Nous connaissons tous – peut-être même l’avons-nous déjà joué ? – ce dialogue étrange du monde amoureux, où l’autre a tout à coup l’impression de n’être plus le centre de notre attention exclusive. Comme si tout en permanence avait tendance à se disperser dans plusieurs directions, à franchir la frontière poreuse qui sépare le monde réel de l’imaginaire.
Dans une phrase étonnante – qui va nous ramener à notre sujet – Bergson explique que la fonction du cerveau n’est pas de penser mais d’empêcher la pensée, l’organe de l’attention à la vie, de se perdre dans le rêve. Vaste sujet !
Le fonctionnement du cerveau humain, sa plasticité, ses milliards de neurones (dix puissance douze), ses synapses encore plus nombreuses, les circuits neuronaux, les connexions que nous opérons en permanence, a quelque chose de fascinant.
"Bah v'la que j'ai plus ma tête !"
Dans la vie quotidienne, par la force de l’habitude et des procédures que nous mettons en œuvre pour apprivoiser le réel, le domestiquer, nous oublions volontiers que toute cette activité est prodigieuse, cet archipel qui réunit sensations, émotions, perceptions, volitions, projections, souvenirs et que nous appelons, avec plus ou moins de pertinence, le champ de la conscience. Cet archipel demeure à bien des égards mystérieux.
Seuls la maladie ou le disfonctionnement viennent nous rappeler à quel point cet équilibre est complexe et fragile…
Quelques travaux pratiques de dégustation, sur la route, avec Jacques Puffeney à Montigny-les-Arsures : A quoi vous pensez quand vous dégustez ?
Invité par le CHU de Besançon à participer à un programme de recherche sur les zones du cerveau activées lorsque que nous goûtons un vin, j’ai servi de cobaye à une Etude des perceptions (olfactive, auditive et gustative) en Imagerie fonctionnelle par résonance magnétique.
Christophe Menozzi, ancien sommelier de Georges Wenger, est le coordonnateur pour la partie vins et dégustation de cette vaste étude menée par le Pr Thierry Moulin et ses collaborateurs à Besançon.
Ce programme de recherche consiste à enregistrer les images d’IRMf au cours de l’envoi de différents stimulis (eaux et différents vins) pour analyser les zones du cerveau activées. Au total, depuis le mois de septembre, le cerveau de 48 dégustateurs a été ainsi analysés dans ses plus infimes détails. Pour chaque vacation, deux personnes étaient observées, un professionnel et un amateur, le but étant notamment de vérifier l’hypothèse selon laquelle le cerveau d’un dégustateur amateur fonctionne différemment, en présence de stimulis, de celui d’un dégustateur amateur. A Pascal Henry, qui m’accompagnait pour l’occasion, le professeur Lionel Pazart (voir l’intéressante video ci-dessous) décrivant les différentes phases de l’expérience, a adressé cette mise en garde :
– Au début, pendant 4.30 minutes environ, il ne va rien se passer. Vous n’aurez pas de stimuli, hormis celui du bruit de la machine qui va découper votre cerveau en tranches très fines et établir une carte géographique de ce dernier. Attention à ce sur quoi se focaliseront vos pensées à ce moment-là, car nous pourrons les voir…
– …
– …
Trêve de plaisanterie ! Quel est l’intérêt de cette expérience ? Il est multiple et ouvre des pistes de réflexion très importantes, selon le Pr Pazart, au niveau des neuro-sciences. Le goût et les différentes perceptions qui lui sont apparentées nous donnent en effet des renseignements précieux sur la façon dont s’établissent les connexions neuronales et permettront sans doute, dans le cadre de maladies neuro-dégénératives de stimuler, d’une manière transversale, des fonctions qui ont été suspendues.
Quand on sait que la maladie d'Alzheimer et les troubles apparentés concernent aujourd'hui plus de vingt millions de personnes dans le monde et que, d'ici une trentaine d'années, ce chiffre pourrait quadrupler, on mesure mieux l’importance de telles recherches.
