Bernard Hervet, consultant chez Faiveley, un des plus gros propriétaires de vignes en Côte Chalonnaise avec près de 80 hectares est radieux également. « 2012 est incontestablement l’année de la Côte Chalonnaise. C’est un des meilleurs millésimes de ces dernières années ! La fleur a bien sûr connu la pluie et la fraîcheur, mais elle est beaucoup mieux passée qu’en Côte d’Or. Il y a eu moins d’eau. L’oïdium et le mildiou n’ont pratiquement pas attaqué. »
Quand on mange les raisins, on ressent leur belle maturité et leur équilibre quasi parfait. « Je mange du raisin comme je bois mon vin », poursuit Pierre de Benoît. « Le raisin se mange tout seul, il y a une grande énergie dedans et beaucoup de chair. » Quand on goûte les jus, on pressent la belle qualité attendue dans les vins. De surcroît il y a beaucoup et de belles bourbes. Grâce aux belles luminosités et à la fraîcheur des nuits, tout au long de la fin de maturation des raisins, avec l’aide du vent du nord qui sèche les raisins quand la pluie est là, on a des degrés remarquables et des acidités de rêve. « Il y a encore de la feuille, on pourrait encore attendre » déclarait Pierre de Benoît le 1er octobre. Vendangeant les aligotés du futur « Bouzeron », ce jour-là, il ajoutait : « Les raisins sont dorés à souhait, équilibrés… »
Stéphane Aladame, un des artistes-vignerons de la Côte Chalonnaise, vigneron à Montagny, est également radieux. C’est le seul vignoble qui a connu un épisode de grêle, le 30 juin comme en Côte de Beaune, mais localisé et sans grands dommages, même si dans certains secteurs touchés on aura une baisse de volume de l’ordre de 30 à 40 %. « Le beau mois de septembre nous a gâté, on a rentré des raisins très équilibrés, en très bon état sanitaire car nous n’avons eu que de faibles attaques de mildiou ».
Christophe Roumier.
La Côte de Nuits en deuxième position
En visite chez Christophe Roumier à Chambolle-Musigny le 28 septembre au matin, je trouve un homme heureux. « C’est le millésime des extrêmes, comme on n’en a jamais vu, mais on a une étonnante qualité de fruits, des fruits qui ont atteint une parfaite maturité physiologique. Les peaux sont mûres et épaisses, les pépins bien lignifiés, et les sucres très honorables avec un degré potentiel supérieur à 12 degrés. Les peaux ont gardé leur intégrité. Avant comme après la pluie, on ne trouve pas de raisins figués. Les Ph sont bons. On aura peut-être des vins un peu fermes dans leur jeunesse, mais c’est sûr qu’on tient de beaux rouges ».
La raison de cette réussite après une année incroyablement capricieuse ? La floraison s’est beaucoup étalée à cause de la pluie et du froid en juin, ce qui causa de la coulure et du millerandage. Du coup la charge de raisins était faible, et ces derniers plutôt lâches, donc capable de résister à la pourriture. Le mois de juillet chaotique – un jour de pluie sur deux – a obligé le raisin à produire des peaux épaisses. Mildiou et oïdium sont apparus, comme on ne l’avait jamais vu dans la Côte, mais la vigne était en condition pour résister… à condition d’intervenir au bon moment, en viticulture biologique, bio-dynamique ou conventionnelle. « La pression du mildiou et de l’oïdium s’est faite parfois en même temps, mais on n’a pas retrouvé d’oïdium dans les raisins, et le feuillage a bien résisté », poursuit Christophe Roumier. « Et les raisins seront plus faciles à vinifier après la pluie d’équinoxe du 26 septembre (40 à 60 millimètres selon les endroits), avec le temps sec revenu. Avant la pluie les raisins avaient manqué d’un peu d’eau. Il y avait de l’herbe dans les vignes qui ont pompé l’eau ».
Aubert de Villaine, Jacky Rigaux, Jacques Tatasciore, Vosne-Romanée le 28 septembre.
