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Un voyage à La Pyramide de Vienne.

Posté le 27 janvier 2009

Voilà pour le passé. Le legs symbolique est de taille. Certains héritages se refusent (trop encombrants) ; d’autres vous mettent sur orbite. Patrick Henriroux, chef brillant et reconnu, est arrivé ici il y a 20 ans et a racheté l’établissement il y a un peu plus de dix ans.

Une grande salle, assez bruyante, avec des colonnes romaines plantées au milieu comme les piliers de la sagesse. Des tons chauds et des couleurs qui se veulent ensoleillées et ces drôles de petits abat-jours  de guingois aux motifs convenus (grappes de raisins). De grandes tablées ont envahi une partie du restaurant et l’on se sent un peu perdu, là au milieu, comme le pèlerin devant la basilique St-Pierre, un jour de grande affluence. A la table voisine, repas déjà entamé, une jeune femme, accompagnée, s’ennuie visiblement. De quoi ? De ce qu’elle picore négligemment ? De la conversation des deux hommes qui l’accompagnent (sûr qu’ils parlent de la crise !) ? Ou de ce qui l’attend, plus tard ?

Je sens, c’est dans l’air, que la soirée risque de basculer, de tourner au fiasco civilisé – je parle de notre repas, maintenant… C’est effrayant de constater à quel point notre intuition, sur ce plan-là, nous trompe rarement…  Alors, histoire de pimenter un peu le récit, on choisit cette perle à la carte, un Clos de la Roche 1999 de Rousseau. A un prix d’ami. C’est la bonne nouvelle du soir qui commence.
 
 
Un verre de Condrieu 2006 des Vins de Vienne pour accompagner les deux premières entrées, le Canneloni de foie gras à l’artichaut Macaux en robe de pommes acidulées sur une brioche dorée  caramel d’agrumes épicé et, pour moi, la Noix de Coquilles Saint Jacques, sur une Mijotée de Blettes de notre Vallée, Moules Bouchot du Mont Saint Michel. De jolies textures, vert de Blettes croquants et la côte, en légers tronçons rapicolants, dans le fumet juste crémé. C’est juste, posé, d’une lecture paisible, rassurante. Les serveurs esquissent des pas de danse. Le maître d’hôtel glisse sur ses patins d’azur. La salle vibrionne et on nous sert, enfin, le Clos de la Roche qui attendait, sur un guéridon, que l’ébullition le gagne…
 
 
Avant de déguster la Lotte rôtie sur des Spaghettini d’endive aux noix mayette, pieds et oreilles de pochon à la poire confite, jus Maya au vinaigre et lard trempé, on se penche doucement au-dessus du verre, juste le temps de capter ces notes de cerise-réglisse et le noble créosote qui les sertit. On attendra. Comme pour le plat et l’extase qui ne viendra pas. Ces spaghettini d’endives introduisent une note de discordance dans un ensemble qui avait de l’idée pourtant. Le jus Maya se cache derrière un intitulé rustico-ésotérique, la poire est perdue au milieu du paysage et le tout peine à trouver son sens.
Pendant que le Clos de la Roche commence à s’ouvrir sur des notes épicées et minérales avec une touche noble de cuir, on soupèse sa texture, sa trame et son allonge. C’est bon, bienvenu, dans le contexte, mais on a connu meilleur chez Rousseau.
 
On continue d’espérer, d’attendre ce moment magique qui viendra peut-être sous la forme de ce Suprême et cuisse de pigeon de St-Alban de Roche rôti, gâteau de pommes Macaire au Vacherin Mont d'Or. Le pigeon est superbe, le suprême rosé et la cuisse confite, juste ensorcelé d’un petit jus, façon bécassine, corsé des sucs d’abats est d’un grand classicisme et l’accord est au diapason avec le Clos de la Roche, sombrement terrien, doté d’une belle complexité, assez énergique sur la finale. Le bonheur est là, suspendu dans cet instant et voilà que ce rectangle croustillant, ces pommes Macaire viennent jeter leur ombre sur le tableau avec leur goût entêtant et décalé de Vacherin.
A ce moment-là, on sent flotter comme un air de léger abandon. Le ballet se désarticule un peu. Les serveurs errent, désœuvrés.  Un couple, jeune, métropolitain, marque la cadence. Sort. Revient, essoufflé. Où disparaissent-ils dans ces intervalles ?
Ca y est, l’impression initiale se confirme. La pièce est bien écrite. Le décor rassurant mais les acteurs ne croient pas assez à leur texte. Alors, on saute rapidement sur le plateau de fromages et les babioles sucrées.  Il faut se méfier des repas qui démarrent mal. Je ne sais pas ce qui m’a pris, soudain : j’ai entendu une voix, celle de Fernand Point… Il parlait avec les mots de Brigitte Fontaine : »Mes enfants, réveillez-vous, le XX siècle est terminé ! »  

