A la question de François Mauss : qu’est-ce que doit être pour toi un grand riesling ? Serge Dubs a répondu ceci, après quelques circonvolutions du côté du variétal : « Un vin qui rend heureux et qui a en même temps une signature. Il faut qu’il soit mûr avec une certaine tension et profondeur et que l’on puisse identifier le terroir. »
Pas évident, cela dit, de toujours pouvoir identifier, à l’aveugle, les différents terroirs. La faute à qui ? A des rendements parfois trop généreux ? A des raisins qui manquent parfois de maturité ? Des vinifications (brouillonnes ou, au contraire, trop contrôlées) qui interfèrent avec l’expression exacte du terroir ? Des dégustateurs aux attentes et aux représentations variées ? Il suffit déjà de voir les différences de perceptions par rapport à cette pseudo évidence du riesling, le trop facile «goût de pétrole ».
Pour moi, le meilleur vin de la dégustation, sans conteste ! Pourtant, je ne suis pas sûr qu’il y ait une grande concordance des notes sur ce vin : sublime finesse d’expression. On est dans la transparence du terroir, floral, légèrement épicé avec des notes hespéridées sur un minéral cristallin. Superbe dessin de bouche, élancé, ciselé, uni, porté par une dynamique minérale et une vibration finale lumineuse.
Mandelberg 2002 Bott-Geyl
Une jolie surprise. Robe à reflets dorés. Nez plutôt intense, mûr, raffiné dans son expression : agrumes, floral, fruits jaunes, trace de naphte. Belle entrée en bouche, caressante, évasée. Belle richesse de constitution. Sur ce terroir marno-calcaire assez caillouteux, le riesling s’épanouit dans un style plutôt opulent, flamboyant. Certains dégustateurs ont été gênés par les (fins) « amers » présents sur la finale.
Geisberg 2002, André Kientzler
Nez sur un versant un peu réduit. Mais la finesse et l’expression sont là à l’ouverture. Notes florales, agrumes. Très belle entrée en bouche, portée par une fraîcheur vivifiante, il offre une minéralité aérienne au développement. Très belle découpe, c’est un vin vivifiant, tendu, très sec aux « amers » finaux subtils. Manque encore un peu de complexité à ce stade mais il a tout l’avenir devant lui.
Sommerberg 2002, Vieilles vignes, Boxler
Un vin qui a beaucoup divisé les dégustateur. Comme le domaine produit plusieurs cuvées de Sommerberg différentes, il faudra vérifier de laquelle il s’agit. Le terroir granitique le marque sur des notes minérales et épicées qui évoluent vers l’écorce d’orange confite. La bouche est longiligne, tendue, avec beaucoup de tranchant.
C’était le « pirate » de la dégustation, placé, comme il se doit, en dernière position vu son taux important de sucre résiduel et son faible degré d’alcool (8 %). Nez complexe, un peu exotique, notes de mandarine, de papaye, de zeste d’agrumes confits. Corps superbe, aérien et opulent à la fois, uni par une belle tension minérale.
Schlossberg 2002, domaine Paul Blanck
Nez intéressant par son expression, minéral avec des nuances florales très élégantes. Corps ample, gras qui intègre bien son sucre (13.4) et qui finit sur des notes minérales légèrement fumées.
Schlossberg 2002, Martin Schaetzel
Kirchberg de Ribeauvillé 2002, Louis Sipp
Un vin presque exotique dans son expression aromatique. Très belle bouche, à la texture déployée, consistante (malgré un côté un peu lactique). Lent développement et finale aux notes de miel de fleurs et d’agrumes avec une empreinte de minéralité.
Kessler 2002, Dirler-Cade
Nez intéressant, diversifié : notes florales, chèvrefeuille, notes miellées élégante. Entrée en bouche évasée, très beau volume, corps d’une très belle richesse de constitution avec de la fraîcheur, de la vinosité et il laisse une très belle empreinte finale et intègre sans problème ses 10.5 g de sr. Issu d’un terroir gréseux assez peu connu puisque la maison Schlumberger en possède plus des deux-tiers.
Clos St-Imer Goldert 2002, Ernest Burn
En août 2009, le système actuel de classification des vins (AOC, Vin de Pays et Vin de table) va connaître un bouleversement important. Sa hiérarchisation sera dans le futur organisée autour de l’AOP (vin d’appellation d’origine protégée) et des vins avec IG (vins avec indication géographique) ou des vins sans IG.
Selon Jean-Michel Deiss, il est important de
A voir les réactions que suscite ce remue-ménage, la perte profonde d’identité que semble provoquer chez certains producteurs ce bouleversement, le débat ne risque pas d’être ennuyeux.
