Mais il est temps de se quitter : la journée qui s’avance est hyper chargée, chaque minute compte.
Je referme La belle vie, fais chauffer le moteur de ma modeste Polo qui, à la fin de la journée, sentira le cramé. J’en connais d’autres qui dégustent les yeux bandés, pour rire, balancent très vite leurs notes sur internet comme des balises ou des leurres, roulent en Porsche Carrera 4, mais ne vont pas plus vite que la musique.
Et pendant ce temps-là, certains déjeunaient à Cheval Blanc : François Mauss en compagnie de Pierre Lurton –
photo © Armand Borlant
On commence par Cheval Blanc sous des trombes d’eau. A l’intérieur, ça bruisse, vibrionne, cause beaucoup. Il y règne une effervescence particulière. Je ferme les écoutilles et me concentre sur le vin. Est-ce le temps un peu chaotique ? Il y a beaucoup de disparités entre les échantillons présentés aux différentes tables. Cette année, j’aime tout particulièrement la ligne élancée, la fraîcheur et la ligne très pure de Cheval Blanc. Il n’éclate pas encore avec évidence mais il viendra.
Un arrêt éclair au château L’Etampe où les Toutoundji’s boys présentent leurs vins. J’y suis déjà venu deux fois pour déguster Lafon La Tuilerie. La troisième fois sera la bonne. Ce vin, produit par Pierre Lafon, un vigneron idéaliste et passionné, est une merveilleuse réussite !
Je file ensuite au château Canon pour déguster les Premiers Crus de St-Emilion. Plusieurs très grands vins ici mais, à l’aveugle, j’admire tout particulièrement Troplong-Mondot, Pavie-Macquin et Canon. En revanche, Pavie, déjà dégusté dimanche, m’interroge. Je répondrai donc plus tard. Sa masse tannique, énorme, c’est un peu « la tauromachie dans le palais », comme le dit un dégustateur de mes amis.
Quelques kilomètres plus loin, voici Balestard La Tonnelle et sa superbe position, sa tour de guet. François Villon savourait déjà le vin d’ici, avant de tirer sa révérence:
Vierge Marie, gente déesse,
Garde-moi place en paradis
Oncque n’aurai joie ni liesse
Ici-bas, puisqu’il n’est permis
De boire ce divin nectar,
Qui porte nom de Balestard
Garde-moi place en paradis
Oncque n’aurai joie ni liesse
Ici-bas, puisqu’il n’est permis
De boire ce divin nectar,
Qui porte nom de Balestard
C’est ici qu’a lieu la dégustation des St-Emilion et des Pomerol, organisée par l’Union des Grands Crus. Je vais revoir une partie des vins déjà dégustés tout à l’heure à Canon, plus une vingtaine d’autres. Toujours intéressant de recouper les impressions. C’est un peu plus inégal ici que tout à l’heure. Dans cette série, je retiens tout particulièrement deux vins qui m’enchantent : Canon la Gaffelière et La Conseillante.
Midi et demi : je file chez Jean-Luc Thunevin pour déguster quelques vins. Pendant ce temps, d'autres déjeunent à Cheval blanc, les bienheureux ! C’est l’heure calme. Pas de stakhanovisme. Je passe en revue une dizaine de vins. M’enchante tout particulièrement Valandraud, une grande réussite cette année. « Depuis trois ans, c’est Muriel, ma femme, qui s’en occupe. Elle vendange plus tard ; moi, j’avais un peu peur : sur ce plan-là, c’est l’expérience de La Fleur Cardinale qui nous a fait progresser. Et puis, petits détails, nous sommes passés du mono-tonnelier à plusieurs tonneliers. Et puis, ne parlons pas seulement des « grands noms », voici un délicieux vin, goûté chez JLT également, le Château La Tour des Termes en St-Estèphe, un vin délicieux, vibrant, au tannin alerte, scintillant.
