Daniel Bouland représente la quatrième génération de Bouland à produire du vin, avec – il faut le noter – une origine viticole du côté de son père mais également de sa mère. Le domaine est situé au hameau de Corcelette, entre Villié-Morgon et Chiroubles. Sa propriété est issue du partage du domaine familial (son frère Raymond faisait aussi du vin), auquel de nouvelles vignes sont venues s’ajouter au fil du temps et des opportunités d’achat.
Environ huit hectares sont aujourd’hui cultivés par cet homme qui fait quasiment tout tout seul, aidé partiellement de sa fille Mélanie et d’un saisonnier. Son vignoble est cultivé en gobelet traditionnel. Les travaux y sont manuels, y compris le fastidieux liage des bois pour « fermer » les gobelets de gamay. Ici on ne pratique pas de vendanges en vert mais on possède, en plus de vieilles vignes, une science de la taille et de l’ébourgeonnage qui fait merveille. Les rendements sont évidemment modérés et surtout les raisins sont cueillis à pleine maturité, après un tri soigneux et impitoyable sur pieds.
Jusqu’à 2014, son Morgon Vieilles Vignes était produit à partir de deux vignes d’environ 80 ans sises sur le terroir de Corcelette. A partir de 2015, la gamme des morgon se décline désormais en quatre cuvées distinctes, comme nous le verrons plus loin. Les raisins sont macérés entiers en mode semi-carbonique, durant 8 à 10 jours. Ils sont fermentés via levures indigènes. S’ensuit un élevage court en foudre avant une mise au printemps. Il en résulte un des plus beaux vins de garde de la région, comme nous avons pu en juger mardi dernier au CAVE, en présence du maestro !
Morgon Vieilles Vignes 2004 (en magnum) : année pluvieuse et très diluée. Nez fumé, épicé, précis, sans poivron, à peine tertiaire. Vin de demi-corps, aux tanins savoureux, sans creux, plutôt charnu. Une excellente surprise pour le millésime et un vin délicieux à boire aujourd’hui, un très bon magnum. A noter, la seule robe un peu tuilée de la soirée.
Morgon Vieilles Vignes 2005 : belle année, mais chaude et surtout sèche. Robe plus jeune, violacée et teintée, avec des reflets sombres. Nez moins ouvert que 2004, plus « noir » aromatiquement. Acidité marquée en bouche, dont la sensation est sans doute renforcée par la tannicité. Le vin a du corps mais il est vif, plus crispé, moins évolué que 2004. Ceci-dit il possède une réelle longueur, avec une rémanence kirschée. Le temps sera sans doute son allié.
Morgon Vieilles Vignes 2006 (en magnum) : ressemble sur le papier à 2010, millésime sous-estimé, « intermédiaire ». Le nez le plus raffiné et harmonieux de la série, sur les épices et fleurs séchées. Bouche à l’avenant, délicate, subtile, fraîche et sapide, avec un toucher gras et un caractère séveux. C’est long, sur l’os plus que sur le muscle, comme le veut le terroir granitique, mais il ne manque pas de corps. C’est très bon.
Morgon Vieilles Vignes 2007 (en magnum) : année difficile à faire mûrir, le vin a été saigné. Nez assez dense et riche, avec du fruit (notes de cerise), impressionnant de densité pour l’année. Bouche fruitée, fringante, avec un côté légèrement herbacé dans la saveur mais le fruit est quand même là pour l’année et c’est bien construit. Vin sérieux.
Morgon Vieilles Vignes 2008 : Nez moins ouvert, plus simple, mais avec un fruit kirsché et abricoté. Bouche plus loquace, ample, avec un léger début d’évolution. C’est bon, prêt à boire. Il rappelle 2004 en plus jeune et gourmand.
Morgon Vieilles Vignes 2009 (en magnum) : année solaire, de concentration en alcool. Nez qui rappelle certains grenache rhodaniens, sur la cerise confite, ample, ouvert, étoffé et impressionnant. Bouche du même acabit, très mûre, grasse, un peu sur l’alcool mais sans fatigue ni évolution précoce. Vin joyeux, riche, à cent lieues de l’image que l’on a généralement du gamay.
