Dîner ici, sur la terrasse, sous les frondaisons du grand tilleul, parmi les massifs d’herbes aromatiques est moment unique que vous n'oublierez pas. Un repas en forme de dépaysement, avec des traits de lumière, des paysages savoureux, des parfums de montagne, des étages du goût. Ceux que vous retrouverez le lendemain, en prolongeant le voyage en direction du Vercors magique, vaste et superbe région qui alterne plateaux d’altitude, forêts, prairies, escarpements et falaises abruptes. Sûr : je reviendrai ici. Pour le Fantin-Latour et pour les itinéraires qui émaillent cette très belle région !
Fantin-Latour, Coin de table.
Noms de restaurants, noms de futurs bonheurs ! Il faudra un jour dresser la carte du voyage gourmand, entre patronymes, toponymes et énigmes. Il arrive que ceux-ci se parent de noms étranges, des cuisiniers bien sûr, mythiques, lointains, grecs ou romains, des artistes plus rarement. Comme le Fantin-Latour, restaurant grenoblois où brille la cuisine de Stéphane Froidevaux. Le peintre éponyme, natif de Grenoble (comme Stendhal), connu pour ses toiles monumentales et son talent académique, était en quelque sorte prédestiné à donner son nom à un restaurant puisque sa toile la plus célèbre s’intitule Coin de table (1872). Parmi les convives attablés, un « couple » célèbre dont les tribulations firent scandale à l’époque : Verlaine et Rimbaud.
L’air est d’une douceur incroyable ce soir. L’été se profile enfin. Grenoble a des allures de ville méditerranéenne ce soir. On arrive ici, à pied, en traversant des parcs romantiques. Une jeune femme est assise en tailleur tout près d’une roseraie dont les parfums ondoient délicatement : »Vous n’êtes pas en train de lire du Kierkegaard, au moins ? » Voilà une bien jolie entrée en matières. Qui donc a posé cette question ?
Sur la grande terrasse du Fantin-Latour, une quarantaine de convives ont remplacé les têtes célèbres du tableau. On prend place. Et le voyage commence avec une première composition comme un jardin japonais :
Le Feu 2006 du domaine Belluard est au diapason, rutile, chatoie en bouche. Tout est là, bien calé. Comme une évidence. On devine déjà que ce sera grand…
On grignote un bout de jardin sauvage et, dieu, que c'est bon !
Posé sur un miroir, le plat reflète le ciel et les arbres. On grignote un bout de jardin sauvage, dieu, que c'est bon ! Magnifique condensé de nature.
Le gringet a la grinta, se prend pour une altesse, étonne par ses arômes d’agrumes et cette évanescence de poire miellée, son somptueux cœur de bouche, et dessine une courbe parfaite au palais. Grand plat. Grand vin !
Nos vins secs avaient du coeur.
Au soleil sans imposture
Que faut-il à l'homme? Boire…
Arthur Rimbaud
J’ai adoré cette idée de l’accompagnement (dont je me suis tout de suite inspiré) : du vert de blettes, légèrement laqué de miel, juste figé à feu doux, croustillant et tendre à la fois.
Petit verre à boire : un shot ananas-gingembre tonifiant, juste après avoir dégusté la Cuvée Elisa 2008, une mondeuse pleine d’alacrité sauvage produite par Jean-François Quénard à Chignin. De quoi donner la réplique au plat suivant :
On termine le voyage par une composition intersidérale, amusante, très graphique, digne d’une illumination rimbaldienne. Bon, c'est vrai, c'est un brin new age mais même François Mauss, qui est très peu bec à sucre, a apprécié…
« Système solaire » et planètes explosives aux parfums de noix de coco, citron vert et litchi
J'ai tendu des cordes de clocher à clocher; des guirlandes de fenêtre à fenêtre; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
Arthur Rimbaud
Service dirigé par l’affable Olivier Hovassapian, service friendly et jeune. Seul le sommelier paraît un peu timoré mais la cave recèle de belles bouteilles à prix très corrects, surtout si on reste « local » : la Savoie recèle, n’est-ce pas, de nombreuses merveilles méconnues et cette cuisine minérale, balsamique, contrastée, appelle de tels vins !
t. 09 66 03 30 38
16 Comments
Désolé Grand jacques de t’avoir précipité dans ton rapport. Que c’est bien écrit ! Je peux vous assurer que ce fut véritablement un moment magique.
C’est simple : j’ai tout mangé ! Pas un seul brin d’herbe n’est retourné en cuisine.
Voilà un dîner qui restera gravé à vie.
Et, grâce au Grand Jacques, j’ai découvert le Gringet : ça, c’est simplement monumental.
A vous d’y aller !
François, tu as tout de même laissé les galets de l’Isère au bord de l’assiette!
Elève de Marc Veyrat, Stephane a vraiement pris à sa main cette cuisine des plantes. Il a une vraie originalité dans sa cuisine. J’ai été séduit par sa cuisine, et admiratif de le voir au fourneau.
Jacques, la prochaine fois, il faudra aller près du piano pour voir tout ses préparatifs. A midi, il envoie son service avec très peu de monde en cuisine. Il n’a pas les deux pieds dans la même chaussure de montagne!
