Dans le cadre de notre Ecole du Vin avec un groupe de passionnés et d’amateurs chevronnés, j’ai eu le plaisir d’animer une soirée consacrée au millésime 2014 à Bordeaux. En lice, une quinzaine de vins, proposés par séries de 2 et 3, que les participants ont dégustés à l’aveugle (seuls les noms des vins leur étaient connus). Voici mes commentaires sur les vins présentés ce soir-là
Sur le plan climatique, 2014 aura été une année très contrastée et compliquée avec un printemps contrasté, un mois de juin plutôt chaud, favorable à une floraison homogène et un été maussade (hormis la deuxième quinzaine de juillet), dont le régime pluvieux s’est traduit par un arrêt de croissance différé.
néfaste un arrêt de croissance différé. Cet arrêt de croissance qui s’opère avant la véraison est important, car c’est à ce moment-là que la plante, sous l’effet de la contrainte hydrique, utilise son énergie à faire mûrir son raisin. Dans ces conditions, personne n’eût osé, fin août, parier sur la qualité du 2014, ce d’autant que la pression de mildiou était importante.
À partir de septembre, changement radical de décor. Fin du régime des perturbations venues de l’Atlantique. Un anticyclone s’ancre solidement sur le nord de l’Europe et apporte avec lui chaleur et lumière. C’est une autre histoire qui s’écrit : place à l’été, puis à un été indien vraiment exceptionnel! L’arrêt de croissance s’opère donc tardivement, induisant la maturation des anthocyanes, des tanins et l’augmentation du sucre. Les baies qui avaient grossi se reconcentrent par évaporation. Le final sera lent, serein, presque glorieux !
A1 Clos Marsalette rouge, Pessac-Léognan
De la finesse au nez, sur les fruits rouges, la cerise, avec une touche florale et un boisé qui le dépare un peu. Silhouette élancée. C’est sapide, équilibré avec un léger côté balsamique sur la finale. Il manque un peu de vinosité et de longueur, apparaît plus évolué que les autres vins de la série, mais c’est un joli vin d’ouverture. Son caractère immédiat, orienté sur le merlot, l’a fait préférer par une majorité des dégustateurs.
A2 Domaine de l’A, Côtes de Castillon
Nez sur la liqueur de cassis, les fruits macérés. Il se caractérise par une trame épicée très pure et s’achève, persistant, sur une impression de fraîcheur.
A3 Château Berliquet, GCC St-Emilion
Beaucoup de finesse dans l’expression aromatique pour ce vin issu de plateau et de côté dans le secteur de Magdelaine. Boisé présent. Fraise, fruits rouges. Aérien et minéral à la fois, il est vibrant, dans une dimension ciselée, verticale, avec une très jolie découpe. Le vin le plus difficile à comprendre dans cette série pour les participants qui le dégustaient à l’aveugle.
B1 Château Mazeyres, Pomerol
Couleur plus légère. Nez d’une bonne intensité sur des notes de fruits rouges, la violette, avec une légère touche végétale. Très jolie entrée en bouche. Il offre un côté agreste, de violette, de baies des bois. La finale manque un peu de profondeur dans la saveur.
B2 Château Saint-Pierre, Pomerol
Cette petite propriété, située près de l’Eglise de Pomerol et constituée de 5 parcelles différentes, toutes sur le plateau de Pomerol, était une des belles surprises en primeur. Le vin ne déçoit pas avec sa construction précise et sa texture chatoyante.
Le nez offre une certaine complexité. Cacao, épices, fruits mûrs. Au palais, c’est un vin sphérique, doté d’une belle richesse de constitution, au tanin précis, souple et fruité, à la finale très pure.B3 Château Beauséjour Héritiers Duffau-Lagarrosse, 1er GCC B St-Emilion
Truffe, menthol, touche minérale et boisé un peu « brouillé », type soja, qui a gêné un certain nombre de dégustateurs, mais qui disparaît à l’aération tant la matière est belle. Il offre un très beau volume en bouche, avec une certaine ampleur et une structure précise, parfaitement ajustée, et une vinosité rare dans le millésime. La plus belle persistance de bouche jusque ici.
C1 Château Lascombes, 2e CC Margaux
Présentation assez sophistiquée avec un boisé vanillé encore prégnant. Attaque douce, suave. Evolution sur le même registre. Profil crémeux, souple, équilibré. Le côté « pâtissier » du vin vient masquer la finale et la fraîcheur. A noter qu’une grande majorité des dégustateurs ont préféré, toujours à l’aveugle, ce vin – que l’on peut qualifier de vin d’entrée de bouche et de texture – au suivant.
C2 Château Durfort Vivens, 2e CC Margaux
De la noblesse dans l’expression aromatique même si, à ce stade, il apparaît strict. Cèdre, épices, fruits rouges. Corps droit, un peu strict à ce stade, mais qui offre un développement intéressant, articulé autour d’une trame rigoureuse et parachevé par une finale longue et dynamique. Très belle expression margalaise ! L’opposition des deux styles (celui de Lascombes et celui de Durfort Vivens est ici un cas d’école à vocation pédagogique !)
D1 Château Haut-Bages Libéral, 5e CC Pauillac
Le nez ne se révèle pas totalement. Fruits rouges, boisé lactique présent. Linéaire. Entrée en bouche fuyante. Corps souple, équilibré, de style assez immédiat. Le tanin finit sur une pointe de sécheresse.
D2 Le Petit Lion du Marquis de Las Cases, St-Julien
Profil aromatique intéressant. Fruits rouges, note de graphite. Fraîcheur et précision caractérisent ce vin fruité, à la forme élancée et à la finale dynamique. On devine en filigrane le terroir et le style du grand vin. Très beau rapport prix/plaisir !
D3 Clos Manou, Médoc
Nez sur les fruits frais, les épices douces, framboise. Très joli profil aromatique, très pur. Entrée en bouche savoureuse. Texture consistante, très noble Fruité intense, précis. Très joli développement, tanin juteux et finale séveuse. Un autre superbe rapport prix/plaisir !
E1 Château Lynch-Bages, 5e CC Pauillac
Belle intensité aromatique. Coulis de fruits frais. Charnu et plutôt dense, il libère une sensation d’énergie et plaît par sa finale de caractère, même s’il ne présente pas tout à fait la longueur attendue.
E2 Château Pichon-Baron, 2e CC Pauillac
Cerise, fruits noirs, zan, très belle aromatique, d’une grande noblesse. Il se distingue par son corps finement articulé, d’une grande précision dans la structure, aux magnifiques tanins juteux. Superbe ! Dans ce duel amical avec son presque voisin, il l’emporte sans problème.
F1 Château Calon-Ségur, 3e CC St-Estèphe
Nez superbe, sur la liqueur de framboise. Ample et charnu, il offre un magnifique volume e bouche et exprime une vraie densité avec un tanin finement « poudré » et une texture d’une grande noblesse. Il confirme tout le bien qu’on pouvait penser de lui en Primeurs. Plus terrien, plus sensuel sans doute que Las-Cases, il a la préférence des dégustateurs.
F2 Château Léoville Las Cases, 2e CC St-Julien
La classe à l’état pur ! Comme Pichon-Baron dans la série précédente et Calon-Ségur, c’est un parangon de vin racé et complexe. Fin et ferme, d’une grande rectitude d’expression, il est séveux, long, complexe, sur la retenue aujourd’hui, avec un très grand potentiel et il prend place parmi les plus belles réussites du millésime.
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