Inactualités américaines
« Quelques jours après la tuerie de l'école élémentaire de Newtown dans le Connecticut, l'Etat d'Ohio annonce qu'il assouplit sa législation sur le port d'armes.
Les habitants de l'Ohio n'auront désormais plus à prouver leur compétence en matière d'armes à chaque expiration de leur permis de port d'armes. »
Pendant ce temps – mais ceci n’a évidemment rien à voir avec cela – un dentiste de l’Iowa a été reconnu dans ses droits pour avoir licencié son assistante après 9 ans de collaboration, car elle « mettait en danger son mariage ».
Le même qui, renvoyé à ses fraiseuses par sa collaboratrice, déclarait que côtoyer au quotidien un tel être c’était « comme avoir une Lamborghini dans son garage et ne jamais la conduire. »
Sur le tournage de Dolce Vita : c'est ainsi qu'est né le paparrazzo !
Salva Italia
Toujours à propos de Lamborghini et des créatures de rêve, Mario Monti – dont l’élection avait rassuré les Bourses – a donc théâtralement jeté l’éponge. L’hydre Berlusconi voudrait revenir aux affaires. Bonne nouvelle : fini les bunga-bunga, Silvio est amoureux.
Les marchés financiers, eux, font la moue et se sont prononcés (ce sont eux qui choisissent !) : ils veulent rappeler Super Mario aux affaires. Rendez-vous en février.
En attendant, pour patienter entre deux flocons, on pourra relire Dolce Vita, 1959-1979 de Simonetta Greggio. Cela ressemble à un roman. C’est un roman. En forme de mosaïque éclatée de l’Italietta de ces années-là. Tout y est ! Les papes, la pieuvre, le miracle économique, la misère, le cynisme, l’arrogance, le sourire de Marcello, les factions, les bombes, les meurtres, la violence toujours, la lente désespérance, l’aristocratie décadente, les années de braise, Salva Italia toujours !
Le vin et la vie
Ce blog est en grande partie dévolu à l’archipel du goût, celui du vin et de la gastronomie. Les autres champs explorés sur Mille Plateaux peuvent décontenancer parfois certains lecteurs. C'est un risque minime pour qui ne concourt pas dans le classement des meilleurs blogs miam-miam glou-glou ! Le vin est une grande partie de ma vie, mais pas uniquement. Que serions-nous sans l’art, la musique des mots, des livres et des sons, sans les grands espaces et le silence qui va avec ?
Alors, vous parler de Parker (c’est déjà fait !), des cinquante meilleurs vins dégustés en 2012 ? Etablir le classement de mes dix meilleurs repas de l’année ? Donner dans la surenchère des BBB : Biggest bombs of 2012, blockbusters, and so on ? Je préfère relire cette phrase de Christian Bobin, un auteur (un vrai !) que j’apprécie :
« J'ai toujours eu un léger dégoût pour ceux qui sont capables de commenter pendant des heures la finesse ou l'arôme d'un vin, amenant dans leur parole, pour des choses sans importance, une délicatesse qu'ils ne mettent pas dans leur vie. »
Le meilleur des mondes
Jamais les sociétés n’auront connu de mutation aussi rapide, radicale et généralisée, que celle que nous expérimentons aujourd’hui. Depuis les débuts d’internet. L’informatique et ses algorithmes ont façonné un nouvel univers à travers lequel nous évoluons, arpenteurs du numérique. La révolution permanente a changé de visage. Nous sommes immergés en elle : elle est ce cluster, cette durée étrange, séquentielle, qui module désormais une partie de nos vies, succession de flux et d’instantanés où, comme sur une mer intranquille, chacun dérive au fil du hasard, des rencontres et des captures, tandis que s’accumulent, en strates, par empilement vertical, informations multiples et souvent redondantes.
Dans cet univers à la structure de rhizome, tout semble nouveau ; tout paraît aller très vite, procéder par fulgurations et accélérations. Tout est très lent pourtant, redondant et aléatoire. C’est le meilleur des mondes qu'évoquait parmi tant d'autres Leibniz mais sans la garantie divine.
