Passé l’entrée, on franchit l’écueil d’un décor exquisément province, suranné juste ce qu’il faut, avec ses vasques modernes où champagnes et blancs affriolants attendent leur heure.
Et voici la cour intérieure, agréable, lumineuse. Ses dîneurs appliqués, paisibles, le nez dans les assiettes, la fourchette libérée.
LPV nous a concocté un feu d’artifice : différents vins nous seront servis à l’aveugle. A nous qui ne lisons bien que dans les mystères !
LPV nous a concocté un feu d’artifice : différents vins nous seront servis à l’aveugle. A nous qui ne lisons bien que dans les mystères !
Manger, dans ce cas-là, pourrait n’être qu’un anodin prétexte, un divertissement…
Mais, une fois engloutis la petite friture de moules et le tartare de saumon servis comme des colifichets, les langues se délient, les appétits s’exacerbent.
Mais, une fois engloutis la petite friture de moules et le tartare de saumon servis comme des colifichets, les langues se délient, les appétits s’exacerbent.
La première entrée est de l’ordre du ravissement. L’intitulé est jeté là, au hasard, pour dire que ce plat porte un nom : Turbot sauvage rôti à la croque au sel servi avec une lichette d’artichaut et une huile au citron vert.
Chapitre vins, les choses sérieuses ont déjà commencé avec deux champagnes : un Krug 1979 qui appelle irrésistiblement l’iode et les sources néritiques, et une cuvée Grand Siècle de Laurent-Perrier, identifiée par notre fin limier – qui a soudoyé deux générations de chefs de cave – comme étant un 1964. Il est sur le miel de bruyère, la fougère, le pain d’épices et il nous va à ravir.
Michel Bettane et Dirk Niepoort.
Restons sur ce nuage avec un vin miellé, complexe, à la texture ample qui ne trahit pas son origine ni son millésime, caractérisé par une touche de botrytis. C’est un Montrachet 1994 de chez Bouchard.
Pas de formalités avec le Homard aux pâtes. Ni pour le Montrachet, ni pour le Dr B. qui a réclamé double portion.
Michel Bettane, qui se trouve à la table voisine, rappelle que c’est le « belge fou », Jean-Marie Guffens, qui est allé surveiller cette année-là le pressurage de Montrachet chez Bouchard. Précédé par un subtil Puligny 1993 les Folatières de Sauzet, ce Montrachet ne s’embarrasse pas de formalités avec le Homard et les pâtes à l’encre de seiche. Droit au but !
Le ris de veau aux truffes d’été et asperges méritait des conversations raffinées. Ce furent :
Romanée Saint-Vivant Les Quatre Journaux 1955 de L. Latour en l’honneur de l’un des convives dont c’est l’année de naissance. Le voilà dare-dare rassuré : il est moins fatigué que le vin qui lui est offert, dit-il.
Gruaud Larose 1952 offre en revanche davantage de tenue, robuste, épicé, d’une belle présence. Il illustre que ce millésime, peu prisé, a quelques arguments : un très bel été, chaud et sec et un « dernier tour de broche », en septembre, plus mitigé.
Clos Vougeot 1971 de Bouchard Père et fils. Dense, terrien, réglissé et légèrement truffé.
Vosne-Romanée Les Brûlées 1982 de René Engel droit, incisif, sur des notes assez vives, il nous rappelle que 1982 fut en Bourgogne un millésime abondant et de maturité difficile.
Duhart-Milon Rothschild blanc 1924, vrai "vin de sacristie" s'il en est…
Et l’on a parachevé l’oeuvre par ce mutant, cet ovni, un vin sacerdotal qui associe notes de rancio, de cire, de fruits secs, de noix.
Michel Bettane, très en verve, qui suit le périple de la table voisine, le décrit comme un « vin de sacristie ». Bien vu. J’aurais bien aimé recueillir du sacristain de la paroisse de Pauillac. Il s’agit en effet d’un Duhart Milon Rothschild 1924 !
Sur ces entrefaites, que croyez-vous que nous fîmes ? La sieste ? Non, on a encore siroté un petit gorgeon de Vega Sicilia Unico 1998, incroyable de fraîcheur et de finesse. Très framboise et cerise dans son expression.
On a fait ronfler les Harley qui attendaient sagement dans la rue et notre destin nous a rejoint.
Tout à l’heure, une soirée de rêve. A Rauzan-Ségla !
L’adresse Le Vieux Bordeaux
27 rue Buhan
Bordeaux
t. +33 5 56 52 94 36
41 Comments
http://www.youtube.com/watch?v=h...
pour les Harley
Dusse sa modestie en souffrir, Grand Jacques, permets moi de préciser que Michel a trouvé le Vega après une trilogie implaccable :
Espagne
Ribera del Duero
Vega Sicilia après une brève hésitation sur le Valbuena
En fait, on a tous été bons ce jour là.
