Il arrive, poivre et sel, canotier sur la tête, l’œil alerte, céruléen, un sourire bienveillant au coin du visage, tablier ceint autour d’une taille généreuse, mais pas trop…
Une table de huit malappris avait réservé : ils ne viendront jamais ! Sans préavis…
Robert Bardot, 75 ans et tous les jours aux fourneaux !
M. Bardot ne sourcille pas. Il en a vu d’autres ! Apprentissage de cuisinier à l’âge de 13 ans. « Tous les matins, il fallait monter une tonne de charbon pour alimenter les feux » La passion, ça peut cramer. René Viau, le chef, a de sérieuses références : M.O.F. (Meilleur ouvrier de France) en 1948. Deux plus tard, il meurt, debout devant ses fourneaux. Crise cardiaque.
Robert Bardot, lui aussi, a décroché le titre envié, en 1976, mais il a eu plus de chance : après avoir contribué à l’éclosion de quelques-uns des grands noms d’hier et d’aujourd’hui (comme Jacques Maximin ou Frédéric Anton), il a connaît la gloire, les étoiles filantes, les ministres. C’était à Lille, dans les années mitterrandiennes. Le restaurant s’appelait Le Flambard.
La fortune est incertaine ; les amis, parfois ingrats. Imprévisible, le destin…
La fortune est incertaine ; les amis, parfois ingrats. Imprévisible, le destin…
Sabine et Robert Bardot débarquent ici, à Vaison, en 1996. Pour se construire une nouvelle vie. A l’écart des modes, des paillettes, des rumeurs. Roger cuisine et peint. Devant lui, le Mont-Ventoux. Peut-être pourra-t-il dire, à la fin, comme Cézanne devant la Sainte-Victoire : j’ai compris deux ou trois choses de la montagne et des pommes… Même si pour le chef du Moulin à huile, il n'est pas encore temps d'écrire la suite du Bardo Thödol.
Une certitude : Robert Bardot a compris la substance vive de la cuisine, qui est un métier de passion et générosité : sa présence, à 75 ans, tous les jours, devant les fourneaux, en témoigne.
Le Maître et l'élève.
Assisté par Takashi, un jeune Japonais, au prénom prédestiné : « nombreux dons », Robert Bardot nous a concocté un éblouissant menu autour du homard breton (du 15 mai au 15 septembre uniquement parce qu’après, c’est peine perdue…)
Et pendant que défilaient ces plats malicieux, d’une justesse et d’une légèreté de bayadère, je ne pouvais m’empêcher d’observer, par la porte de la cuisine ouverte, le ballet des deux cuisiniers, le Maître et son élève, dialoguant, s’interrompant parfois, geste de Takashi suspendu et Robert Bardot expliquant tel détail. Moment sublime. Rare.
Et pendant que défilaient ces plats malicieux, d’une justesse et d’une légèreté de bayadère, je ne pouvais m’empêcher d’observer, par la porte de la cuisine ouverte, le ballet des deux cuisiniers, le Maître et son élève, dialoguant, s’interrompant parfois, geste de Takashi suspendu et Robert Bardot expliquant tel détail. Moment sublime. Rare.
Et madame Bardot de nous expliquer que Takashi est arrivé chez eux, il y a quelques années, parlant deux mots de français. Entre son mari et le jeune cuisinier, le courant a tout de suite passé et, à plus de 70 ans, le vieux cuisinier a décidé de former un dernier élève. Comme dans la grande tradition du bouddhisme zen ! A cette différence près que, contrairement au koan zen, lorsque le Maître désigne l’astre qui éclaire nos nuits, Takashi l’éveillé regarde bien la lune, et non le doigt du Maître ! De même, lorsque le maître montre à Takashi la caméra qui le filme, ce dernier regarde bien la caméra…
Ne manquez donc pas la séquence vidéo ci-après où, dans la pénombre de la nuit qui descend, Takashi s’illumine (à la japonaise…) pour dire pourquoi œuvrer tous les jours aux côtés de Roger Bardot est un privilège !
Dîner au Moulin à Huile aussi ! Merci à André Romero d’avoir provoqué cette rencontre !
Le menu
Amuse-bouches « Terre et mer » : saumon et terrine de pied d’agneau – gelée de foie gras et de pigeon – pain à l’épeautre.
