Le covid étant désormais derrière nous, du moins nous l’espérons toutes et tous, nous avons pu reprendre les cours de dégustation de l’Ecole du vin et donc nous réactivons ce blog ! Voici ainsi un nouveau compte-rendu de dégustation, qui relate la double verticale de pinot noir que nous avons pu organiser le 2 mars dernier avec le jeune Patrick Adank, seconde génération du domaine, qui travaille avec ses parents depuis 2018, après avoir parcouru le monde. Il a notamment fait ses armes chez Sylvain Cathiard à Vosne-Romanée et Etienne Sauzet à Puligny-Montrachet, en Nouvelle-Zélande au domaine Fromm, en Rheinhessen avec Klaus-Peter Keller ; et enfin en Champagne au domaine Bérèche.
Fläsch est le plus petit village des communes viticoles des Grisons. Il fut longtemps destiné à la polyculture. Suite au remembrement du vignoble dans les années 80, Hansrüedi Adank a pu commencer en 1984 avec 4 ha de vignes. Il en possède aujourd’hui 10. Au début il cultivait uniquement pinot noir et müller thurgau, auxquels se sont adjoints dans le temps completer, chardonnay et un peu de syrah. De même, il a augmenté les densités de plantation, se rapprochant ainsi du modèle bourguignon. Aujourd’hui, les Adank travaillent en alternance enherbement et labour, pour régénérer leurs sols et éviter l’érosion. Tout cela se fait bien sûr sans herbicide et avec des interceps. L’effeuillage (entrecoeurs uniquement) et l’ébourgeonnage sont manuels. La vigne est cultivée en Guyot simple. Le terroir des Grisons reçoit 600 à 800 mm/an de pluie, il est également soumis à un régime de foehn. Les terroirs les plus « bas » de l’appellation sont à dominante sableuse, les parcelles « hautes » sont caillouteuses. À Fläsch, le domaine possède 3 ha derrière le village, 6 ha sur la partie plus plate et basse ; et 1 ha dans les hauts de Maienfeld. En cave, Hansrüedi Adank a toujours fait beaucoup d’essais, recherchant également la maturité de ses raisins mais sans surmaturité. Il en est de même avec les extractions, toujours mesurées. Ainsi dans la cave, après avoir égrappé pendant des années, il est passé à des essais de vendange entière depuis 2012, qui sont devenus récurrents.
Concernant les cuvées goûtées ci-après, depuis 2004, le pinot classique n’est plus élevé dans l’émail mais en demi-muids. La pinot barrique n’a lui jamais été filtré. On notera enfin que la cuvée classique est issue de clones suisses, la cuvée barrique, de clones bourguignons.
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Brut Nature Blanc de Noirs (Handgerüttelt) : 2014 premier millésime, pur pinot. Nez très pur, précis, frais. Entrée en bouche fine et juteuse, sapide, dépouillée, pour un vin crayeux, stylé. Très bon. Une des meilleures bulles suisses actuelles !
Fläscher Pinot Noir 1998 : Nez évolué sur la livèche, registre tertiaire. Vin de demi-corps, avec de la fraîcheur, il a encore une trame et tient debout. Vraie longueur, mais il est temps de le boire.
Fläscher Pinot Noir Barrique 1998 : Beaucoup plus jeune, floral, beau végétal mûr. Attaque ample, évasée, belle finesse de tanin, il a une classe et une envergure supérieures, indubitablement. Très beau vin à point.
Fläscher Pinot Noir 1999 : Lactique, beurré, plus jeune dans l’expression que le 1998 mais un peu plus caricatural aussi. Bouche simple, fraîche et assez « suisse » dans l’expression. Le vin a encore du fruit, il se présente franc. On retrouve la touche lactée en bouche.
Fläscher Pinot Noir Barrique 1999 : Nez fumé, épicé, évoluant sur la griotte. Bouche jeune et vive, avec une vraie structure, le vin est encore fringant, puissant, il s’allonge bien. C’est une bonne surprise, sans dilution.
Fläscher Pinot Noir 2008 : Léger caramel très « Grisons », évolue sur le cassis. Bouche dense et puissante, mais très belle fraîcheur typique de l’année. Le vin est frais, acidulé, sur la griotte et les fruits rouges. Superbe tenue dans le temps, c’est un très bon 2008.
Fläscher Pinot Noir Barrique 2008 : Très beau nez avec une fusion du bois noble, qui évoque le tonnelier François frères. C’est riche, puissant, solaire, on sent une concentration de l’alcool liée à une vendange tardive. Très « Grisons », il vieillira longtemps et sereinement.