14.00 Mon rendez-vous suivant m’attend. « On ne se voit pas assez, dommage… » me dit Jean-Luc en partant. Eh oui, Jean-Luc, pas assez !
14.30 Aux établissements Mouiex. Des Chinois, des Russes, des Anglo-Saxons, beaucoup de monde déguste sous un tableau brossé à grands traits : des bœufs qui ahanent avec leur laboureur sous un vol de gerfauts. Il faudra que je demande un jour à l’affable Christian Mouiex qui en est l’auteur ? Trotanoy domine ici largement le débat. Grand vin. Je regoûte également un très beau Bourgneuf-Vayron, dont les qualités m’avaient déjà frappé, dimanche, lors de la dégustation des vins du Cercle Rive Droite.
16.00 Dégustation à Canon la Gaffelière des vins Neipperg : je retrouve le Canon La Gaffelière, superbe, énergique, dans sa minéralité épicée et La Mondotte, transcendante, à la finale traçante. Et cette petite merveille : un Clos Marsalette comme je ne l’ai jamais vu ! Très jolie découverte aussi Le Rival, un Lussac-St-Emilion présenté pour la première fois. Je ne sais pas avec qui il va rivaliser mais c’est clair qu’il a de l’envergure…
Dégustation à la Grappe, Rachel Martin (Boxwood Winery) et Jacques Perrin – Photo © Armand Borlant
17.00 Une visite rapide à la Grappe pour saluer quelques amis et déguster au passage. J’ai déjà goûté tous les vins de La Grappe dimanche en fin d’après-midi. Plusieurs grandes réussites ici. Somptueux Tertre Daugay, Villemaurine et Clos Fourtet.
C’est la fin de l’après-midi. Je goûte les vins de Boxwood dans le Comté de Virginie. Par curiosité et parce que, par hasard, j’ai croisé hier soir Rachel Martin, la propriétaire. J’ai beaucoup aimé la finesse de la cuvée Topiary issue majoritairement de cabernet franc.
17.30 départ pour le Médoc. Je passe la soirée à Prieuré-Lichine où, une fois de plus, Lise Latrille (merci Lise !) s’est surpassée pour organiser une soirée de rêve en présence de Justin Onclin, le propriétaire et d’un certain nombre de journalistes et d’invités.
Le menu et les vins
Langoustines en chemise de foie gras poêlé, jus aux épices douces
Le Blanc du château Prieuré-Lichine 2008
1er flight
Château Prieuré-Lichine 1999
Château Kirwan 1999
Château Marquis de Terme 1999
Château Rauza-Gassies 1999
Château Siran 1999
Agneau de lait en trois cuissons et ses légumes oubliés
Château Kirwan 1999
Château Marquis de Terme 1999
Château Rauza-Gassies 1999
Château Siran 1999
Agneau de lait en trois cuissons et ses légumes oubliés
Second flight
Château Prieuré-Lichine 2005
Château Kirwan 2005
Château Marquis de Terme 2005
Château Rauza-Gassies 2005
Château Siran 2005
Château Kirwan 2005
Château Marquis de Terme 2005
Château Rauza-Gassies 2005
Château Siran 2005
Comté aux éclats de mimolette vieille
Délice de mangue
Château Coutet 1997
Excellents vins, dégustés en présence des propriétaires ou des responsables des domaines. Chaque producteur a présenté son vin. A la fin, pourtant, lorsqu’il s’agissait de commenter les vins, on n’avait plus grand monde… C’est fou ce que les critiques osent peu « se mouiller », en présence d’autres critiques. Et pourtant, nous avions là, un fameux conclave américain, dont, paraît-il, l’ »Anti-Parker’s Palate », venu tout exprès de New-York.