Morgon Vieilles Vignes 2010 : année tardive, de petits rendements. Poivré, floral, il s’ouvre sur la violette et offre un superbe nez raffiné et très « beaujolais » qui rappelle de grands Fleurie ou Moulin-à-Vent. Sublime bouche tonique, sapide, granitique, délicate et fraîche, incrâchable. Rémanence terrible sur le poivre et la menthe. C’est un grand vin !
Morgon Vieilles Vignes 2011 (en magnum) : Synthèse des deux vins et millésimes précédents, il s’exprime sur les fruits noirs, le réséda, sans une once d’alcool débordant. En bouche, le vin est terriblement lui même (ie. il tient les promesses de son nez), riche, sur les fruits noirs, le poivre, avec presque un goût de syrah nord-rhodanienne (le granit et la maturité parlent). C’est long, fantastique. Autre grand vin.
Morgon Vieilles Vignes 2012 (en magnum) : exceptionnel mildiou sur grappe cette année-là, avant la fleur, rendement final de 20 hl/ha. Très joli nez de groseille, de cassis, de griotte, incroyablement fruité. Bouche pétante, gourmande, qui « claque » un fruit incroyable et rappelle 2008 en plus complet. Vin ravissant, long, juteux et frais, un pur délice.
Morgon Vieilles Vignes 2013 (en magnum) : Superbe nez réglissé et mentholé, qui rappelle 2010 avec moins d’ouverture aromatique à ce stade. Pas mal d’épices en bouche, pour ce vin encore un peu jeune, qui s’exprime sur des notes de vendange entière à peine austères. Il est fringant et tendu comme le 2010, frais, traçant, avec beaucoup de droiture. Prometteur.
Morgon Vieilles Vignes 2014 (en magnum) : Un soupçon d’acétate d’isoamyle typique des vinifications semi-carboniques en jeunesse, mais le vin est bien construit, précis, il possède une bouche charnue, garnie, d’une étoffe fantastique, gourmande, pleine, avec un soupçon d’agrumes en finale. C’est fantastique. Un (autre) futur grand vin.
NB : les 2015 qui suivent sortent de mise en bouteilles, ils ont été carafés puis remis immédiatement en bouteille pour la dégustation.
Morgon « Bellevue » Schiste 2015 : vignes reprises il y a deux ans, sur porte greffe Vialla, terroir très caillouteux, élevage en foudre. Beau nez de groseille, de roche pourrie, très réglissé. Bouche sapide, fraîche, longue, qui fait ressortir l’acidité à ce stade. C’est nerveux, tendu légèrement par la mise en bouteilles à ce stade, mais c’est long, assez prometteur.
Morgon « Delys » Vieilles Vignes 2015 : vignes proches du terroir de Morgon Bellevue, sur sable granitique, plantées en 1926, élevage en cuve. Nez de violette, de rose, profond, presque décadent. Bouche énorme, grasse, haute en alcool (un peu comme dans les 2009), quasi baroque à ce stade, longue et puissante. Le lendemain il s’était civilisé, mis en place, gagnant en élégance, se « calmant » et frappant par sa longueur intense.
Morgon « Corcelette » Vieilles Vignes 2015 : trois parcelles, une sur sable et le reste sur sol caillouteux. Il ressemble à Delys avec un soupçon moins de « floralité » mais plus de réglisse, de fruits noirs et d’épices. La bouche est la synthèse des deux précédents : c’est le 2015 le plus fin, long, équilibré, granitique, dur à cracher, en tout point parfait.
A l’heure d’écrire ces lignes, le vignoble de Daniel Bouland vient d’être dévasté sur Morgon et Chiroubles par un très sévère orage de grêle. Nous lui adressons tout notre soutien pour surmonter cette épreuve. Plus que jamais, il a démontré au travers de cette verticale quel grand vigneron il était, tout en laissant ses vins parler pour lui.
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