De mon côté, en attendant de me décider à reprendre l'avion, je suis retourné à Vevey, dans le chaudron magique de Denis Martin, pour déguster une série de plats, des classiques et des nouveaux, proposé par un des chefs les plus avant-gardistes de Suisse. L’homme aime innover en permanence, provoquer également, avec toujours cette pointe d’humour, ce côté ludique que l’on retrouve dans la plupart de ses plats et qui constitue sa signature.
Denis Martin en a marre que l’on réduise sa cuisine à ses artefacts technologiques les plus spectaculaires. Terminé donc les alginates, l’azote, les sphérifications de la cuisine « molle et oculaire » ? Presque. Le voilà déjà ailleurs, passé vers d’autres territoires, d’autres mémoires du goût, entre olfactif et sapide, ses champs de recherches actuels.
Après nous avoir présenté, en compagnie de son complice Ennio Cantergianni (ingénieur en sciences alimentaires), les dernières innovations de son « laboratoire du goût », notamment un torréfacteur, un évaporateur qui permet de séparer les molécules sapides des molécules odorantes, une centrifugeuse qui permet d’extraire des huiles essentielles de distillats ou encore un filtre à membranes qui permet de clarifier à la perfection un bouillon, nous sommes passés à table pour une menu-dégustation Evolution Sapide & Olfactif .
Même si on l’oublie trop souvent : « Le goût, c’est 95 % d’olfaction et 5 % de gustation ». C’est autour de cette évidence que s’articule la cuisine de Denis Martin et de son équipe. Vous voulez en savoir plus ?
C’est parti pour une succession de plats, percutants, parfois surprenants, jamais inintéressants car au-delà de la technique, Denis Martin est un vrai cuisinier, dans la lignée de Ferran Adrià, inspiré, épris de perfection et de goût et, pas davantage qu’une cuisine plus « classique », cette approche ne supporte ni l’approximation, ni la médiocrité.
Shot Pétillant" Campari , orange "
Menthe et rose
Pinacolada de Parmesan
Eau de tomate croustillanteet jambon Belotta
Voilà une façon particulièrement brillante de revisiter le Pan con tomate cher aux Espagnols. Le « pain » est en fait de l’eau de tomate émulsionnée sur glace, puis déshydratée. Le Belotta en revanche est vrai !
Choux-fleurs, wasabi, huile de noix aux pamplemousses, chocolat blanc, pavots et pistache
Un plat éclectique, foisonnant, complexe, brillant. J’ai adoré !
Tiki au basilic et pâte de cacahuètes
Langoustine, tapenade de truffes, mangue, lémon-grass et capuccino lyophilisé
Superbe plat, qui joue sur des contrepoints subtils et trouve son équilibre. Miraculeux. Merveilleux accord avec un Riesling Morstein 2007 de Philipp Wittmann dans la Rheingau (Allemagne) !
Il résonne d’harmoniques contrastées, iodées, épicées avec des notes d’agrumes.
Sorbet de sardine millésimée, framboise, estragon et faux pain
Presqu’un classique ou comment élever la sardine au rang des chefs-d’œuvre. En l’occurrence, il s’agit du tirage limité («Sardine d’argent") de la conserverie Wenceslas Chancerelle de Douarnenez. Pas obligé d’en faire un sorbet, me direz-vous ? Certes, mais la thématique des goûts et des textures est magique dans ce plat. Alors, pourquoi pas ?
Ou comment revisiter les classiques de la cuisine transalpine ! Bel accord avec un Sauvignon 2006 de Marco Rabino dans le Monferrato.
Birchermuesli de foie de canard
Parce qu’en Suisse, on a le culte du Bircher et que tout ceci est bien astucieux…
Bar de ligne, huile de persil et panais à la vanille
Le panais et la vanille jouent sur les mêmes harmoniques, l’huile de persil est en contrepoint. Parfait !
Des petites « bulles » de vinaigre de riz simulent à s’y méprendre la texture de l’huître : ce tout nouveau plat devrait connaître, selon Denis Martin, encore un ou deux réglages mais, déjà, je l’ai trouvé très excitant.
Béarnaise de radis blanc et poivre noir
Rien… (pas de photo, et pour cause…)
Denis Martin : « Je me suis dit : on pourrait faire un plat invisible… » Une approche conceptuelle et ludique à la fois, qui ménage son effet de surprise. Cette gelée d’aneth et de concombre est effectivement invisible mais elle est là !
Crevette sauvage infusée au kafir, rhubarbe marinée, tandoori et beurre de limette
Très beau plat, tonique, iodé et épicé, servi avec des micro-pousses de bourrache qui le dynamitent en douceur.
Soupe Thaïe croustillante, herbes et fleurs aromatiques
Superbe plat. Une vraie soupe croustillante, sans liquide, qui joued’une manière géniale sur les textures, les parfums de fleurs, d’herbeset d’épices (shiso, lemon-grass, orchidée). Attention, ne tentezpas le coup avec vos orchidées : parmi les milliers de variétésd’orchidée, il en existe une seule de comestible, la Karma.
Turbot pata negra, huile de gingembre, rose, pomelo
Un plat amusant avec la meringue de rose.
Paysage vaudois abstrait
Pas si abstrait que ça, pas si sage, le paysage : de la poudre deboudin, de la granny-smith et un yogourt au lard pour se laissersurprendre.
