.
La roussette 2007 est très parfumée mais n’a probablement pas l’envergure du 2009.
Ses mondeuses VV 2001 et 2004 m’ont paru plutôt autoritaires. Possible que le réchauffement climatique soit un allié dans cette région.
J’ai eu un peu de mal avec la Brova 2005 (phase ingrate ?) et La Brova 2006, goûtée dans la même série et encore bien trop dominée par son élevage.
Bref, nette préférence pour les blancs.
Côté Michel Grisard, je n’ai goûté, il y a fort longtemps, que la mondeuse Prieuré St-Christophe 1996.
En espérant ne pas avoir été trop long …
Merci en tout cas pour ce voyage par procuration.
"Pour moi, la biodynamie, c’est l’ouverture vers les gens !"
Très intéressant point de vue décentré !
"…quelle est la différence entre un rêveur et un doux rêveur ? "
Un rêveur c’est comme le savon, le rêveur est décapant tandis que le doux…
Pour moi , les plus belles réussites de G Berlioz sont :
Bergeron 2004 – Roussette 06 – Mondeuse 2002 ( magnifique ….malheureusement Mr Veyrat a récupéré le stock .
Son simple Chignin 2007 démontre que Gilles est un artiste " paysan " ….
Doux rêveur ..c’est bien le terme que j’utilise pour identifier notre ami de Chignin ..mais sans dévoiler un petit secret , il me semble qu’un membre de sa famille utilise les mêmes mots .
Un grand merci à Mr Perrin pour ces magnifiques reportages …je vais attendre avec impatience , celui du grand " MONSIEUR " de Freterive .
Jean Luc ..de plus en plus fier de ses amis "vignerons Savoyards "
Comme Laurent , je ne suis pas amateur de la Mondeuse " Brova " de la famille Magnin ..Il me reste en mémoire , le superbe Bergeron 90 du domaine .
Merci Jean-Luc,
Des infos d’un régional d’étape …
🙂
Et la négrette frontonnaise, tu aimes ?
J’aime bien Plaisance 🙂
Armand,
Le chai de Plaisance est à 4 kms de chez moi …
Marc Penavayre est un vigneron talentueux et toujours souriant.
http://www.mairie-fronton.fr/tex...
Jacques,
Magnifiques vignerons et superbe région.Comment était la cuisine du Gallois Sion Evans?
Jean-Luc,
Un des plus belles mondeuses rencontrées : Chignin Mondeuse A&M Quénard VV 2007
Cassis et poivre, ambitieuse, parfaitement proportionnée, sans élevage intempestif ennuyeux.
As-tu goûté ce vin ?
D’accord avec vous, Laurent et Jean-Luc, concernant la Brova dont le boisé est souvent trop "appuyé"…
En tout cas, j’ai le plaisir de constater que les grands vins de Savoie ont d’ardents défenseurs parmi les vrais amateurs !
Pascal, je parlerai prochainement de la cuisine de Sion, très épurée, très précise et originale, une cuisine qui va à l’essentiel et que nous avons beaucoup aimée, les cinq commensaux !
Et bien sûr, dans le prochain post, je parlerai longuement des vins de Michel Grisard qui œuvre avec passion pour faire connaître les vins de Savoie !
Bonjour Monsieur Perrin,
c’est amusant, je suis en train de faire mon arbre généalogique et je découvre que mon ancêtre balthasard Perrin né à Chignin, est mort à Arbin. Inutile de dire que nombre de perrin ont épousés par la suite des Magnin, et que nos histoires sont indissociables de celles de nos vignes encore aujourd’hui…
bonne journée,
cousin ?