La semaine dernière, le vigneron mélomane était à Genève pour présenter les vins de son domaine. Non sans émotion : il retrouvait à la fois la cave où il a donné ses premiers cours de dégustation et une verticale qu’il n’avait jamais faite.
Le château de Roquenégade est une aventure humaine tout à fait particulière qui, dès ses débuts, a suscité l’enthousiasme et l’adhésion de nombreux passionnés. Chaque année, plus d’un cinquantaine de personnes viennent, pour le plaisir, faire les vendanges à Roquenégade. Le soir, des concerts sont organisés dans les chais et Frédéric me dit que, à ce jour, l’aventure s’est déjà traduite par trois mariages. Pas mal !
Et les vins dans tout ça ? Idéaliste et ardent défenseur du vin vrai et du vin sapide (le souvenir de Jules Chauvet !), modeste et exigeant, Frédéric n’a jamais dévié d’un iota du but qu’il s’est fixé : (trop) indifférent aux trompettes de la renommée et aux vertus de la médiatisation, il a suivi son chemin, passionné, zen, intègre.
Aujourd’hui, ses vins figurent sans doute parmi les 25 meilleurs rapports prix/plaisir de la France. Mais, chut, ne le répétez pas, le maître de céans en serait courroucé…
Voici quelques notes de dégustation sur cette verticale d’un domaine que je n’hésite pas à qualifier d’exemplaire, vous comprenez mieux pourquoi désormais…
Domaine de Roquenégade 1991 Deux cuvées ont été produites dans ce millésime. L’une orientée sur le carignan et la seconde qui ressemble l’assemblage classique de la propriété. Cette dernière offre davantage de gras et de tenue au vieillissement et plaît par sa fraîcheur.
Château de Roquenégade 1992, Corbières C’est une année plutôt difficile dans la région. La robe présente des notes d’évolution. Herbes sèches, profil mentholé. La bouche est équilibrée, vivante, en dépit de notes végétales. On a une certaine pulpe. Plutôt bon compte tenu du millésime.
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Château de Roquenégade 1993 n’existe pas. Récolte entièrement vendue en vrac.
Château de Roquenégade 1994, Corbières Il a gardé une couleur étonnante. Il se caractérise par des notes de fumée et d’épices avec un côté encens. Jolie trame. Il finit sur un tannin un peu strict, au caractère épicé, tabac.
Château de Roquenégade 1995, Corbières La robe est plus évoluée que sur le 1994. Nez de garrigue, herbes sèches, avec un côté balsamique. Corps ferme, trame serrée. Il paraît un peu étriqué dans sa forme de bouche mais la finale est là, persistante.
Château de Roquenégade 1998, Corbières Grande réussite qui illustre tout le potentiel de la propriété. A dix ans, ce vin affiche une tenue remarquable. Robe profonde, encore jeune. Corps dense, tannicité présente, dynamique. Beaucoup de vinosité et finale séveuse. Un must.
Château de Roquenégade 1999, Corbières Noyau de cerise, bois, on a une certaine complexité mais le nez ne s’exprime pas totalement. Jolie matière, avec du gras, une jolie trame mais la finale est stricte, presque austère, ne se déploie pas vraiment sur la finale.
Château de Roquenégade 2000, Corbières La couleur est jolie. Nez d’intensité moyenne. On a encore du fruit. Dense, assez serrée, la bouche est sur des notes épicées. Finale stricte. Comme le 1999. Manque d’allonge.
Château de Roquenégade 2001, Corbières De la noblesse ici au nez, cerise légèrement confite, très jolie entrée en bouche, du velouté, bouche remarquable. C’est la première fois qu’on a une vraie texture, il a un côté un peu chocolaté, cacao, qui lui donne un caractère séducteur qu’il n’avait pas. En fait, c’est la première année où la syrah est intégrée dans l’assemblage.
Château de Roquenégade 2003, Corbières Robe soutenue. On retrouve le côté suave du 2001 mais avec une accentuation du profil vanillé. .Il est mûr, solaire, très fruit confit, jolie texture veloutée mais on a un peu perdu l’ »âme Roquenégade ».
Château de Roquenégade 2004, Corbières Belle couleur. Il est très poivé, un peu monolithique de prime abord.. Puis on a des notes intéressantes, d’encre, de fruits noirs. Jolie bouche, de la fraîcheur, avec une texture élégante, une trame tannique présente. On revient sur une finale un peu stricte.
Château de Roquenégade 2005 Il est strict, racé, belle bouche, encore sur le versant « austère » mais avec beaucoup de noblesse dans l’expression, zan, réglisse, fruits mûrs. Très jolie finale.
Château de Roquenégade 2006, Corbières Très joli vin, chatoyant, expansif. Gorgé de fruits, belle plénitude. Des épices, du zan, une pulpe superbe ! Longue finale. Un vrai bonheur que de le goûter !
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4 Comments
Mamma mia Patrick e Jacques che giovani!!!!!
Tempus fugit
Et oui, mamma mia, Gabriele ! Cela dit, j’aime bien cette citation de Jim Harrison qui relativise tout : "Très récemment, j’ai eu de la veine avec le problème du « temps », car je me suis aperçu que le temps n’est pas quelque chose que nous passons, mais que bien plutôt il se dissout autour de nous comme la lumière tombe en fin d’après-midi."
Et le grand Jim ajoute :
"La mort devient une échéance relativement aisée à négocier quand on pense à la Terre comme à un champ de mines vieux de cinq milliards d’années."
Bonjour je tenais à partager avec vous une expérience incroyable quand j’a ouvert hier une bouteille du domaine de 1991 elle était juste délicieuse un vrai régal. Je me demandais à combien était estimé une bouteille comme celle ci, je n’est pas trouvé d’information!