Fläscher Pinot Noir 2009 : Grand changement aromatique avec des notes de rose, de cerise, de kirsch, de vanille qui apparaissent. Bouche étonnement fraîche pour le millésime, le vin a encore une sacrée jeunesse, il intègre bien sa richesse, se goûte voluptueux et soyeux, dans la pleine force de l’âge.
Fläscher Pinot Noir Barrique 2009 : Beau nez grillé, des épices, boisé noble fondu dans le vin qui donne une belle tenue à l’ensemble. Sa structure le rafraîchit. C’est très bon et avec un excellent potentiel de garde.
Fläscher Pinot Noir 2013 : Nez cendré, sur les fruit noirs, la cerise burlat, un côté réglissé. En bouche il est juteux, fin, avec une belle maturité phénolique, il a beaucoup de charme.
Fläscher Pinot Noir Barrique 2013 : Nuances de bois assez marquées, plus réducteur, le vin est encore dans sa gangue avec un côté « grillé – mine de crayon » qui écrase un peu le tanin à ce stade, dommage. Il faudra voir dans le temps.
Fläscher Pinot Noir 2014 : L’année de la drosophile suzukii. Nez assez sexy, chatoyant, pas d’acétique, les raisins ont été très bien triés. Entrée en bouche fruité-épicée, plutôt solaire, le vin se déroule avec grâce, assez riche.
Fläscher Pinot Noir Barrique 2014 : Première bouteille abimée, la seconde est beaucoup mieux. Le nez n’est pas d’une grande précision mais la bouche est fraîche, c’est très bien trié là aussi, stylé, peu boisé, vraiment bon.
Fläscher Pinot Noir 2015 : Nez sur la cerise, grillé du fût assez intégré, il s’ouvre avec beaucoup de fruit. Vin jeune, fringant, on retrouve les tanins et la structure de l’année, il se goûte jeune, assez stricte dans l’acidité, bien dans la trame du millésime. Il gagne en gourmandise à l’ouverture.
Fläscher Pinot Noir Barrique 2015 : Le fumé et grillé de l’élevage rappellent un peu les vins de Jacques Tatasiore. Bouche vive, tendue, avec une structure acide importante. Le vin est élancé, nerveux comme un Pommard de coteau, mais avec un fond crayeux très intéressant. C’est long, c’est frais, ça « terroite » et ça prend très bien l’air. Très belle réussite.
Fläscher Pinot Noir RhEIN 2017 : Beau nez fondu, pas mal d’élégance, l’élevage est dans le vin, avec un côté « grain de café » sexy. C’est gourmand, élégant, assez racé, jubilatoire. Une très belle bouteille à goûter à l’aveugle au milieu de grands pinots.
Fläscher Pinot Noir Spondis 2020 : Sélection parcellaire, existe depuis 2014, partie Haalde, à l’ouest de Fläsch, sur la roche, la plus vieille vigne du domaine, 60 ans, clones suisses. Ça sent la Bourgogne que l’on aime et pourtant on est bien dans les Grisons : peu de couleur, très beau nez floral et poivré, style dépouillé, c’est long et frais, ultra jeune, ultra racé. Il vieillira comme un grand Volnay de coteau, superbe bouteille !
Fläscher Pinot Noir Herrenacker 2020 : Autre sélection parcellaire, existe depuis 2016, clones bourguignons, vignes de 25 ans, sols plus profonds, 100% en vendange entière, élevage de 18 à 20 mois sous bois. Robe trouble, nez de rose ancienne, pour ce vin sanguin et soyeux, qui possède les tanins les plus gras et les plus nobles. C’est le cru qui a le plus de séduction, comme un grand Chambolle-Musigny.
À table, Patrick Adank découvre la finesse des vins de Nicholas Maloney, autre Petit Prince du pinot noir, mais californien !
En conclusion de cette très belle verticale, deux faits ressortent : Hansrüedi Adank a depuis ses débuts dans les années 80 été un pionnier de la finesse et de la fraîcheur dans les Grisons, n’aimant ni le bois neuf, ni la surmaturité ; et expérimentant, par ailleurs, la vendange entière avant tout le monde. De même, sa sensibilité personnelle l’a assez tôt dirigé vers une culture biologique discrète et raisonnable. Depuis 2018 et après avoir parcouru le monde, son fils Patrick marche dans ses pas et apporte sa pierre à l’édifice, appliquant le meilleur des expériences glanées dans des domaines de pointe, tout en respectant la sensibilité et l’histoire familiale. À n’en pas douter, les vins ici produits sont bien dans l’air du temps et possèdent, selon nous, une longueur d’avance. Nous souhaitons à la famille Adank le meilleur pour les millésimes à venir et leur adressons un grand bravo pour ce parcours exemplaire !
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