La Roche-Bernard hésite entre le bourg, un peu assoupi sur un bras de la Villaine malgré son pont aux allures de Golden Gate Bridge des Jivaros, et la cité touristique intemporelle ! N’empêche, on se sent bien dans cette auberge avec sa salle rectangulaire au centre duquel est enchâssé un petit jardin de curé. Il y a quelque chose de joyeusement monacal dans ce déambulatoire gourmand. Au mur une collection de toiles très intéressantes,une série du peintre breton Dupuigaudeau et un Schuffenecker où l’on perçoit une « patte » certaine dans le style des impressionnistes. L’histoire a retenu que, outre l’amitié que le liait à Gauguin, Claude-Emile Schuffenecker, originaire de Bretagne, fut un faussaire non dénué de génie, retouchant d’authentiques Van Gogh, puis exécutant des copies de ces mêmes tableaux, copies que des marchands de tableaux peu scrupuleux s’empressèrent d’échanger auprès de Johanna Van Gogh contre… des vrais ! Ainsi les fameux 14 tournesols vendus en 1987 à Yasuda pour 268 MF seraient, selon certains critiques d’art, un faux réalisé par Schuffenecker !
Depuis ma dernière visite ici, Jacques Thorel a modifié un peu son approche. Las des problèmes de personnel et d’organisation, Jacques Thorel a réduit la présentation mais pas la qualité de la cuisine, toujours aussi juste et astucieuse. Plus de carte mais trois propositions de menus dont un menu sur une thématique « Vin et homard ». Après un apéritif avec la cuvée Dame 1996 de Duval-Leroy (très réussie), arrive un Carpaccio de lotte (tranchée très fine et macérée au citron)
Le carpaccio de Lotte
et une Fraîcheur de langoustine, son court-bouillon en gelée, accompagnée d’une petite salade de légumes marinés (lamelles de courgettes et carottes marinées au gingembre et à la badiane). Excellent prétexte pour déboucher un Pouilly-Fuissé Vintans 1995 de Guffens-Heynen, toujours aussi admirable, fringant, dynamique mais qu’il est sage de carafer une heure avant. Le chef nous a fait préparer comme transition une sardine « glacée* aux fruits rouges (coulis de framboise et groseille). Puis le Tourteau avec son bouillon de citronnelle. La chair du tourteau est surmontée d’une composition acidulée parmi laquelle on perçoit la nectarine et le fruit de la passion ; au dernier moment, l’on nappe le fond de l’assiette d’un translucide bouillon à la citronnelle. Un plat d’une très belle intensité gustative. L’accord sur le plan principal – le petit pâté chaud d’agneau aux épices douces (cumin, safran, cannelle) nous a été suggéré par Jacques Thorel : une Chapelle de la Mission Ht-Brion 2000, d’une très belle finesse. Avec la grande assiette des desserts « Les délices de Solange », on s’est régalés sur des notes sucrées très digestes. Le temps de siroter ensuite en guise de digestif un vieux Montila-Moriles 1927 d’Alvear, aux notes de figure sèche, d’orange confite et nous restons à deviser avec nos amis pendant que la nuit avance inexorablement.
Leave A Reply