8 Comments
Intéressant …
Délicat, ces travaux en neurosciences
Cela me rappelle les passionnants bouquins de Damasio sur le sujet!
Pour préciser c’était plutôt sur la conscience!
Je vous recommande cette lecture :
http://www.alapage.com/m/ps/mpid...
Voici le courriel que viennent de nous adresser les organisateurs de cette recherche.
"Grâce à votre participation à l’étude de stimulation olfacto-gustative avec du vin en IRM fonctionnelle, notre séance de restitution des résultats "Du nez aux neurones" a pu se dérouler le 18 septembre dernier à Arbois dans une ambiance conviviale, riche en échanges et en informations, auprès d’une quarantaine de personnes. Nous tenions à remercier tous ceux et celles qui ont pu faire le déplacement, tout autant que ceux et celles qui n’ont pu le faire.
Les premiers résultats confortent les hypothèses de recherche formulées et ouvrent d’autres voies très intéressantes en neurosciences. Nous vous ferons part dans un proche avenir des résultats sous une forme écrite. Dès à présent, vous pouvez trouver sur le site du laboratoire de neurosciences des éléments d’information en provenance des médias écrits et télévisuels qui ont relaté cette étude, (voir la rubrique actualités du site: neurosciences.univ-fcomte… )
Bien que l’une de nos hypothèses, vérifiée lors de l’étude, concernait une différence dans le type de mémoire mise en jeu chez les sommeliers (mémoire de travail) par rapport aux néophytes (mémoire épisodique), nous espérons que vous garderez tous un excellent souvenir de cette expérience,"
Bien amicalement
Christophe Menozzi, Lionel Pazart et toute l’équipe de neurosciences (Alexandre, Richard, Patrice, Thierry, Jean-Louis & co.)
Voici le courriel que viennent de nous adresser les organisateurs de cette recherche.
"Grâce à votre participation à l’étude de stimulation olfacto-gustative avec du vin en IRM fonctionnelle, notre séance de restitution des résultats "Du nez aux neurones" a pu se dérouler le 18 septembre dernier à Arbois dans une ambiance conviviale, riche en échanges et en informations, auprès d’une quarantaine de personnes. Nous tenions à remercier tous ceux et celles qui ont pu faire le déplacement, tout autant que ceux et celles qui n’ont pu le faire.
Les premiers résultats confortent les hypothèses de recherche formulées et ouvrent d’autres voies très intéressantes en neurosciences. Nous vous ferons part dans un proche avenir des résultats sous une forme écrite. Dès à présent, vous pouvez trouver sur le site du laboratoire de neurosciences des éléments d’information en provenance des médias écrits et télévisuels qui ont relaté cette étude, (voir la rubrique actualités du site: neurosciences.univ-fcomte… )
Bien que l’une de nos hypothèses, vérifiée lors de l’étude, concernait une différence dans le type de mémoire mise en jeu chez les sommeliers (mémoire de travail) par rapport aux néophytes (mémoire épisodique), nous espérons que vous garderez tous un excellent souvenir de cette expérience,"
Bien amicalement
Christophe Menozzi, Lionel Pazart et toute l’équipe de neurosciences (Alexandre, Richard, Patrice, Thierry, Jean-Louis & co.)
Fiction
Dégustation à l’aveugle
L’image cérébrale tournicote sur l’écran, plusieurs hypothèses (grenache Rhône Sud ?, grenache Roussillon ?grenache provence ?, Bordeaux ?, …), reconnaissance d’images sur la signature calculée, prédéfinie du vin et le logiciel qui souffle au dégustateur : celle-ci !
Et hop, vin trouvé !
Et 10 provenances différentes de Léoville-Poyferré circonscrites !
🙂
Parvenu jusqu’à "notre séance de restitution des résultats" j’ai craqué puis abandonné la lecture