Je retrouve l’ami Jacques Perrin au Domaine de la Romanée Conti où l’on rentre le Richebourg ce vendredi 28 septembre sous un soleil radieux. Une douzaine de personnes s’activent autour de la table de tri pour ne mettre en cuve que les grumes en parfait état sanitaire et arrivées à pleine maturité. En fait, il y a peu de travail car les raisins sont beaux, la plupart indemnes de botrytis… mais on est chez le domaine phare de la Côte et tout est fait pour l’excellence, donc la moindre grume problématique est éliminée ! Aubert de Villaine est serein, rassuré après une année si capricieuse, mais il sait que le pinot peut conjurer des conditions très difficiles, et faire de handicaps une chance ! « J’ai eu peur mercredi 26 septembre avec cette pluie de 40 à 50 millimètres, mais les raisins ont bien résisté. On avait un PH de 3, 23 dans les Richebourg, le 17 septembre, c’est remarquable, des acidités de 5, 35, que demander de plus ? Il a fait froid la nuit et le vent exceptionnel de jeudi après-midi a séché les vignes. On ne peut qu’être heureux puisque l’on attend du beau temps pour plusieurs jours ! »
Syvain Pitiot, le régisseur inspiré et rigoureux du Clos de Tart commençait les vendanges le vendredi 28 septembre après-midi, même s’il avait hésité à commencer si tard, vendangeant une parcelles de « clones pas terribles » le 19 septembre car les raisins avaient atteint 14° potentiels ! Au 28 septembre les raisins avaient atteint une excellente maturité phénolique et l’homme était heureux d’avoir eu les nerfs solides. « Le millésime 2012 sera celui des 7 plaies d’Egypte : le gel hivernal, le gel printanier, la coulure, l’oïdium, l’échaudage et, pour certains en Côte de Beaune, la ou les grêles. Il ne manque que le botrytis dont on se passe avec délectation ! Evidemment, naturellement et heureusement, pour les meilleurs terroirs, la panoplie se réduit. Mais tout de même, il faut avoir des nerfs d’acier ce qui, bien souvent, caractérise le « paysan ». Les raisins qui ont échappé à toutes ces calamités, c’est-à-dire ceux qui restent, sont de toute beauté : grappes de petite dimension, petites grumes, peaux épaisses, jus bien sucré, acidités d’un bon niveau, pépins craquants. »
Le 20 septembre, donc 8 jours avant qu’il ne commence, Syvain me disait : « On va faire un 2010 +, ce qui n’est pas peu dire, mais encore en moindre quantité, ce qui équivaudra à un petit rendement, certainement le plus faible de ces 20 dernières années. Mais surtout, pas de précipitation pour la cueillette : la maturité physiologique est bien là, et largement. Même si des pluies arrivaient dans les prochains jours et qui pourraient avantageusement « regonfler » un peu la grume mais, à ce jour, la maturité phénolique a encore une marge de progression, surtout pour les peaux. Donc soyons patients, à l’image de Duvault-Blochet il y a 150 ans ! » (De la Vendanges, édition Terre en Vues). Pari gagné pour Sylvain Pitiot : une des plus belle récoltes depuis qu’il a pris les choses en main ici !
Vendanges dans le Musigny, domaine de Voguë
Au Domaine Philippe Charlopin, c’est Yann, le fils qui orchestre le travail en cuverie. Sourire aux lèvres il m’annonce, le 3 octobre, en pleines vendanges, qu’ « on tient un excellent millésime en rouge avec de belles acidités, des volumes faibles certes, mais de beaux équilibres, avec 13,6° à Vosne, 13, 7° à Chambolle, 14, 4° en Clos de Vougeot. On a des PH à 3, 24 de moyenne, les vins seront tendus avec de belles richesses ».
Récolte faible mais bonne en Côte de Beaune
Nicolas Rossignol avait toutes les raisons d’être inquiet pour ces vendanges 2012, lui qui fut victime de la grêle dans pratiquement toutes ses parcelles, sur Vonay et Pommard principalement, avec la grêle meurtrière du 30 juin, par deux fois, vers 20 heures et vers minuit. Mais il avait le moral au beau fixe pendant les vendanges. « Certes je ne rentrerai pas beaucoup de raisins, mais ceux qui ont survécus sont arrivés à excellente maturité, les peaux sont épaisses, la chair très gourmande, juteuse, les pépins sont parfaitement mûrs. Il y aura une très, très faible récolte, mais de très grande qualité ».
Et Chablis ?
Yann Charlopin qui se passionne pour les blancs est heureux de l’acquisition d’un beau domaine en Chablisien. Il ramenait ses raisins le mercredi 3 octobre, dans un parfait état sanitaire. « On a des PH de 3, 13, un alcool potentiel de 13°, tous les indicateurs sont au beau fixe ! »
En conclusion
Petite récolte, grande qualité… mais n’oublions jamais qu’en de telles années à la climatologie chaotique, la main de l’homme est décisive. Seuls ceux et celles (elles sont de plus en plus nombreuses « à faire bon » !) qui ont été très présents à la vigne pour intervenir au bon moment, tiennent un millésime exceptionnel !
Comment
Chaque millésime n’est-il pas ou ne devrait-il pas être "exceptionnel" ?