Vin du sud. Le mot est lâché. Tout de suite, on imagine des choses troubles, contradictoires. L’insolente lumière méditerranéenne. Les embruns. Le silence. Mais aussi, des lourdeurs, des assoupissements au soleil.
Pas de cette musique avec le Bianco delle Cinqueterre de l’Azienda agricola Possa. Sud ou pas. Celui-ci est tout simplement un grand vin.
Car un grand vin est d’abord un vin original, singulier. Qui ressemble d’abord à lui-même.
Issu principalement du cépage bosco et de quelques autres cépages comme le vermentino, l’albarol, le rossese, le picabon et le frepalao, ce blanc est un vrai vin de gastronomie. Que l’on a l’envie de découvrir, à table, longuement, à petites gorgées limpides. Pas trop froid pour que ses arômes et son étonnante texture, à la fois ample et ciselée, comme taillée au burin dans la roche, puisse s’exprimer. My god, quel festival d’arômes ! Des notes iodées, balsamiques, poivrées, d’herbes sèches. Une exhalaison de fenouil sauvage, de serpolet, de romarin, de jasmin. Le corps est vertical, vibrant, doté d’une grande énergie.
A le savourer, vous devinez qu’un échange, une osmose, va s’opérer.
Vous ne croyez pas à ce genre de magie ? Essayez !
Et pour lui donner la réplique ?
Je pensais à répéter un rêve. Un plat que j’ai dégusté un jour, pas très loin de là. Juste en face. Des gamberoni de San Remo saucés dans leurs sucs, Mille-feuille d’artichauts, tomates et courgettes, juste dynamités par un petit jus bien percutant (têtes en condiment, citron confit, piment d’Espelette monté à l’huile d’olive). Peut-on rêver deux fois le même bonheur ?
On peut aussi faire plus simple, en gardant l'inspiration. Des Linguine aux supions par exemple.
Le vin Bianco delle Cinqueterre 2009, Azienda Agricola « Possa » di Bonanini Samuele-Heydi. Disponible chez www.cavesa.ch
10 Comments
Ouah, la recette attaque une face sud sacrément coriace … digne des schistes surgissant de l’outrebleu méditerranéen de Riomaggiore.
Merci Jacques pour ce beau souvenir d’un vin donnant envergure à l’idiosyncrasie.
–
Je pense aussi à la recette de linguine au fenouil et maquereaux que j’ai posté quelque part dans les arcanes du blog.
Le travail que fait Heydi dans ses vignes, son engagement pour faire vivre sa terre, l’amour qu’il lui porte, les heures passées à réhabiliter les terrasses, la plantation laborieuse de jeunes plants de vieux cépages historiques et donc autochtones, sa volonté de conserver un foisonnement naturel unique dans son vignoble, son ouverture d’esprit, et les heures passées avec les visiteurs pour faire découvrir sa terre, tout cela est… inestimable. Il fait honneur à la formidable histoire des Cinque Terre. Son Nonno, son héros secret, doit être fier de lui. Et puis un jour, il faudra que l’on parle de son sciacchetra… et de ses trois miels de dingue !
Incroyable comme ce reportage me donne envie d’y retourner! l’été passé avons arpenté avec mon épouse les sentiers qui mènent d’un village à l’autre(en fait on a tout fait à pied du 1er au 5ème village) et c’est somptueux! j’ai ramené quelques bouteilles mais pas trouvé celui dont vous parlez qui me semble transcendé par l’esprit de ce viticulteur; les sciacchetra ne sont pas bon marché mais vu la rareté….
Paul, ces linguine au fenouil et maquereaux se marieraient à la perfection avec ce vin. J’en rêve !
Bertrand, pour trouver les vins de Heydi, en dehors du CAVE, sur place, ils sont vendus dans l’oenothèque qui se trouve au coeur de Riomaggiore, et qui propose aussi d’autres spécialités locales.
Les vrais bons sciacchetra sont chers, pcq’ils sont rares et franchement couteux à produire (Heydi m’avait annoncé des coûts de production effrayants) ! Pour en revenir à la rareté, au fil du temps, cette appellation a été complètement dépréciée aux yeux du public car beaucoup de fraudes ont été constatées : on ne compte plus les vin santo bas de gamme de la Toscane voisine et autres sucreries ré-étiquetées sciacchetra, et qui ont totalement fait "plonger" l’image des vins du coin. Tant et si bien qu’aujourd’hui, si vous proposez d’offrir une bouteille de sciacchetra à un autochtone, il vous rira au nez !
Je retourne sur place prochainement, si Jacques m’y autorise, je ferai un petit article sur le sujet des liquoreux.
Enfin, pour les membres du CAVE, il reste encore 5 places pour la dégustation Cinque Terre que nous organisons à Gland le 24 mars prochain. Heydi sera là, Gianni Fabrizio également. Plus d’infos ici : http://www.cavesa.ch/ecole/cours...
Jacques, il n’y à plus qu’à … Donnez m’en des nouvelles.
