Claude Bourguignon, pouvez-vous définir ce qu'est le terroir ?
Il faut rappeler tout d’abord que la notion de terroir n’existe qu’en français. C’est un mot intraduisible dans les autres langues. Le terroir est défini par quatre paramètres. Tout d’abord un climat – il se trouve que l’Europe a la chance d’avoir un climat tempéré. L’avantage d’un tel climat est de permettre cet équilibre subtil entre l’acidité, l’alcool et la maturité phénolique. Le terroir est également défini par une topographie – pour faire un grand vin, il faut être sur un sol en pente car, d’une part l’exposition aux rayons du soleil sera meilleure et, d’autre part, la topographie va permettre d’éliminer les excédents d’eau. Si on laisse une vigne en présence d’eau, elle va se mettre à pousser énormément. N’oublions pas que la vigne est une plante de forêts marécageuses du Caucase et c’est une vigne qui monte à 40 m de haut. L’homme, pour pouvoir lui permettre de faire des grands vins, la torture. Il la taille et la fait rester près du sol où elle va pouvoir profiter de la chaleur de la pierre et mûrir son raisin.
(…) Troisièmement, le terroir, c’est une géologie : il y a 3 types de roches sur la planète. Majoritairement à 90 % on trouve des roches acides avec le schiste ( 75 %), le granite (15 %). Enfin on a des roches calcaires (7 %) et les roches volcaniques (3 %). Or, il se trouve que Vitis vinifera est une plante calcicole, c’est une plante qui aime le calcaire. Par chance la France, l’Italie et l’Espagne sont des terres calcaires. En particulier, la France a 55 % de terrain calcaire ; par ailleurs, dans les schistes, les granites et les gneiss, on se rend compte qu’on fait souvent de grands vins blancs. A
(…)
Et enfin il y a le sol : Vitis vinifera va attaquer les différentes roches sur lesquelles elle pousse et va donc fabriquer des argiles. Chaque roche va libérer sous les attaques de la plante les éléments qu’elle contient. Par exemple, à Morgon, ce sont des granites à manganèse et cela se retrouve dans le vin. D’où l’expression, le vin « morgonne ». Evidemment, si on utilise des engrais, on va gommer les effets de terroir. Il faut en effet que la vigne plonge ses racines au plus profond du sol. Un grand terroir doit provoquer un arrêt de croissance. Il faut qu’à un moment donné , la vigne s’arrête de pousser et s’occupe de son raisin et qu’elle opère sa translocation. Pour cela, il faut un enracinement profond. Elle continue de mûrir son raisin tout en arrêtant de pousser. C’est cela un grand terroir, celui qui force la vigne à aller chercher dans la profondeur. Pour qu’il y ait un grand terroir, il faut que les racines puissent descendre, pour qu’elles descendent. Il y a deux solutions : le système bourguignon et alsacien ou côtes du Rhône, où la roche a été fissurée par des mouvements tectoniques. Si la roche est fissurée, les racines peuvent s’y glisser et descendre très profondément.
A l’inverse, on a ce qu’on peut appeler des terroirs créés par l’homme, c’est le cas du Bordelais comme on l’a vu ci-dessus. On a un dessus extraordinairement filtrant qui permet à la vigne de s’enraciner et au fond les argiles. C’est donc pas n’importe quel terroir qui peut faire des grands vins.
Extrait d'un entretien paru dans Vinifera 29. Pour vous abonner à Vinifera
2 Comments
à rapprocher de tous les désordres cités ici et là, dont Attali, de cette planète qui, décidemment, souffre beaucoup.
Faut-il "revisiter" les théories de Malthus ?
Et toujours cette lancinante question : pourquoi les humains, particulièrement ceux qui ont manifestement un avenir totalement bouché, continuent-ils à faire une ribambelle d’enfants ? Pour montrer leur "force" ? Pour avoir du pain fourni par aurtrui pour leurs éventuels vieux jours ? Par égoïsme ? Alors qu enous, les nantis, avons de quoi nourrir une descendance et ne faisons pas grand chose ?
Où est le blême ?
pour info, cette video fait également partie du film documentaire Alerte à Babylone, de Jean Druon, qui pose les bases d’un débat sur l’utilisation de toutes les nouvelles technologies (OGM, nucléaire, nanotechnologie) dans l’agriculture…Il ne manque plus qu’un vrai débat sur le sujet, ce que le président français refuse pour le moment…pour des raisons malheuresement évidentes…