L’adresse La Pyramide, 14, boulevard Fernand Point – 38200 Vienne
Tél : +334 74 53 01 96
Fax : +334 74 85 69 73
Les prix 106 à 116 euros

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Auteur
Jacques Perrin De mon passé de philosophe, j’ai hérité cette intuition que sapientia et saveur partagent la même origine. Des livres et des rencontres qui m’ont aidé à devenir ce que je suis, je garde tout : le sillage patient de la durée, l’inattendu et le meilleur. « Un rêve sans étoiles est un rêve oublié » Nos étoiles sont filantes et nos mémoires sont labiles. Du monde du vin et de la gastronomie, j’aimerais raconter les instants, les nuances subtiles et le bonheur dansant qui s’empare de nous quand nous rencontrons une forme de perfection. Il n’est pas nécessaire de publier un journal extime pour exister. Ce blog n’est pas un blog spécialisé pour wine geeks. Il est d’abord un lieu d’échanges, une série de passerelles, un réseau ouvert. Bienvenue sur les Mille Plateaux !

9 Comments


Mauss
27 janvier 2009 at 20 h 45 min
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Grand Jacques :

Va falloir un jour que tu édites une édition spéciale de Vinifera où tu condenseras tes meilleurs souvenirs gastro de ces 9 dernières années : pour l’éducation des jeunesses futures.

N’oublie pas d’y adjoindre en annexe un lexique idoine avec sections :
– mets
– instruments cuisine
– philo
– musique

Sans oublier les dix principes fondamentaux du zwinglisme que tu pratiques si bien :-))


Jacques Perrin
27 janvier 2009 at 22 h 26 min
Répondre

Qui est Zwingli ? Un échappé de Guantanamo ?


Duck
28 janvier 2009 at 18 h 35 min
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Ça s’appelle Grain de vanille (Cancale), le mille feuille s’y déguste vanille pistache, fruits rouge…
L’odeur de la boutique est extraordinaire. La fabrication du mille feuille (vers 10 h le matin) épatante.
La boutique est presque en face de chez O. Roellinger
http://www.maisons-de-bricourt.c...
Il faut commander (éviter les week end pour éviter la queue) laisser son nom et déguster entre amis. Étrangement le prix (pour ce délice royal) semble presque "donné". Chutttttttttt! il ne faut pas le dire. Cet endroit doit rester secret!
Rédigé par : donald | le 28 janvier 2009 à 14:27 | Alerter
Le monde de ce jour blog

grain de vani-lle tout un prgramme

ah ces hétéronymes!!


Cassius Ponge
29 janvier 2009 at 15 h 14 min
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Keep swinging.


Donzelle
31 janvier 2009 at 0 h 31 min
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"Une jeune femme accompagnée s’ennuie ". "De ce qui l’attend plus tard ?".
– C’est à dire ?..


Selune
31 janvier 2009 at 17 h 34 min
Répondre

Un peu de Zwingli par ici :

fr.wikipedia.org/wiki/Zwi…


Jacques Perrin
1 février 2009 at 10 h 47 min
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Allons, Donzelle, on ne va pas lever le mystère, non ?


Laurentg
2 février 2009 at 18 h 16 min
Répondre

Assez d’accord avec la restriction sur ce Clos de la Roche 1999 de Rousseau …
On peut ainsi lire ceci : http://www.invinoveritastoulouse...

Le monégasque (issu de chez Ducasse)Didier Elena (dont on nous dit pourtant qu’il a bouleversé l’approche traditionnelle et rassurante de Boyer ?!) nous a proposé un parcours un peu XX siècle aux Crayères, jeudi dernier : le dîner est généreux (on nous propose de goûter 2 nouveaux plats de la carte, dont un beau saumon sauvage), plutôt cher, plutôt bon (la poularde de Bresse demi-deuil découpée en salle est bien) mais assez lourd, pour des desserts (et des brimborions sucrés) sans grand intérêt. Une partition très classique malgré quelques incursions modernistes pas vraiment satisfaisantes.
Nous avons visité une cuisine fourmillante (20 cuisiniers, dont le second, à qui nous transmettions le bonjour d’amis montalbanais, et aussi 20 personnes en salle pour 60 couverts).

On s’en sort bien (en termes de prix)avec un superbe Bourgogne rouge 2002 de Coche-Dury (irréprochable et abordable), un Meursault Tessons Monplaisir 2000 de Roulot (capiteux, évolué, manquant d’allant, il rappellerait presque un Hermitage) et un Mission-Haut-Brion 96 racé, prometteur, à attendre impérativement 5 à 10 ans (mais là, c’est nous qui avions amené le vin).


Laurentg
2 février 2009 at 18 h 17 min
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Donzelle,

Elle doit s’ennuyer d’un amour irrémédiablement et inévitablement usé (cf la belle citation de Pavese ou la lucidité de Lacan sur l’amour non durable).
A moins que l’amour soit jeune mais fondé sur un malentendu …

Sinon, il reste les miracles, qui comme le disait Coluche, se comptent sur les doigts du pouce ! 🙂


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