Nage de salpicon de Homard, crème de choux-fleur, caviar de hareng, crêpe vonassienne.
Royale de Homard au fumet de fenouil, nage de pinces
Homard bleu cuit au bouillon d'épices, sucs de jus de la passion, semoule aux raisins, amandes, pois chiche, tartelette à l’oignon confit, duxelle de cèpes et cèpes à l’infusion de thym.
Crestet, un des plus beaux "villages perchés" du Vaucluse.
Salade de fraises de Crestet et carotte confite : ce "simple" dessert vaut déjà, à lui seul, le déplacement à Vaison la Romaine !
Les vins
Château de Fonsalette blanc 2001
Domaine la Soumade 2006 Fleur de Confiance
Présenté à l’aveugle, carafé au préalable par Sabine Bardot (attention à la température de service), ce vin a plu beaucoup à son « auteur », Dédé Romero, qui nous accompagnait et qui ne l’a pas reconnu : «c’est du grenache ça, et du très bon ! » tel fut son commentaire.
Le restaurant Le Moulin à Huile, route de Malaucène à Vaison-la-Romaine t. 04 90 36 20 67
19 Comments
Si les producteurs ne reconnaissent plus leurs vins maintenant :-)))))
Trouvé Soumade Confiance 2005 bien acriâtre !
Idem pour Prestige 2005, amer, sec, terriblement alcoolisé.
Où l’on reparle de la fraîcheur du grenache : adoré Pialade 2005 !
Autres très belles expressions :
Fonsalette blanc 2003
Rayas blanc 2002
ON aura compris : le chapeau du pote Veyrat n’est qu’une pâle copie du trémoussant couvre-chef de Sieur Bardot.
Qu’est-ce qu’il écrit bien le Grand Jacques : attendez à ce qu’il vous parle du restaurant Fantin Latour à Grenoble (merci à Pascal Henry).
Fait partie de mes plus belles expériences culinaires. Et avec le Grand Jacques, ça dépote grave !
Il vous dira tout : je me contenterai de le remercier à jamais pour la sagesse et le choix quasi miraculeux des vins qu’il y a fait. De ça, j’en parle sur mon blog.
"Quand on est né là-bas, c’est foutu, rien d’autre ne vous dit plus" – Paul Cézanne (à propos de la Ste Victoire)
Chouettes gens, belle cuisine, superbe région : on ira, c’est sûr…
La tête à la Blier quand le jeunot soutient "(qu)’il sait tout Me Bardot" vaut son pesant d’or !
Encore une table aux frontières des radars à macarons …
Laurent, tu n’ignores pas que la majorité (eh oui !) des producteurs ne reconnaissent pas leur vin à l’aveugle, surtout quand ils ne s’attendent pas à ce qu’il soit placé dans une série !
Ne reste pas sur cette impression, Laurent : goûte la Cuvée Confiance 2006 (remarquable) ou la Fleur de Confiance 2006 ! Stéphane Derenoncourt et Julien, son assistant, ont amené ici, depuis 2002, une finesse, une élégance et une précision dans l’élevage qu’on ne trouve pas partout dans la région. Et ça va encore progresser, qu’on se le dise !
Jacques,
JFCD a coutume de préciser la chose en effet …
Il faudra que je goûte prestige de fleur de confiance 2006, alors ! 🙂
De manière générale, j’ai un peu de mal avec Rasteau et Gigondas, question élégance et fraîcheur !
Et dire que sur les hauts de Gigondas, on pourrait sans doute produire de très grands vins blancs ! Mais – et c’est quasi un scoop – ça risque de se faire… Quelques années de patience encore !
Un vrai héros de Pagnol,me fait penser à notre Gérard Bouilloux!!
Effectivement Pascal, M. Bardot a un petit côté rock’n roll, à la Bouilloux. C’est une adresse pour toi, ça… Et que dire de celle dont je vais bientôt parler, chez l’extraordinaire Stéphane Froideveaux !
Stéphane Froidevaux,une cuisine d’auteur,des plats qui racontent une histoire,tout un poème!!Je l’ai connu à l’Antidote au Monnetier-les-Bains près de Briançon avant qu’il n’émigre sur Grenoble.Ancien second de Veyrat pendant 9ans,ça marque.