Ah oui, vraiment, on devrait canoniser un tel homme ! Santo subito ! Comme cette autre dégustatrice, anti-parkerienne primaire, dont la place est restée désespérément vide jusqu’au dessert : madame était sur le net et le monde entier attendait ses notes de dégustation sur la journée… Bon, je sens qu’à ce régime, je vais finir par trouver Bob vraiment sympathique…
Un mot sur le chef, Olivier Rausa, un jeune doué qui va ouvrir prochainement une table d’hôtes dans l’ancienne gare de Labarde : il devrait y faire des étincelles !
Je devrais vous parler encore des vins, surtout des 2005, mais ça je l’ai fait, en présence des critiques… Vous permettez que j’aille me coucher maintenant ? C'est la belle vie, vous ne trouvez pas ?
Le tube du jour : Walk on by U2 et son agaçant mais si sympathique Bono…
Leave it behind
You've got to leave it behind
All that you fashion
All that you make
All that you build
All that you break
All that you measure
All that you steal
All this you can leave behind
All that you reason
All that you sense
All that you speak
All you dress up
All that you scheme…
You've got to leave it behind
All that you fashion
All that you make
All that you build
All that you break
All that you measure
All that you steal
All this you can leave behind
All that you reason
All that you sense
All that you speak
All you dress up
All that you scheme…
23 Comments
Entre les Tontons flingueurs et Shakespeare, c’est sûr que 1000 plateaux va élargir son public. D’ailleurs, c’est bien connu : pas de ghetto ni de chapelle ici. "Les hommes qui pensent en rond ont des idées courbes" disait l’inspiré Léo Ferré…
Santo Subito
Robert Parker est un géant dans le manteau duquel une myriade de nains essayent de se tailler un pourpoint de roi.
FRS : je me permettrai de citer cela à l’occasion.
Tellement juste !
Merci pour ces pistes, Jacques !
Beaucoup aimé "la belle vie" … moins d’autres de ses livres ("30 ans et des poussières", par exemple).
Bien aimé aussi Netherland de Joseph O’Neill …
Pas du tout emballé par Prieuré-Lichine 1999 (le soir du moins car le vin semblait se bien goûter l’après-midi, en verticale).
Le Prieuré-Lichine est le premier millésime sous l’ère Onclin (la propriété venait d’être rachetée) : vendangé dans des conditions difficiles, il en gardé quelques stigmates…
Au final tout le monde parle beaucoup de Pommerol et de Saint Emilion mais très peu du Médoc. C’est dommage car j’ai l’intime conviction que 2009 sera avant tout le millésime du Cabernet
Je voulais dire Pomerol veuillez m’en excuser!
Chassertin,
Si je peux me permettre : rougeblancbulles.blogspot…
François,
La description de Jacques est pourtant explicite en termes de structure en bouche.
Oui, mon goût me porte en général plus vers la RG que vers la RD.
Probable que Parker se laissera aller sur la sphéricité.
Je confirmerai cela jeudi entre Pauillac et Pomerol.
Je me retrouve grandement dans les goûts et coups de coeur d’Anne Laurence quant aux dégustations Primeurs 2009. Grandement.
François (Chassertin) : je te confirme que je n’ai pas souvent gouté de tels cabernets en Médoc (et même cz certains Rive Droite). Même si je n’ai pas – et de loin – le recul de Jacques ou Michel (Bettane).
Cette année, même les éternels austères avaient (Latour, Las Cases par ex.) du "sexy" en eux, et une étincelle de folie qui les rendait quasi irrésistibles. F. Engerer appelle ça le "twist" particulier des grands 2009 !
"Je confirmerai cela jeudi entre Pauillac et Pomerol."
Euh, je veux dire pour mes goûts et avec ma petite expérience …
Latour 2005 pas vraiment sexy en primeur (Ausone 2005 non plus, d’ailleurs).
Bon, ceux qui ont revu les Tontons Flingueurs à une heure de grande écoute sur A2, vous ne manquez pas le parallèle entre le Grand Jacques et Dhalban : l’usage de l’anglais.
