Je ne sais pas si les vignerons vaudois en déplacement à Tokyo l’ont rencontré. C’est un des événements de la rentrée gastronomique. Tooru Okuda débarque à Paris avec ses yanigaba. Le chef de l’un des trois macarons les plus secrets de la planète, le fameux Kojyu va reprendre le restaurant El Mansour et devrait ouvrir prochainement. Sa vie se partagera désormais entre Paris et Tokyo. Si les chefs japonais se mettent à jouer les chefs volants à la française…
J’ai eu l’immense bonheur de faire deux repas, chez lui, à Tokyo, au fond d’une ruelle improbable de Ginza Chyuouku : nous avons erré durant des heures avant de trouver l’entrée (merci LPV qui avec son flair légendaire a finalement trouvé le filon).
Comme l’a déjà indiqué François Mauss sur son blog, nous ne serons pas les derniers à aller visiter son nouveau restaurant. Des nouvelles prochainement.
En attendant, voici un extrait de Eloge de l’ombre par Jun’ichirō Tanizaki. Ce texte fondamental pour comprendre la culture japonaise fait partie des plus belles pages écrites sur ce thème :
« La cuisine japonaise, a-t-on pu dire, n’est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde ; dans un cas comme celui-là, je serais tenté de dire : qui se regarde et, mieux encore, qui se médite ! Tel est, en effet, le résultat de la silencieuse harmonie entre la lueur des chandelles clignotant dans l’ombre et le reflet des laques. Naguère, le Maître Sôseki célébrait, dans son Kusa-makura, les couleurs du yôkan et, dans un sens, ces couleurs ne portent-elle pas elles aussi à la méditation ? Leur surface trouble, semi translucide comme un jade, cette impression qu’ils donnent d’absorber jusque dans la masse la lumière du soleil, de renfermer une clarté indécise comme un songe, cet accord profond de teintes, cette complexité, vous ne les retrouverez dans aucun gâteau occidental. Les comparer à une quelconque crème serait superficiel et naïf. (…)
Tous les pays du monde ont dû certes chercher des accords de couleurs entre les mets, la vaisselle et même les murs ; la cuisine japonaise en tous cas, si elle est servie dans un endroit trop bien éclairé, dans de la vaisselle à dominante blanche, en perd la moitié de son attrait. La soupe au miso rouge, par exemple, que nous consommons tous les matins, voyez un peu sa couleur, et vous comprendrez qu’on l’ait inventée dans les sombres maisons d’autrefois. »
Jun’ichirō Tanizaki, Eloge de l’ombre, Publications orientalistes de France
2 Comments
Il est plus facile d’aller à Paris qu’à Toyko. Toru Okuda est venu jusqu’à nous.Son restaurant parisien est désormais ouvert. Renseignements et réservations ici : http://www.okuda.fr/
Bonne description du nouveau restaurant de Toru Okuda, mais si elle d’inspiration kaiseki, sa cuisine s’en affranchit par bien des aspects. Liturgie, oui, sans doute. Pourquoi « hors de prix » ? http://blogs.lexpress.fr/styles/restaurant/2013/10/18/okuda-la-liturgie-hors-de-prix-du-kaseiki/