Le Grünhorn

Tel un héros à la James Ellroy, il aimait les parois glacées. En compagnie du guide valaisan André George, Loretan avait été un des premiers à réaliser des enchaînements dans les alpes bernoises et valaisannes, ouvrant la porte à une nouvelle forme d’alpinisme. Incroyablement doué, polyvalent, rapide, léger, ailé presque, il incarnait l’évolution de l’alpinisme contemporain. Un pied dans le XXème siècle, pour les valeurs héritées d’un Bonatti dont il avait l’intégrité et le style ; l’autre dans le XXIème, pour sa phénoménale capacité d’adaptation aux conditions extrêmes : 43 heures pour un aller-retour express avec Jean Troillet jusqu’au sommet de l’Everest par le couloir Hornbein ! La performance défie l’entendement. Le grand Messner lui-même s’est incliné. Le monde venait de découvrir la CTGV (cordée à très grande vitesse) : corps de mutant et mental en acier de Damas. Derrière le sommet, il y a toujours un autre sommet. Que cherche-t-on là-haut, dans cette « zone de la mort », cet au-delà du monde ? Guérir de ses blessures ? Apprivoiser sa part d’ombre ? Une rédemption ? Chacun trouve sa réponse au bout de la route. Sans doute s’agit-il de gravir sa montagne intérieure. Sept ans après la disparition d’une autre comète, Patrick Berhault, presque jour pour jour, quasiment à la même heure, le parallèle s’impose. Il n’y a pas de belle mort, même en montagne. Il n’y a que des vies réussies. Et cette ultime image, chacun en détient la vérité.