« Nous qui avons tellement d’espace et si peu de temps, nous nous ferons nomades. »
Annie Lebrun
Territoire immense, sauvage, brut, la Mongolie exerce une véritable fascination chez ceux qui ont eu l’occasion d’en voir ne serait-ce qu’un fragment ! Grande comme trois fois la France avec une population de près de trois millions d’habitants, la Mongolie est le pays des contrastes, voire des extrêmes, à la croisée des mondes, montagnes et déserts, ombres et lumières, instant et infini.
Après avoir été au XIIe et XIIIe siècle, sous Gengis Han et ses successeurs, le plus grand empire ayant jamais existé, la Mongolie extérieure a vu son pouvoir diminuer à partir du XIVe, louvoyant avec beaucoup d’intelligence stratégique entre ses puissants voisins et récupérant son autonomie à partir de 1992.
Ce qui frappe en arrivant à Ulaan-Bator, la capitale, point de passage obligé pour la plupart des voyageurs, c’est le développement frénétique de cette ville qui ne cesse de s’étendre. Plus de la moitié de population y vit et les immeubles prolifèrent, peuplés parfois de fantômes, comme s’ils anticipaient un développement économique encore incertain mais que laisse augurer la richesse extraordinaire en minéraux du pays. Cette dernière suscite bien des convoitises et le film Behemot de Zhao Liang préfigure sans doute ce qui pourrait arriver à une partie de la Mongolie. Autre sujet de préoccupation : si un tiers des Mongols sont nomades, nombreux sont ceux qui, délaissant une vie rude, sont venus s’établir à Ulaan-Bator, souvent après avoir perdu tout ou partie de leur troupeau suite aux récents hivers terribles (dzud blanc), plantant leurs yourtes désormais immobiles avec, bien souvent, comme seul horizon, la résignation ou le désespoir au milieu d’une environnement pollué par la fumée.
Impossible d’échapper à une forme de clichés avec la Mongolie. Le Naadam, la grande fête nationale mongole qui a lieu dans la capitale, est l’occasion de le vérifier et de sentir la communion de tout un peuple avec ces deux pôles que constituent la lutte mongole et les courses de chevaux.
Après une interminable attente, l’aéroport d’Ulaan-Bator étant fermé pour accueillir les participants au sommet Europe-Asie, l’Ilyushin IL-114-300 décolle enfin de l’aéroport militaire. Cap sur Ulaangom tout à l’ouest de la Mongolie, à 1336 km de là, capitale de l’Uvs, province frontalière avec la république russe de Touva.
Nous sommes cinq accompagnés par une guide. Notre programme : rejoindre dans la nuit notre premier campement dans la montagne pour commencer notre « grande traversée de l’Altaï mongol » en passant d’abord par les monts Türgen, puis après deux jours de piste chaotique, en parcourant le parc national de l’Altaï jusqu’au camp de base des « Cinq montagnes sacrées » (Tavan Bogd), en bordure du glacier Potanine, le plus long de Mongolie (16 km). De là, nous pourrons effectuer l’ascension de la Montagne de l’éleveur (Malchin Uul 4050).
La suite appartient à ces paysages, à la durée, à la pulsation des éléments, aux vallées vers lesquelles on chemine par des sentes invisibles, à la géométrie du silence, à la vie primordiale, à la lumière, à l’hospitalité, à ces rencontres avec des éleveurs nomades et leur famille, traits burinés, regards rieurs, aux rivières glacées, aux chamans, aux pétroglyphes qui remontent du fond du temps, à cette vastitude où le monde se réinvente, aux montagnes, à ces ciels atmosphériques, à l’évidence de tout, au chant :
« car une brise semblait monter de ce chant. N’était-elle pas ce quelque chose qui avait sa place parmi les rayons du soleil, les zéphyrs du ciel et les eaux du fleuve, dans le balancement des forêts, la croissance des herbes et des fleurs sur les prairies, la cohésion des montagnes, des rochers, des rives et de la terre, dans l’essence de la nature qui fondait l’existence même de ce quelque chose ? C’était peut-être le souffle sain et rassurant de l’univers. Ou peut-être tout autre chose : la volonté qui sommeille en chaque être et parfois s’éveille, jaillit et se transforme, comme l’eau devient vapeur ou le bois flamme, puis atteint les autres. »
Galsan Tschinag, La fin du chant
Quelques images encore…
Comment
Bonjour,
J’ai apprécié votre article sur l’Altai. J’aimerais m’y rendre cet été, et je peine un peu avec l’organisation de mon voyage. Est-il envisageable de se mettre en relation pour échanger.
Bien cordialement
Sonia