BW : toute une vie.

BW est (était) un éditeur connu. Il parle à l’intime. Fait face à l’invisible : Lorsqu’elles s’adressent au grand nombre, les paroles qui sortent de nous perdent toujours la marque de leur source intérieure.

Dans le noir il parle.

Privé momentanément de vue après un décollement gravissime de la rétine.

BW raconte sa vie à sa compagne, Lydie Salvayre. Ses voyages, ses visions, ses escarpements. Les blessures aussi. L’enfance qu’il n’a pas eue.

La peau griffée en permanence au retour de Beyrouth, en pleine guerre. Comme des stigmates. Ecriture du corps.

LS note tout. Les amours, les ruptures, les colères fulgurantes.

Les passions de BW. Pour la littérature d'abord, sa came, sa brûlure, son impérieuse maîtresse :

Cruelle, violente, voluptueuse, vivifiante, raffinée, grinçante, ravageuse, légère, radieuse, délicate, ironique, la littérature nous secoue, elle nous fait mal, elle nous brûle, nous caresse, nous revigore, nous désespère, elle nous élève, dit BW hésitant, mais est-ce bien le mot ?

La littérature, corps et âme. Et pas seulement dans les mots et les salons !

Avant d’entrer en religion de l’édition, de fonder Verticales puis de s’en délivrer douloureusement, BW vécut sur d’autres intensités, se forgea un corps d’athlète, courut beaucoup (spécialiste du 800 m, il refus de participer aux JO de Mexico car de la gloire il a l’ambition et le dédain…)

BW se souvient, libère des bribes de l’histoire de sa vie, lui qui est devenu éditeur en colère sur un souvenir d’enfant qui n’aura jamais eu sa place…
Il m’est interdit d’attraper le pompon, continue BW, comme il m’est interdit, sauf exception, d’écrire. Je suis éditeur, dit BW, grâce à cette interdiction.

BW se raconte. Un caractère, BW, le prodigue, le fervent, le révolté….

Et l’écoute subtile, amoureuse, de Lydie Salvayre qui écrit le récit. Celui de BW l’intrépide, qui abhorre la médiocrité, qui s’asphyxie à l’air ambiant de nombreux gensdelettres. Lui qui refusant le désastre de l’édition a préféré partir.

Qu’appelles-tu désastre ?
J’appelle désastre, dit BW dont la colère monte, j’appelle désastre ce phénomène qui organise nationalement ou mondialement le plébiscite d’une livre en s’appuyant sur sa médiocrité. J’appelle désastre cette pratique qui consiste à mesurer la force bouleversante d’un roman à sa force de pénétration dans les supermarchés.

Il ne mâche pas ses mots, BW. Il dit tout haut ce que certains ne sont même plus capables de penser tout bas. Il a sla nostalgie de ces hauteurs qui lui ont donné le goût de l’impossible.

Si tu n’espères pas l’impossible… Ceci explique en partie cela !

Pour juger d’un homme, de ses vertus, de ses doutes, de ses silences, oserions-nous demander quel air il a respiré, où ses pas l’ont porté, ce qu’il a dans sa vie risqué ?

Sishapangma : BW est allé dans ces parages.

BW qui a vu des paysages que peu d’hommes ont pu voir. Respiré un air que peu ont respiré. Et qui a le sentiment, quelquefois mêlé d’inquiétude, que ces expériences l’ont rendu à jamais différent de ses confrères, et qu’il foule les champs de la littérature en godasses de montagne parmi des gens chaussés de mocassins à glands.
T’en connais beaucoup des éditeurs qui regardé le monde d’aussi loin, d’aussi haut ? s’exclame BW triomphant. Qui ont accompli des efforts aussi dingues pour jouir d’une seule heure de pure beauté ? Cela servirait pourtant à juger de leur courage.

BW cite Flaubert : notre cœur ne devrait être bon qu’à sentir le cœur des autres.

Ce livre auquel BW a donné ses initiales a été écrit par Lydie Salvayre. C’est un récit fort, térébrant, vrai.

Lydie Salvayre parle de la "genèse" de BW.

Ce que nous lisons dans BW est également une histoire d’amour. Ni improbable ni impossible. Une histoire singulière qui ne cherche pas à emprisonner le lecteur dans les rêts de la convention et du récit formaté. Elle est l’entrelacement de deux voix, de deux histoires, l’écriture de la liberté comme seul possible. Parce que tout finit par s’éclairer.

Mais BW est une lame.
Rien ni personne ne peut le plier lorsqu’il a décidé de foutre le camp.
Rien au monde ne peut le retenir. Aucune main. Aucune chaîne. Aucun amour. Aucune vigne.

Le livre Lydie Salvayre, BW, Seuil, coll. Fiction & Cie

Auteur

Jacques Perrin De mon passé de philosophe, j’ai hérité cette intuition que sapientia et saveur partagent la même origine. Des livres et des rencontres qui m’ont aidé à devenir ce que je suis, je garde tout : le sillage patient de la durée, l’inattendu et le meilleur. « Un rêve sans étoiles est un rêve oublié » Nos étoiles sont filantes et nos mémoires sont labiles. Du monde du vin et de la gastronomie, j’aimerais raconter les instants, les nuances subtiles et le bonheur dansant qui s’empare de nous quand nous rencontrons une forme de perfection. Il n’est pas nécessaire de publier un journal extime pour exister. Ce blog n’est pas un blog spécialisé pour wine geeks. Il est d’abord un lieu d’échanges, une série de passerelles, un réseau ouvert. Bienvenue sur les Mille Plateaux !

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