Les titres en anglais, référencés sur Goofgle amènent des holibrius mono-shakespeariens qui doivent se poser de sacrées questions !
A quand une période teutonne ?
Merci Grand Jacques de ces premières impressions qui me vont très bien. Sûr, Pavie vaposer beaucoup de questions à plus d’un,comme l’avait fait à l’époque le 2001? et on peut voir où cela a mené ce vin aujourd’hui : en haut.
Il faudra que tu nous dises dans ton rapport Vinifera les infos que t’auront données tes potes producteurs, notamment sur la mauvaise tendance de quelques producteurs de trop extraire.
Tu dois savoir aussi qu’Onclin a quitté la Sovex et les Ballande pour monter sa propre société de négoce. Ça bruisse grave à ce sujet à Bordeaux. Je prends cela pour un signe fort sur l’avenir du négoce, car Mr Onclin n’est pas n’importe qui.
Parker restera le bulldozer qu’il est depuis les débuts, se moquant totalement de ce qui se dit around.
Mais qu’on arrête ces sempiternels besoins de classement d’une rive par rapport à une autre, une aoc par rapport à sa voisine ! Cela veut dire quoi ?
Il y aura partout de très beaux vins, des médiocres et des pas bons, pomerol et st -émilion compris.
On n’achète quand même pas un vin simplement parce qu’il est dans une AOC dont un zozo baveur a dit qu’elle était supérieure à une autre !
Ça me chauffe, ça, cette année, ça me chauffe méchant 🙂
Qu’il me soit permis de mettre ici une rectification à un billet précédent.
En fait, Mr Onclin est toujours dans le Groupe Ballande-Sovex et ne constituera pas, en famille, une nouvelle société de négoce.
Il va dévoluer son temps à 100 % sur ses deux propriétés, Villemaurine et Branas Grand Poujeaux (tenu par sa fille) très prochainement.
Sieur Mauss,
Robert Dalban sans h siouplait,sinon y va voir qui c’est Raoul!!!!
Celui qui dynamite, ventile, disperse ?
Ah! François tout en hypallages et anacoluthes
🙂
Au 4 coins de Paris façon puzzle….non mais,affubler Dalban avec du H,y en a qui jouent dangereusement avec leur santé!!!
François (Mauss),
Je ne suis pas totalement d’accord avec votre remarque. Personne ne dit qu’il n’y aura pas de bons vins dans les appellations de la rive droite et encore moins ne fait comparaison. L’idée est plus de mettre en perspective les perceptions assez différentes d’un même cépage à savoir le Merlot. Dans le médoc il a été jugé trop mûr tro opulent et on lui a préféré l’élégance des grands cabernets. On pouvait alors s’attendre à ce que ces caractéristiques du Merlot soient transposées or visiblement il n’en est rien. C’est ce qui me marque le plus.
Enfin ce que vous trouvez peut être impensable à votre niveau ne l’est pas au niveau du consomamateur. Ce dernier dans un contexte de crise, de pouvoir d’achat en berne et la perspective d’une forte spéculation sur ce millésime sont dans l’obligation de se fixer des limites fortes. Il est donc naturel de procéder à une sélection avec pour objectif d’obtenir le meilleur par rapport à son goût et son pouvoir d’achat. Il va de soit qu’il n’est pas compréhensible pour le commun des acheteurs de comprendre les subtilités telluriques qui expliquent pour partie que ce qui n’est pas intéressant dans le médoc peut être sublimé dans le libournais et ses satellites. Cette incompréhension sera alors interprêtée comme une zone de risque et préfèrera se reporter sur ce qui est certain.
Sinon Rahoul avec un ‘H’ me ferait penser à un excellent vin de grave surtout en blanc.
Et lorsque le ‘H’ est de mise c’est le bouchon qui saute
Enfin un esthète qui a remarqué Tertre Dauguay…
Si Bernard Burschy le voit aussi, on sera au moins trois 😉
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