9 Comments
5/5, Jacques,
Voici un court extrait de notre conclusion suite à un complet périple alsacien fin 2003 :
"Les grands crus produisent les plus grands vins. Cette affirmation simpliste, nous avons pu la vérifier dans les grandes lignes. La diversité des expressions induites par les spécificités géographiques, climatiques, géologiques et pédologiques de ces entités géographiques et administratives constitue un puzzle fascinant pour l’amateur et un atout immense pour l’Alsace. On nous a néanmoins laissé comprendre (nous nous en étions largement aperçus par nous-mêmes…) qu’il existait de réels problèmes d’homogénéité qualitative, de délimitation des crus. L’existence de grands crus pose de facto le problème de l’existence des « premiers crus » et de leur reconnaissance administrative. Il est certain qu’un découpage géographique calqué sur celui de la bourgogne, tenant compte avant tout du potentiel qualitatif des terroirs, crédibiliserait définitivement les (véritables) grands crus alsaciens."
Goûtés au domaine :
1. Domaine Boxler Riesling GC Sommerberg 2002 (L31).
Moyenne : 16,25/20. 6g
2. Domaine Boxler Riesling GC Sommerberg 2002 (L31E).
Moyenne : 17.
Eckberg. 8 g
3. Domaine Boxler Riesling GC Sommerberg 2002 (L31D).
Moyenne : 16,5.
Dudenstein (le sémaphore). 18g. 13,8°
4. Domaine Boxler Riesling GC Sommerberg 2002 (L31DII).
Moyenne : 16,5.
Dudenstein avec surmaturation. Nez plus opulent (plus affable ?), héritant de parfums un peu plus lourds : fruits exotiques, poire pochée, fleurs entêtantes. Saveurs d’agrumes pour un bouche mûre, riche mais élancée, avec ce sursaut acide (fin et un peu mordant) en finale interdisant tout relâchement. On nous annonce que cette cuvée au caractère VT (25 g de sucre) n’est élaborée qu’exceptionnellement (tous les 50 ans !).
Merci pour ces précisions Laurent !
Jacques,
C’est un plaisir d’exhumer quelques souvenirs (non aux cimetières de connaissances). 🙂
Il est vrai que certains terroirs comme le Rangen sont à même de transcender le cépage.
On peut aborder aussi le recours à la biodynamie (les 2/3 des producteurs visités d’en réclamant).
Du sucre résiduel (voir les étoiles d’Olivier Humbrecht).
Autre richesse :
"Si la grande majorité des producteurs reste fidèle aux usages de vins de cru monocépages, élevés en cuves ou en foudres, il existe des démarches plus iconoclastes, qui, si elles n’ont pas encore prouvé leur supériorité qualitative, ont le grand mérite de poser des questions et de remettre en cause un système qui peut parfois sembler figé. On citera parmi ces « voies de recherche » les complantations de Jean-Michel Deiss, les élevages en fût à la bourguignonne d’André Ostertag ou de Marc Tempé, les élevages longs en foudre du même Marc Tempé, la volonté de faire des vins sans SO2 chez Gérard et Bruno Schueller…"
Sur une photo on voit bien un Muenchberg 02 de chez Ostertag, mais on n’en lit aucun compte-rendu, pas plus d’ailleurs que sur celui d’un autre producteur du Bas-Rhin.
Le 68 écrase le 67 à ce point ?
Laurent
Laurent,
J’ai goûté 2 fois ce Muenchberg d’Ostertag 2002, dont une fois à l’Astrance, à Paris.
C’est un Riesling qui m’a semblé déroutant, un peu lourd, débonnaire.
Côté cadastre :
La démarche d’André Ostertag en tant que vigneron témoigne d’une recherche véritablement personnelle et d’une sensibilité esthétique rare. Sur des terroirs sans doute plus difficiles à sublimer que les meilleurs du Haut-Rhin, il recherche manifestement la netteté, la limpidité dans l’expression de ses vins. Parmi ses choix les plus iconoclastes figure l’approche « bourguignonne » de l’élevage des pinots blanc et gris.
J’ai dégusté le 99 chez un ami à Mittelbergheim, ainsi que le 01 au restaurant Gilg (même commune) : superbes expressions, fines, tendues, précises. Du vin avec du gnac.
Laurent
Laurent,
La dernière dégustation en date confirme de fait les précédentes dégustations (au domaine fin 2003 – mais c’est là que la dégustation fut la plus concluante toutefois, Astrance mars 2005, horizontale IVV en mars 2006) :
Riesling Ostertag Muenchberg 2002 : 14/20 – 5/9/08
Pomme, coing, miel, orange amère, anis.
Bouche manquant de structure, alcoolisée, amère, pas vraiment plaisante. Pensé à un pinot gris.
Je suis curieux de voir l’avis du GJE sur ce flacon …
Goûté ce midi un superbe vin, pris pour Frédéric Emile VT : Riesling Dirler-Cadé Kessler 2001