Le grand classique de Denis Martin. Copié. Indémodable. Le jus,dynamique, associe une autre spécialité vaudoise, la résinée, au citronmarocain et au romarin. Avec un Terra di Lavoro 2007 de Galardi, c'est un must !
Mojito
Un dessert ludique, surprenant. Quelque chose de Pamela Anderson (d’oùla première partie de l’intitulé), la flamme projetée à sa surfacecreuse tout à coup une vallée, des montagnes, des cratères. Tout unmonde vient d’apparaître : c’est le Valais « comme lorsque,sortant des nuages, en avion, vous voyez apparaître lesmontagnes ! »
Cône Woodstock
Ballon au chocolat
Voir également ici
L’adresse Restaurant Denis Martin rue du Château 2 – Vevey
t. 021 921 12 10 e-mail : restaurantdenismartin@bluewin.ch
25 Comments
J’ai choisi mon camp et relie Fontenelle.
Appétissant, moléculaire ou pas. 🙂
On a le droit d’aimer.
Le 5% de gustation doit inclure la texture …
Moi je suis d’accord, ça a quand même l’air très très appétissant tout ça!
Anne-Laurence,
Et vous remarquerez que l’on est bien dans un ordre classique, du salé vers le sucré. :-)))))
Oui laurent, ce qui ne veut absolument pas dire du moins complexe au plus complexe, si? Tandis que commencer par le sucré aurait peut être tendance à tapisser un peu le palais, au détriment du salé…
Est-il plus logique de commencer par le "moins complexe" pour terminer vers le "plus complexe"? Pour moi, pas forcément…
Si les millésimes plus anciens sont plus complexes (encore faut-il en être certains, et je pense que ce n’est pas toujours le cas), les déguster en premier ne va pas gêner la dégustation des millésimes plus récents. En revanche, déguster d’abord des vins jeunes peut amenuiser la sensibilité, du fait de leur puissance tannique (et on parle bien de "dégustation" et non pas de plaisir procuré durant un repas). Mais après tout, chacun fait comme il le souhaite non?
Au-delà de l’aspect technique, je préfère la dynamique de la dégustation qui s’achève sur la promesse de vins jeunes qui ouvrent une fenêtre sur l’avenir, plutôt que celle plus nostalgique qui consiste à remonter le temps… Se tourner vers le passé ou regarder l’avenir?
Intéressant et Kierkegaardien … 🙂
Pour Bel Air Marquis d’Aligre par ex, je pense qu’il est bien plus palpitant de commencer par 2004 pour terminer par le sublime 1947 …
Ben moi qui me disait que j’allais savoir si Copenhague valait le détour ou pas, je reste sur ma faim….
http://www.noma.dk/main.php?lang...
Pour la traduction, voir avec Marie Von Ahm …
Olivier, ce n’est pas parce que Ribaut s’exclue de la classe Bo(no)bo et décrète l’inintérêt de cette cantine qu’il ne faut pas y aller ! Moi ce sera fait dans l’année, j’y pense depuis pluiseurs mois. Pour Copenhaggen d’abord, pour le repas ensuite !
Paul,
Vous nous direz, n’est-ce pas ?
Bon voyage en tout cas.
Moi, je file en Corse la semaine prochaine.
Laurentg, c’est Marie Ahm (le "von" n’est pas indiqué avec les sirènes…). Noma est en effet la "cantine" danoise de Marie qui a maintes fois – en vain jusqu’à maintenant – tenté de m’y attirer. Je ferai comme Paul. J’irai. Je ne sais pas quand, mais j’irai !
Jacques,
Lu plusieurs fois Marie Von Ahm dans des rapports de session du GJE !
http://www.tdg.ch/restaurant-dan... :
Celler de Can Roca devant l’Astrance.
Aizipitarte 11è (je l’ai raté quand il était encore au Macval, à Vitry/Seine).
Ah, les classements …
Laurentg, je ne connais malheureusement pas cette superbe et élégante Marie Ahm, mais vu la précision et la finesse de ces notes de dégustation des blancs du jura, si c’est sa cantine danoise je lui fais entièrement confiance :o)
Je vais essayé de faire un tour à Copenhague fin aout alors!
Bon site, très instructif, Merci beaucoup, je vais visiter régulièrement ce site.
Le Bocuse d’Or Europe a été décerné :
http://www.slate.fr/story/23303/...
Au Danemark, chui allé, A Copenhague, chui allé, à Noma j’ai pas pu allé :o(
Même après être inscrit en liste d’attente depuis mai et juste pour le midi!
pff et dire que c’est la cantine de certaine personne…
Bon y a peut-être plus de places en hiver quand il fait -20°C?
Hi all…
Can clearly see that I spend far to little time reading your magnificent blog Jacques ;0)
Any translation needed please feel free… I love NOMA myself! Amazing place. Was there last time in August.
Marie
You’re welcome Marie ! Reviens-nous voir plus souvent…
Que deviens-tu, Marie ?
Les pleurs de laurentg!
Armand,
Te souviens-tu ?
Beerenauslese Von Hövel Oberemmeler Hütte GK (1999 AP 11 et 2005 AP15) : à pleurer !
🙂
Oui Laurent je me souviens. ;=)