Jacques, j’attends avec impatience ton texte sur le Fantin Latour, car en plus de leur cuisine, Stephane et Léa sont en train de réussir deux tours de force: 2 restaurant en 1, et surtout de venir à Grenoble pour créer un restaurant gastronomique, parce qu’à Grenoble, le restaurant roi est la pizzeria…
Si à midi, ils "cartonnent", le soir pour le gastro, ce n’est pas facile.
La reconnaissance de leurs talents tarde à venir.
Tu as raison,Michel,d’associer Léa,c’est elle qui veille sur la cave,elle aime le vin ça s’entend et ça se voit.Dire qu’ils ont quitté le Monnetier-les-Bains parce que trop confidentiel,a se demander si notre Stéphane ne serait pas le Van Gogh de la gastronomie,une sorte de cuisinier maudit,comme Jacques Decoret à Vichy !
Salutations à toi Michel
Un fan du domaine des Ardoisières
Pas maudit, Pascal : j’ai vu plein de convives aux anges, samedi soir ! S. Froidevaux a un talent immense et un coeur "gros comme ça" et ça finira par se savoir. On en reparle tout prochainement. En tout cas merci pour le "tuyau" Pascal !F. Mauss a "sacrifié" un dîner chez Pic pour le Fantin-Latour et le voilà le plus heureux des hommes !
Merci bien Mr Perrin,
Merci parce que j’ai longtemps hésité à passer tenter cette table à Vaison l’an passé. Finalement j’avais choisi autre chose, ayant peur du trop "old school compassé" et du rapport Q/P/P (pour faire court).
Pourtant j’ai essayé de trouver un max d’infos sur cette table, et partant de ça j’ai changé de cap. Pour sûr que si j’étais tombé sur un article comme celui-là, il y a de fortes chances pour que je choissise le détour par Vaison-la-Romaine.
Sinon je me délecte d’avance de votre prochain reportage sur Fantin Latour, encore une adresse et un chef que je piste de (trop) loin depuis belle lurette (mais moins que Pascal Henry visiblement).
Je ne cesse de le conseiller à mes camarades grenoblois et autres jeunes cadres dynamique de chez Scheinder Electric qui en ont fait leur cantine du midi…ne me reste plus qu’à les convaincre d’y aller le soir.
Tout à fait, jacques, Stephane à un gros coeur et Léa une présence et une gentillesse qui ne devraient pas laisser indifférents les inspecteurs des guides gastronomique.
Pour sa cuisine, j’attends ton texte…
Si à midi, c’est la très belle cantine des grenoblois,le soir, pour le gastro, les grenoblois attendrent le "sacre" des guides, pour pousser la porte du Fantin Latour.
C’est ridicule, mais c’est ainsi.
Michel,
Pour forcer le trait,je dis toujours que le Michelin est mon ennemi,à chaque étoile c’est +30% à l’addition,et ça se vérifie dans 95%des cas.
En ce qui concerne Stéphane et Léa Froidevaux,ils avaient obtenu l’étoile rapidement à l’Antidote,c’est plus long maintenant qu’ils ont migré sur Grenoble.Les mystères de la rue de Breteuil !!!
Merci,merci de rendre hommage a ce monsieur,ce grand chef de la cuisine française.
Jai eu la chance et le privilége de travailler avec lui et souvent j’ai une pensée pour lui.
il ma appris l’amour du produit,de la cuisine,et surtout le respect envers elle .On est peu devant son savoir,avec lui,j’ai appris enormément.
un grand merci Monsieur Bardot.
Je teins également à remercier Robert Bardot à l’époque où il était à Lille au Flambart. Il m’a donné la passion de son métier que je transmet dans ma cuisine de tous les jours avec des bons produits frais, locaux et bio pour les 420 têtes blondes que je sers chaque jours à la cantine du collège Jules Grévy de Poligny (39). Un grand merci à lui.
En attendant, et même si ce monsieur que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam jusqu’à il y a 4 jours est MOF, je trouve assez déplacé qu’il se donne en spectacle et se laisse photographier sur des emballages d’andouillettes de la marque "POPY" au demeurant on ne peut plus nauséabondes en recommandant pourtant leur qualité pour les avoir élaborées!… Dommage… A moins qu’il n’ait fait que les goûter, et encore, avec beaucoup de moutarde!…