Jacques aime les cuisiniers-cueilleurs ?François Mauss également,j’en ai un autre dans ma musette,ça vous surprend?
Hérvé Busset au Moulin de Cambelong à Conques.Il y avait un ange qui officiait au service,Anne Guibert,y travaille-t-elle toujours ou est-elle repartie quelque part dans la galaxie?
Sthéphane Froidevaux est un poète et accessoirement un grand cuisinier,il gagne à être connu,humainement et culinairement.
Pour qui sait choisir et écouter,on n’a jamais aussi bien mangé en France que maintenant.Mais ceci n’est que mon avis.
Salutations gourmandes
Comme ça a l’air bon… Oui Jacques, avec un billet aussi gourmand, tu nous donnes bien envie de partir très vite dans l’Isère!
Michel, nous sommes allés renifler l’air des cuisines mais le service était terminé… De toute façon, je compte bien aller un de ces jours à la cueillette avec Stéphane au Lautaret : bien sûr, je m’arrêterai à Fréterive, avant ou après !
Pascal : Conques est dans le pipe-line, d’autant qu’il y a, sur la même trajectoire, du Soulages dans l’air. Et puis, pourquoi pas ? un zeste de Bras ou de Decoret, chemin faisant ?
Soulages ? celui qui a salopé l’Abbatiale Sainte Foy, vieux peintre de m….., quintessence du toc et de l’inutile si prisés ici et ailleusr! si vous avez le temps allez voir ce qui reste des anciens vitraux à l’bbaye Sainte Foy, magique!
Cher ?, soulagé ?
Sur la citation du jour: un chagrin d’enfant se confond-il à un chagrin d’enfance ?
Cher ?, quand on n’est déjà pas sûr de son nom, que peut-on affirmer? Il est vrai que quand rien n’est sûr, tout est possible.
Je crois que je fais de la peinture pour que celui qui la regarde – moi comme n’importe quel autre – se trouve face à face avec soi-même.
PS
Tiens t’as vu Armand, le corbak est de retour…
😉
Tu croah? De toutes façons Soulages, c’est le noir?
C’est assez extraordinaire, qu’un mot écrit par ta plume, Jacques, puisse déclencher autant d’intolèrence!
Propos violents,signés d’un ?.
C’est facile de se cacher derrière un ?.
On peut aimer ou ne pas aimer, la peinture, la musique, un vin, la cuisine de Stéphane…, il est essentiel de respecter le travail et le gout des autres.
Heureusement, que nous sommes tous différents et que nous avons des gouts différents. Le contraire serait bien triste.
C’est le qualitatif qui me semble vous aller le mieux: plus triste qu’un béni-oui-oui.
Car vous n’aimer pas le travail de Pierre Soulage, c’est une chose, mais ce n’est pas Pierre Soulage qu’il faut attaquer, mais les responsables qui ont commandé à Pierre Soulage, les vitraux pour L’Abbatiale Sainte Foy:
triste de se tromper de cible… et encore plus de l’écrire comme vous le faites.
Hé oui, internet permet aux laches de s’exprimer qu’avec un ?, comme signature…
Pour en revenir à l’amour des feuilles et des plantes de Stéphane Froidevaux,il le doit beaucoup à la rencontre avec l’herboriste François Couplan avec lequel il a beaucoup collaboré.
A croire,vu l’itinéraire des tables, que le grand Jacques s’en irait vagabonder sur la Saint-Jacques de Compostelle.Parce qu’en partant de Genève,la 1ère halte gastronomique se situe non loin d’ici,à Jongieux,à l’Auberge des Morainières de Mickaël Arnoult,ancien second d’Emmanuel Renaut à Mégève.Après c’est à Saint-Bonnet-le-Froid et le Puy-en-Velay,mais ceci est une autre histoire…
Salutations gourmandes
Dites-moi messieurs Perrin, Mauss, Henry et les autres: cette présentation sur miroir du "petit lac" n’est-elle pas tour simplement géniale ? En tout cas cela à l’air terriblement juste, tentant, bon…
Aviez-vous déjà vu cette présentation ailleurs ? sur un plat qui s’y prête aussi admirablement ?
En tout cas rien que pour ça, j’ai envie de monter dans ma voiture…
Sinon, "heureux qui comme" Antoine… sera à St Bonnet, posé sur la colline, pour deux repas de suite dans une quinzaine de jours… 🙂
Si c’est pas génial, c’est en tout cas superbe, Antoine. Et fichtrement savoureux, c’est ce qui compte le plus !
Amitiés de ma part à Michelle et Régis Marcon !
Il est vrai que "génial" est bien trop enfantin comme adjectif.
Mais c’est le cri de l’estomac et de l’intellect qui se chevauchent.
Devant la photo de ce plat et son énoncé, c’est bien simple, on a envie de planter une fourchette dans son écran.
Pour la superbe présentation déjà, mais surtout pour ses saveurs qu’on s’imaginent "aisément" du coup, car comme toute les grandes idées et belles réalisations, cela paraît tellement évident.
Alors pour cette fraîcheur dans l’idée et la poésie visuelle de ce plat, bravo Mr Froidevaux.
A part cela, je me ferai une joie de saluer ces seigneurs Aubergistes de Saint Bonnet de votre part.
Je me régal d’avance de ces deux jours sur les Hauteurs…