Et tu as adoré l’olio au lemone : sûr que tu vas en concocter un plat fissa !
Oui, Michel a été grand (n’en déplaise à Ziliani), il est tombé pile sur le Vega.
Sûr que je vais concocter quelque chose : tu seras le cobaye.
J’aime ce genre d’endroit, un peu rock’n’roll, hors des circuits convenus. Il me fait penser à Gérard Bouilloux, le plus "rocker" des chefs de Genève :
blog.cavesa.ch/index.php/…
Yves, j’ajoute ceci à votre intention. Si vous voulez vraiment entendre feuler les Harley… Steppenwoolf… Bientôt dans la suite de la "Légende du rock" !
http://www.youtube.com/watch?v=o...
Bien sûr le Steppenwoolf préféré de mon pote Dieter venait spontanément à l’esprit, mais je me suis dit ne sera-ce pas par trop conventionnel, ne va-t-on pas se moquer et vous savez à quel point le mexicain peut être féroce! je n’ai pas su, comme vosu M Perrin rester un rebelle!!
A la croisette des chemins http://www.youtube.com/watch?v=S...
Jacques,
Vu traîner un faux Gruaud 52 lors du dîner à Pape-Clément ???? (je dis cela avec prudence, n’est-ce pas – en tout cas, j’en ai pris une lichette qui se révéla plutôt repoussante).
Bu Unico 98 l’hiver dernier : c’est bien dans le style de la maison (MB n’a donc aucun mérite hé hé hé) mais c’est un tempranillo beaucoup trop jeune, verrouillé, malgré la patience de l’élevage qui a précédé sa mise sur le marché (propulsion de mandarine, bourbon, épices, fraise, menthe, coco sur un gros socle taiseux).
Cela nous a valu un peu de colère du garçon qui avait amené ce vin et qui prétendait qu’il enfonçait par sa grandeur tous les autres servis lors du même repas (avec de bien belles bouteilles cependant : Jullien Cailloutis 96 qui vieillit formidablement bien, NSG Maréchale Mugnier 2004, Charmes-Chambertin Sérafin 93, Gevrey Poissenot Geantet-Pansiot 93, …).
Encore une fois, comprendre qu’il parlait plus de lui que du vin ! 🙂
Et voir avec le GJE comment il est ardu d’entomologiser les vins jeunes.
N’en faites pas trop le mexicain il va n(v)ous falloir un dictionnaire; j’avais crû à une constipation passagère mais visiblement il n’en est rien!!!
"propulsion de mandarine, bourbon, épices, fraise, menthe, coco sur un gros socle taiseux"
encore un effort le mexicain là vous frôlez mais vous n’y êtes pas encore totalement 🙂
Ah les seventies! Quand je gambadais, gamin, dans la vieille Flying B de J-M Amat, jeune et grand talent!
Tout cela est fort appétissant et bien accompagné.
Monsieur Michel Bettane entre dans mon Bêtisier du Savoir-Boire où il est précédé de Madame Carla Sarkozy-Bruni… enfin découverte, un verre en main !
Pourquoi ? Tout simple, le verre sur pied est formé d’un pied, de la jambe, du calice et du buvant.
Plusieurs raisons militent pour que le verre soit saisi par sa jambe…
La description de Jacques est un autre régal.
Yves,
La volatile, en sous-jacence ?
Rayas, Musar, vous voyez ?
Comme quoi un grand vin peut ne pas être tout à fait oenologiquement irréprochable.
Haut de gamme ibérique pas prêt à boire.
Autrement dit : le commentaire de Jacques m’est plus utile que votre morigénation récurrente … 🙂
Où avez-vous vu une constipation dans ma participation au GJE, qui nous fit taquiner plusieurs centaines de breuvages divers ?
C’était bien …
Monsieur Margot, un bétisier, c’est bien là où on verse ses bétises, non?
Parce que essayez de pincer Michel Bettane (avec en plus l’autre main dans la poche) sur le "savoir-boire", c’est comme essayer d’engueuler Valentino Rossi pour un wheeling en lui expliquant que "plusieurs raisons militent pour les motos roulent sur deux roues".
Ou imaginer F.Spencer en 125 cm3
C’est sans doute la faute aux bons Pères qui nous répétaient que ce genre d’exercice (qui chez certains peut être frénétique) peut rendre sourd, et c’est un terrible handicap!!
Bon; ben Gros Cube (pas mal ce pseudo, ça me bourre l’imagination de plein de choses) et 1ppy (onepipioauille : magique) ont tout dit. Je garde mes couteaux pour d’autres occasions à venir 🙂
J’aime bien ce titre en oxymore …
Un gros cube de 125 cm3, ça sonne curieux, un peu comme d’associer top modèle et callipyge, non ?
