"Dernière ligne droite avec une première semaine caniculaire. On constate quelques échaudages (raisins grillés) et l’on se prend presque à regretter l'effeuillage. Pourtant, le répit est de courte durée car de nouveau le ciel se charge et devient menaçant. Les degrés sont déjà élevés mais la maturité des tannins n'est pas là, il faudra attendre. Les choses se précipitent à partir du 11. La pluie nous prépare un festival, avec environ 150 mm en dix jours. Les grappes ont changé d'aspect, avec des raisins gonflés.
(…)
Rarement un millésime n'aura demandé autant de soins et de précision dans la dégustation des baies et l'organisation de l'ordre de vendange. Chaque parcelle ayant sa particularité, nécessitant parfois une division en sous-parcelles.
Finalement, on vendange vite et les tables de tris sont, cette année, de véritables outils de travail. Les domaines sérieux rentrent de beaux raisins dans leur cuvier, même si la matière première n'a pas la tenue et la fermeté d'un 2005, les fruits sont frais, le degré alcoolique assez soutenu, et les tannins de maturité très convenables, même si on reste dans un profil assez ferme.
Le choix de vinification sera le dernier paramètre, quantité et qualité d'extraction seront à corréler avec la fragilité de la matière, au cas par cas. Nous devons la qualité de ce millésime au caractère sec et chaud du printemps, qui a permis un arrêt de végétation net, ainsi qu'au dynamisme général des vignerons qui tiennent des vignobles ressemblant de plus en plus à des jardins."
Stéphane Derenoncourt
• Vrai Canon Bouché, Canon Fronsac
C’était une de mes « découvertes » lors de la dégustation des Primeurs 2006. Située sur le tertre de canon (à l’origine de l’appellation), ce vignoble est situé sur de grandes carrières de calcaire. Belle robe, assez dense. Nez fin, crémeux, cerise, touche épicée, profil agréable, moyennement complexe. Il joue un peu sur le bois. Entrée en bouche, souple, boisée ; de la fraîcheur à l’évolution. La trame est équilibrée et le tannin bien enrobé. Finale expressive sur des notes de mûres, fruits noirs, cerise.
Note : 88
• Clos Puy Arnaud, Côtes de Castillon
65 % m – 30 % cf – 5 % cs
La robe est un peu évoluée. Notes boisées, suie, épice, havane, fruits rouges. Beaucoup de fraîcheur et d’originalité dans l’expression.
Entrée en bouche souple. Il se densifie à l’évolution. style assez juteux avec un naturel d’expression remarquable. Le tannin est ferme, épicé et croquant. Un vin d’un style à part.
Note : 89
• Domaine de l’A, Côtes de Castillon
Robe profonde. Nez superbe, intense, d’une vraie noblesse dans l’expression. Fruits noirs, réglisse, touche de cardamome. Superbe bouche, fruitée, dense, d’une plénitude de chair rare. La texture est élégante, déliée et la matière progresse en bouche, sur un caractère tactile irrésistible. Très jolie finale sur des tannins magnifiquement sertis.
Note : 90
• Vray Croix de Gay, Pomerol
Robe à nuances grenat. Quelques traces végétales. Nez boisé, puis réglisse, chocolat noir. Fruits macérés. Belle présence.
Entrée en bouche, très souple ; texture caressante ; corps de forme sphérique. Il est fin, élégant, finale un peu chaude mais avec une gamme aromatique diversifiée : pêche, violette. Très jolie réussite pour cette propriété au potentiel intéressant (une partie du vignoble dans le secteur Hosannah, Lafleur ; l’autre non loin de Le Pin).
Note : 90
Belle robe profonde. Nez puissant, épices, fruits noirs, café, notes grillées, puis violette intense. Très belle entrée en bouche, dense, serrée. Beaucoup de vinosité au développement mais le tannin n’offre pas tout à fait le même raffinement que le précédent.
Note : 90
Belle robe sombre. Il est fidèle au style qui a fait sa réputation et son succès : très mûr, sur les fruits noirs, le caractère balsamique et les épices, avec de la noblesse dans l’expression, même s’il paraît un peu monolithique. Corps généreux, ample, solaire, avec une belle amplitude dans le développement et une finale regorgeant de notes de fruits noirs sur fond vanillé et lactique.
Note : 89-91
• L’Arrosée, St-Emilion
La robe présente une légère évolution. Beau nez, qui offre une certaine complexité, sur des notes légèrement épicées, mentholées, avec un côté truffe à l’ouverture. Notes toastées à l’ouverture. Belle texture, ample, du gras, une chair voluptueuse et finale de caractère sur des notes épicées, mine de crayon. Belle finale sur une assise tannique dense et fraîche. Beaucoup d’avenir sur ce vin.
