Lui ? Le Rimbaud des cimes, le grand Walter Bonatti, bien sûr, qui nous fit rêver et en emporta peut-être quelques-uns dans ses rêves, au point d’infléchir le cours de leur existence.
Bonatti, passé par tant de conquêtes, de victoires, de lignes idéales, de chaos, de drames et d’épopées… Bonatti qui, déclare que toute véritable aventure est d’abord intérieure : L’avventure è dentra di noi !
Bonatti lors d'une tentative – avortée – à l'Eiger.
Du terrible Badile – qu’il encape à dix-neuf ans – à la voie qu’il trace seul, dans la paroi nord du Cervin, en plein hiver, sa trajectoire, presque idéale, croise celle de tous ces disparus que, malgré sa force légendaire, il n’aura pas réussi à sauver (Vincendon et Henry en 1956, Oggioni, Kohlmann, Guillaume et Vieille au Frêney en 1961. On le lui reprochera.
Pourtant, personne ne peut sauver quiconque, chacun porte en soi ses propres signes, ceux de sa survie et ceux de sa disparition. Walter Bonatti doit le savoir, lui qui a tant de fois échappé au pire… Patrick Gabarrou, autre grand de la montagne, proche de Bonatti par sa philosophie, ne dit pas autre chose : « Je pense qu’à un moment donné dans ta vie, ou à tous les moments, tu es ou tu n’es pas protégé, parce que tu as quelque chose à faire. »
Le monolithe fauve (au centre de la photo) est le Grand Capucin où, en 1951, Bonatti ouvrit une voie novatrice.
Comment ne pas réfléchir à tout cela, face au Mont-Blanc en majesté, ses piliers mythiques, à la Dent du Géant, aux Grandes Jorasses, au monolithe du Grand Capucin – autant de lieux où subsiste la trace légère et pure de Bonatti qui y a ouvert de nouvelles perspectives – quand on monte en direction du refuge Bonatti.
On se rapproche encore : sur les traces de Bonatti au Grand Capucin. Sur la photo, Ralf Maier…
Je le sais maintenant : c’est ici que se trouve la plus belle vue sur le Mont-Blanc avec ses grandes arches minérales, jaillies il y a quarante millions d’années.
Au sommet de la Tête entre deux Sauts, vue sur la Dent du Géant, l'arête de Rochefort et les Grandes Jorasses.
Voici donc l’itinéraire (facile) de l’une des plus belles randonnées du secteur qui fera plaisir à François Mauss, autre admirateur de Bonatti.
Le refuge Bonatti.
Itinéraire : rejoindre Courmayeur, prendre la direction du val Ferret. Parking à Lavachey (altitude 1642). De là, prendre la direction du refuge Bonatti (2026 m) que l’on atteint en 45 minutes environ. Après une courte halte, le temps de visiter ce superbe refuge et la collection de photos de Bonatti, on peut poursuivre dans le vallon de Malatra, en direction du Col entre Deux Sauts.
La Tête entre deux Sauts vue depuis la Comba d'Armina.
Au col, continuer par un chemin raide jusqu’au sommet de la Tête entre deux Sauts (2729 m). De là, la vue sur la chaîne du Mont Blanc est une fête magique que traduisent, je l’espère, ces quelques photos.
Redescendre ensuite au Col et continuer en direction du Tsa de Sécheron pour redescendre la Comba d’Arminaz et revenir par une boucle sur le refuge Bonatti où vous attend un bon capuccino.
Horaire pour la boucle : 5.30
Horaire pour la boucle : 5.30
Juste en face, c'est la prochaine course : la jonction Ferret-Ferret par les crêtes en passant du Petit Col au Grand Col Ferret. Superbe également !
9 Comments
J’ai toujours aimé Courmayeur, je m’y sent chez moi. Probablement une certaine atmosphère, comme dans un port: le début de l’aventure.
Pour prolonger ceci, voir les images d’archives de la TSR où, après son ultime exploit au Cervin, Bonatti raconte "sa" paroi nord :
archives.tsr.ch/dossier-c…
Armand : tout à fait d’accord avec toi concernant Courmayeur. Et puis, il y a le magasin des Fratelli Panizzi avec un choix de fromages et de produits locaux…
Au retour d’une course, c’est que du bonheur !
http://www.panizzicourmayeur.com...
Bon, comme j’y passe demain à Courmayeur, je sais où m’arrêter !
Vrai que Bonatti m’a fait rêver, différement de l’immense Lachenal ou du sévère Reinhold Messner.
Voilà une passerelle à mettre en place pour le Davos de l’an prochain.
Hors sujet : vraiment lire le petit Mozart de Monsieur Blot en collection FOLIO. Si bien écrit !
Quel beau parcours, on ne s’en lasse jamais – il me rajeunit – merci Jacques.
Serein, beau, accompli et unique !
http://www.youtube.com/watch?v=R...
En passant à Courmayeur, après une magnifique excursion au pied de l’Aiguille Noire de Peuterey, je suis tombé sur le (nouveau livre) de Bonatti, dont je n’ai pas noté le titre mais qui doit être approximativement traduit en "un monde perdu". Il a quitté en effet le monde de l’alpinisme, mais a exploré les coins les plus reculés de notre Terre, rencontré les derniers hommes libres (que certains appellent "sauvages"). Walter Bonatti, qui doit approcher les 80 ans, est rayonnant sur la photo de la couverture de son livre.
Près d’un an après ce bel hommage, Walter Bonatti s’en est apparement allé, avant-hier, à Rome. Des proches au refuge en ont été informés, les émotions pesait plus lourd sur le toit que les neiges hivernales …
Oui, Paul, c’est une légende qui disparaît. Un jour après un nouvel éboulement majeur aux Drus qui, une nouvelle fois, a touché "son" pilier… Etrange collision du hasard.
Merci Jacques Perrin pour cette belle lecture matinale.
Bonatti, c’est et cela restera l’escalade intelligente et élégante. Intelligence et élégance du geste, mais aussi de l’itinéraire. Et cet itinéraire n’est pas seulement une ligne sur un bout de montagne, il est aussi celui de toute une vie. Chacun sa croix, chacun sa voie.
Conquérant de l’inutile ou de l’éphémère ? Pas si sûr. Et même si le pilier des Drus s’est éboulé, emportant avec lui l’"itinéraire" de Bonatti, à jamais, l’empreinte reste.
Jérôme Pérez