–
Pour aller dans le sens de Nicolas, il n’y a plus guère que Heydi Bonanini et Walter de Batté (grands vins également) qui se damnent aux vignes pour préserver la grandeur ET l’histoire des vins de Cinque Terre. Le reste ne démérite pas forcément mais n’est plus dans la droite ligne des vins qui s’y sont toujours faits.
Pour les pieds qui démangent, hors la Via dell’Amore, un peu "gnan-gnan", les chemins de traverse entre châtaigniers, jardins suspendus d’oliviers ou agrumes et vignes sont sensationnels. D’ascensions abruptes en plongeons vers schistes et mer, le parcours d’ombres et lumières est incroyablement beau. Tout simplement.
Si tu me permets, ce ne sont pas – à ma connaissance – les deux seuls à suer sang et eau aux vignes, et à bosser sérieusement.
Giacomo Cappellini (Forlini Capellini) n’est pas un manche, même si j’aime moins son style que celui d’Heydi (plus de soufre, plus d’alcool).
Buranco idem, avec une démarche proche de ce que fait Heydi.
Et je te rappelle qu’Elio Altare fait aussi là bas un des meilleurs secs, et un sciacchetra qui s’impose toutes les exigences du cru.
Il y a aussi, sans doute, d’autres vignerons dont on n’entend jamais parler, qui ne sont dans aucun guide et qui – je l’espère pour ces terroirs – ne déméritent pas !
Quant à parler des vins qui s’y sont "toujours faits", quand on discute avec Heydi, il explique très bien que la manière de travailler a beaucoup changé (arrivée des monorails), les modes de culture (fin programmée des pergola), les styles (macérations pelliculaires), les façons de vinifier et aussi élever (passage du bois à la cuve inox pour la majorité des vinificateurs), etc, etc. Les vins locaux d’aujourd’hui ne peuvent sans doute plus être comme ceux du passés, car tout a changé. Il faudrait aussi pouvoir goûter de vieux secs et sciacchetra pour avoir une idée plus aboutie de "l’ancien style"…
Nicolas et Paul,
merci de ces précisions concernant les meilleurs vins des cinqueterre et merci à vous (Jacques Perrin)de nous faire vibrer en présentant de tels sujets qui nous incitent à partir toutes affaires cessantes…. bravo
Je ne parlais pas d’un "style" de travail mais bien d’une typologie de vins, ceux de macération pelliculaire, qu’Heydi s’efforce de faire connaître. Si je te suis sur les monorails, l’inox ou la pergola, tu sembles dire que la méthode appartient au présent mais non, autrefois développée, largement majoritaire aux dires d’Heydi, celle-ci est quasi abandonnée, l’était tout autant il y a quelques années quand les fils de vignerons, pères de ceux d’aujourd’hui, sont partis bosser aux usines ou aux arsenaux de La Spezia pendant le "miracle italien" et après l’arrivée de la route à Riomaggiore. Le temps manquait pour la vigne, les vinifications et on s’est mis a faire différemment, des blancs classiques, aujourd’hui encore produits par la majorité.
Heydi m’a aussi expliqué comment il a commencé à faire ses vins en se remémorant le travail de son Nono, certes avec l’apport de la technique moderne, sans se pencher sur les apports "stylistiques" importés a Riomaggiore. C’est pour cela que je parlais de grandeur ET d’histoire.
Je me suis mal exprimé si tu as compris qu’il n’y avait uniquement plus qu’eux, je n’ai pas cité Buranco, ne connaissais pas Cappelini et oui, il y en a sûrement d’autres mais certainement pas des quantités vu l’état du vignoble. Excuse moi en revanche de ne pas avoir parlé d’Altare mais franchement son Sciacchetra ne m’a pas convaincu, à deux reprises. Et puis, tu as raison, d’autres font surement bon autrement, soit, mais ce n’est pas le sujet.
Quand j’évoque les macérations pelliculaires, je veux dire – mais c’est sans doute moi qui me suis mal exprimé – qu’elles ne sont plus faîtes aujourd’hui comme autrefois, elles sont mieux maitrisées et contrôlées, tout cela permis par l’oenologie dite moderne. Je ne suis pas sûr par ex. que le Nono avait à sa disposition un pneumatique, qu’il travaillait sous azote, qu’il pouvait contrôler les températures précisément, etc…
Pour les vignerons, je t’assure qu’il y en a d’autres sérieux, même si ramené à la surface encore en culture, ils ne sont sans doute pas assez nombreux. Mais le fait que les structures coopératives locales encavent 45 des 70 ha encore en culture biaise déjà notre raisonnement, à la base.
Je goûte le Sciacchetra 2009 d’Elio avec Jacques prochainement, ainsi que le Cinque terre du même millésime, je t’en donnerai des nouvelles. Son Cinque Terre 2008 se goûte aujourd’hui très bien, et il est plus précis que le 2007, fait dans des conditions humaines pas faciles, comme tu le sais. Un grand vigneron du Piémont qui investit son argent dans les Cinque Terre alors qu’il pourrait choisir moins compliqué, moi, ça me plait, et tu sais qu’Elio l’aime, cette région ! Laisse lui du temps, tu verras que tu ne seras pas déçu. Les choses ont déjà beaucoup changé…