Note : 90-92
• Chapelle d’Ausone, St-Emilion
Note : 92
• Canon-La-Gaffelière, St-Emilion
Robe grenat. Nez d’une belle densité, complexe, épices, mine de crayon, noblement mentholé, puis évolution sur des notes florales. Entrée en bouche grasse, charnue ; jolie trame, au développement, subtile. Le tannin est noble, racé et la finale s’épanouit sur des notes de café grillé et de fruits noirs. Très belle réussite de la propriété.
Note : 92-94
• Figeac, St-Emilion
Il avait déjà séduit par sa présence un nombreux public lors de la dégustation de Premiers Crus de St-Emilion en automne dernier. Je l’ai retrouvé avec grand plaisir dans cette dégustation. Belle robe sombre. Le nez est noble, racé, sur des notes de fruits noirs, de poivron chaud, de cèdre. Superbe corps, à la trame très fin ; beaucoup d’éclat, de fraîcheur, et superbe persistance finale.
Note : 92-94
Note : 91 +
• Clos Fourtet, St-Emilion
Belle robe profonde. Nez très boisé de prime abord. Cela s’estompe un peu à l’ouverture. Superbe pulpe, un des caractères les plus nobles au niveau de la texture, c’est velouté. Merveilleuse rétro-olfaction de prune, et de violette sur la finale avec des tannins découpés au laser.
Note : 93
• Larcis-Ducasse, St-Emilion
La robe est d’intensité moyenne. Nez terrien et solaire, noblement épicé et truffé. La texture est magique, chatoyante avec du volume et un caractère ascendant au palais. Beaucoup de plénitude dans la saveur et fin de bouche aux tannins superbes de douceur. Ensemble très raffiné mais qui n’offre pas toute la persistance attendue.
Note : 92-94
• Pavie-Macquin, St-Emilion
Quand on goûte ce vin en parallèle avec Larcis-Ducasse, son presque voisin, on ne peut que constater la différence. Du coup tous les fantasmes concernant l’uniformisation de style sont relégués à la niche : Larcis-Ducasse et Pavie-Macquin sont vinifiés par la même équipe et, pourtant, ce qui frappe en comparatif à l’aveugle, c’est leur différence. Autant Larcis est dans le style solaire, généreux, avec des tannins exemplaires de finesse. Autant Pavie-Macquin, beaucoup plus coloré et moins avancé aromatique, apparaît sur un profil frais, dynamique, avec des tannins vigoureux, d’un grain moins fin, mais sur une persistance exceptionnelle de longueur.
Note : 93
5 Comments
Quel bonheur de savoir que ces vins se goûtent bien !
On sera 32 dégustateurs dont une grande pointure du négoce.
Chaud devant !
Si je peux me permettre un avis complémentaire suite aux notes très précises de Jacques :
> quand je regarde mes calepins primeurs de l’époque, je constate que les échantillons ont tenu leurs promesses en ce sens que je retrouve les styles et personnalités de chaque cru dans le millésime.
> je pense que 2006 – notamment sur St Emilion – a produit quelques très beaux vins qui pourraient extrêmement bien vieillir, avec des tanins parfois plus fruités qu’en 2005 (le merlot aime-t-il tant que ça les millésimes très secs ?).
Mes chouchous (forcément subjectifs) du soir :
– Clos Puy Arnaud : structure, droiture, et "satiné de tanins" impeccables, ce vin a quelque chose à de singulier qui me plait, année après année ;
– Feytit Clinet : gros milieu de bouche moelleux, même si le bois de la finale demande à s’intégrer ;
– L’Arrosée : corsé, bien élevé, très pur, vineux, royal pour la garde ;
– Chapelle d’Ausone : définition et nature de tanins difficile à surpasser tant c’est gracieux, et intégration de l’élevage magique ;
– Canon la Gaffelière : grande classe de bouche dans un style à la fois classique et moderne, très enlevé, superbe ;
– Figeac : la plus grosse et grande matière de la soirée, un fond incroyable qui le destine à la longue patine sous verre ;
– Larcis Ducasse : un grain inimitable, à la fois carré et moelleux, sapide, très racé, avec cette impression de bouche très terroir.
Comment ne pas aimer la Rive Droite avec de tels vins ?!
Je prends plaisir à goûter les mots faute de vin ! j’apprécie beaucoup cet univers !
"Une grande pointure du négoce", dites-nous tout !
Merci Stéphane. Votre journal de bord nous donne envie de partir à la rencontre des des différents vins de St-Emilion que nous ne connaissions pas.