Haut lieu de la bistronomie bobo, la Gazzetta de Petter Nilson méritait bien un tel détour. Décor année de brasserie des années trente, deux salles, un bar, des bougies à foison, qui génèrent un clair-obscur entre Rembrandt et l’extinction des feux.
Pas de chance, la table qu’on nous a attribuée se situe dans un véritable trou noir ! Rien à voir hélas avec l’ »outrenoir » de Soulages et sa lumière particulière !
Vu d’ici, les plats ressemblent à un monde en gestation, un magma aux contours imprécis. Une voix dans la nuit évoque même l’atmosphère d’une alerte aérienne.
Question photos, je crains un peu le pire, Je demande donc à changer de table. On m’amène une luciole supplémentaire. Je me garderai donc de chanter ce soir : mon ami Petter, ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu. D’ailleurs, l’info a circulé près du bar, tout à l’heure : Petter n’est pas là ce soir.
ambiance de la rue Cotte, un vendredi soir.
Voici le menu tel que j’ai réussi à le déchiffrer :
Jaune d’œuf confit et oignon doux de Cévennes, endive et cresson
C’est frais, amusant et pimpant. On attend la suite.
Saint-Jacques rôties et lentilles corail, aneth et vinaigre
Pour mémoire, voici ce qui reste du plat dans la chambre noire ! Ce sera la seule photo de la soirée. Contrairement aux apparences, elle n’est pas ratée… Mon Lumix réalise d'habitude des prodiges, mais là, mission impossible !
Lamelles de cabillaud et topinambours, citron et noisettes
Il y a de l’idée. Produit de qualité. Le cabillaud s’effeuille en corolles translucides. Cuisson impeccable. Lamelles de topinambours à cru. Elles semblent appeler irrésistiblement la noisette, un peu trop envahissante pourtant.
Bœuf basque braisé et purée de rattes, moelle fumée et champignons
Très beau plat dans l’esprit bistrot. Les saveurs sont franches, profondes, équilibrées et la moelle fumée est astucieuse.
On conclut cette leçon de ténèbres avec deux desserts assez ébouriffants, surtout le deuxième :
Semi-freddo de mandarines, meringues et pistaches
Ganache Caraïbe et brioche thé fumé, céleri et ananas
Carte des vins : plutôt limitée. Visiblement, on n’a guère l’envie ici de se compliquer la vie. Les vins sont classés en trois catégories : à boire frais / les insulaires et les continentaux avec une petite fenêtre sur l’Italie et l’Espagne, mais minime. Et les verres sont bistroy…
Dégusté un Château La Négly blanc 2008 Brise marine qui ne nous a pas emportés et un honnête Faugères 2008 L’Ancienne Mercerie qui ne casse pas trois pattes à un Domaine Saint-Antonin, par exemple.
Service distant et impertinent :"Pourquoi prenez-vous des notes, laisse-vous aller au plaisir !"
Les prix menu à 5 plats 38 € et 7 plats 50 €. Compte tenu de la qualité proposée, ils expliquent le succès de l’établissement et, peut-être, la parcimonie de l’éclairage.
Cela dit, soit je n’ai rien compris, soit nous n’avons pas vu le même film et il faudra qu’on m’explique pourquoi cette Gazzetta est considérée par certains comme la septième merveille de Paris !
L’adresse La Gazzetta 29 rue de Cotte Paris
t. 01 43 47 47 05
12 Comments
Mais qu’allait-il faire dans cette galère?
L’Outrenoir Jacques, dans toute sa lumière, on pourrait le penser fil conducteur de la décoration – réussie – du Guilo-Guilo dont on parlait il y a si peu …
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Les souvenirs affluent :
– Tartare de bar au gingembre, daikon, riz soufflé et prune salée
– Tempura de mais doux, langues d’oursins et wasabi
– Maquereau à l’aubergine, miso noir, tofu séché et feuille de poivre.
– Langue de boeuf au shiitaké, ciboulette et foie gras cru
…
Une quinzaine de préparations comme de vrais voyages aboutis. On ira, si vous le voulez bien, c’est définitif !
Peut-être sa cuisine s’exprime-t-elle mieux à la lumière du jour comme celle de Barbot à l’Astrance.
Jacques,
Bravo pour ton objectivité …
Je suis las des blogs où tout ce qui est vécu est grand et où tout ce qui est raté est tu.
Négly Brise Marine 2006 : tendre, limité (70 bourboulenc, 20 marsanne, 10 roussanne)
Ancienne mercerie Cuvée Couture 2000 en berne … ici aussi, une sorte de service minimum, manquant cruellement d’éclairage.
Souvenir en dents de scie sur St-Antonin Magnoux 1998.
C’es curieux chez les zwinglistes ce besoin d’être modiste 🙂
Qui sont ces "certains" : François Simon ? Il aurait osé ?
Et puis ces plats qui sont systématiquement une énumération de produits différents jusqu’à plus soif !
Un plat qui abime mon Lumix n’est pas digne de passer à la postérité ! C’est dit !
François, si le coup de l’énumération c’est pour charger Guilo-Guilo, franchement, vas goûter, ça te rappellera furieusement qq fulgurences d’une opération des grandes heures …
C’est top !
François, tu voulais bien dire "modeste" ? En effet, je ne fais pas (encore) dans la confection de chapeaux pour calotins !
Il y a des lapsus qui valent leur pesant de cacahuètes !
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé.
Un seul e vous manque et vous passer pour un calotin !
Aargh !
Je suis de l’avis de Paul,et en même temps je peux comprendre la déception quand l’émotion est absente.
La règle de base devrait être,on vient manger uniquement si le chef est en cuisine.Enfin c’est mon avis et je comprendrais aisément qu’il soit unanimement partagé!
Bon week-end à tous
Petite question Pascal,
Est-il important pour vous de voir le chef, ne serait-ce que quelques instants, lorsque vous allez manger sous des cieux étoilés ?
Alfredo,
Oui j’aime voir en pleine lumière celui ou celle qui aura cuisiné pour moi,sous des cieux étoilés ou pas.Le seul critère déterminant pour moi lorsque je découvre une table,c’est juste de me donner envie d’y retourner.
Et pourquoi pas se boucher les oreilles et le nez également ?
Pour moi la vision est une dimension capitale en ce qui concerne la gastronomie. Nous avons dégusté au Terminus le menu saveur : http://www.hotel-terminus.ch/pdf...
Déjà l’énoncé des plats vous fait saliver. Après ce sont les yeux et le nez qui se régalent. Dommage en tout cas de se priver de telles oeuvres d’art.
Ca pourrait être marrant de faire cela à la maison dans le style jeu al dente avec Gilles Besse qui vous sert des plats alors que vous avez les yeux bandés pour voir dans quelle mesure l’absence de vision altère nos perceptions.