Laurent
A 1ppy,
Prenez le comme bon vous semble et puisque vous me parlez de moto, je vous réponds : "Pour le vin également, comme l’on apprend à conduite, apprenons à bien se conduire !"
Monsieur Margot,
Permettez-moi de ne pas vous répondre pour une seule et simple raison: j’ai pour règle de ne jamais entamer ni suivre de "flame war" quand je ne suis pas chez moi.
Laurent,
Plus oxymore que pléonasme en effet !
C’est quand Michel va lire ça qu’on va se poiler !
🙂
François, à chaque utilisation du "oinepipiouaille", un balle dans ma poche, ok ?!
😉
Si jamais, en ce moment c’est la saison du Sérac d’alpage… avec du miel des montagnes valaisannes, ou du vrai bon poivre, on s’régale. J’dis ça j’dis rien hein…
Je viens de lire la prose du sieur Margot. Je le remercie de m’avoir frait enfin comprendre le sens de l’expression prendre son pied. Encore un haineux et malfaisant à combattre selon la technique Blier (exploser et disperser). Nos amis du blog l’ont parfaitement fait!
Michel, je dois prendre ici la défense de Phiippe Margot, l’homme le plus délicieux du monde mais, c’est vrai, il a des principes sur la façon dont un verre se tient.
Nicolas, j’arrive tout droit de l’alpage du Grimsel où j’ai assisté à la fabrication du fromage et le sérac, j’adore ! Sur la route du retour, que des gros cube dans les cols, et même quelques Harley d’anthologie !
Monsieur Philippe Margot vous avez bigrement raison: je me souviens avoir lu là-bas ou ici des propos assez, disons, stricts sur la façon dont ça se tient un verre mais quand on est "Zidane" (au moins)
segolene.ampelogos.com/im…
scène de taverne dans l’Egypte ancienne, femme buvant à la paille; où une autre histoire de pied
Djieu si c’est bon, j’en ai ruppé tout le week-end du Sérac ! Monstre miam…
😉
Sieur Bettane, je suis simplement ravi que l’intéressé l’ait lu : un document d’expert de plus dans ma collection, merci !
J’aime vivre avec des personnes qui ont du savoir-boire et de l’humour…
Bien navré de vous avoir touché par cette critique sur une simple question de jambe. Le pied n’y est pour rien, sauf effectivement le dégustateur pro chez qui saisir le verre par son pied est accepté.
Belle petite maison londonienne, incidemment.
Et certain doute de l’humour suisse, il y en a au moins un!! et tous serons sauvés 🙂
Le pire, c’est celui qui tient mal son verre et ne sait pas reconnaître ce qu’il y a dedans, non ?
Ah oui, au fait, un beau dîner au vieux Bordeaux en juin 2006.
4 topettes, chacun ayant amené sa contribution :
Krug 82
BBM Leflaive 2000
BBM Carillon 2000
MHB 90
Pas mal du tout ! 🙂
Eh ben là à mon avis y a foule et même des prétentieux 🙂
au fait!!!! Musar la dernière fois que j’en ai bu c’était au nord de Jerash; vous voyez?? mais bon cétait une sacrée histoire d’hommes
Yves,
Si vous ne me l’a faite pas tendencieuse, genre mythomanie assumée des "7 fugitifs" de Prokosch, je dis chapeau …
Le mexicain était présent ?
Sur Toulouse demain soir, un petit tour du côté de Kefraya Comte de M 1999.
Le mexicain!!! parlez pas de malheur!!!
J’ai du signal, mais Londres???
Je rassure notre ami Margot en lui rappelant que ce document montre un homme main dans une poche, debout, en train de discuter avec des convives, en dehors de toute activité de dégustation ou d’expertise! En faire un exemple de faute déontologique semble relever de l’humour suisse! On est sans doute en France un peu bêta mais on connait la différence entre la tête et le pied.
Ajoutons qu’un vrai expert doit pouvoir déguster dans un verre à moutarde, ce qui rend la question du pied …caduque.
Quand la diplomatie rentre dans le jeu , le soufflé retombe!
Oui Monsieur Bettane, je suis rassuré, le ton ayant changé. Chacun boit comme il l’entend, (hélas).
Cependant, il n’a jamais été question de pied, mais de ce qui le suit : la jambe du verre, d’où provient l’élégance, combinée à la forme du calice pour en faire un outil élégant et parfait.
Saisir le verre par la jambe en toute occasion, je sais, j’ai ce principe quasi ludique, me paraît si naturel, ne m’en voulez pas si je mène croisade, surtout chez l’oenophile et le gastronome que l’on souhaiterait voir à table évoluer un peu. Autrefois, on inculquait mieux les bonnes manière à table…
Reste le verre impitoyable; calice majeur et ambidextre.