C’était il y a presque trente ans, Apple lançait le premier Macintosh compact. Un ami, féru d’informatique, s’était risqué sur le terrain glissant des prophéties: achètes-en un tout de suite, cette machine va révolutionner le monde et changer ta vie ! Prince chantait Purple Rain. J’ai suivi les conseils de cet ami. Quelques années plus tard (donc très près de nous), celui-ci, devenu un vrai nerd, a lâché cette phrase entre deux débogages : Ne vous habituez jamais à vivre dans un monde où vous n’êtes rien sans le secours de l’informatique !
Nous y sommes, immergés jusqu’au cou !
Des idées pour le futur
Restons un instant sur ces impressions. Au train où vont les choses, le futur est déjà là. Récemment, je m’entretenais avec un architecte. Toutes les dix minutes, il ponctuait son discours de « holisme » et de « vision holistique ». J’étais à la rue, largué. Je n’entravais que pouic comme aurait dit Léo Ferré. Puis, peu à peu, j’ai compris : cet homme, comme notre informaticien de tout à l’heure, voyait plus loin que l’horizon. Holisme n’était pas dans sa bouche un mot-mantra. Holisme désignait l’ensemble, dont je ne distinguais que certaines pièces. Il anticipait la réalisation finale. A l’écouter, il suffisait d’entrer et de prendre possession des lieux. Nous sommes ainsi construits : nous aimons écouter ceux qui tissent les récits de demain, qui échappant au désir mimétique et inventent de nouvelles voies.
Un exemple ? Peter Thiel que j’ai déjà évoqué ici. Après des études de philosophie et de droit, Peter Thiel a croisé la fortune grâce à la revente de Paypal notamment, mais aussi grâce à la revente de l’essentiel de ses actions Facebook. Aujourd’hui, avec son fonds d’investissement Clarium, il paraît s’être recentré sur sa vocation première d’entrepreneur visionnaire, holistique et libertarien.
Outre les différents réseaux sociaux, ses aires d’investissement sont intéressantes à analyser : îles flottantes, Institut pour la singularité (recherches sur les prévisions technologiques et les groupes de décision), etc. Plus récemment, Peter Thiel a investi dans une société néo-zélandaise, Booktrack, qui crée des environnements sonores pour livres numériques. Ou encore, dans AVE (Atmospheric Vortex Engine), le projet un peu fou d’un ingénieur canadien, Louis Michaud, dont les centrales fonctionneront à l’énergie des tornades. Sans parler des projets d’imprimantes en 3 D. Voilà pour les projets officiels. On parie qu’il s’intéresse également à la téléportation quantique ?
Et vous, comment voyez-vous l’avenir ?
11 Comments
Christian Bobin a bien raison dans un pays où des parents avec enfants dorment dans la rue en 2012 sans que cela ne préoccupent grand monde. On préfère occuper le devant de la scène avec Depardieu, Afflelou…Et si la croissance ne créait pas d’emploi?
http://www.youtube.com/watch?v=M...
"Vous me dîtes que mon regard sur le monde est pessimiste. Je ne crois pas. Le constat est simple et nous le faisons tous dans le secret de nos lassitudes : l’humain s’éloigne du monde à bas bruit. L’humain est comme une bête sauvage et douce, blessée par nos manières. Elle se tient de plus en plus à l’écart de nos terribles réjouissances – et elle a bien raison.
Ce que j’appelle l’humain c’est un visage en clairière, ouvert, fraternel, sensible. Ce visage est la seule preuve admissible de Dieu. Nos sociétés sont si possédées par le rien de l’argent et de la puissance que le visage de l’humain – de Dieu aussi bien – baisse désormais les paupières. Une nuit monte de ces yeux baissés, qui ne veulent plus nous regarder. Est-ce du pessimisme que de parler ainsi? Non, sûrement pas. Il n’y a qu’une seule chance de vivre, et c’est de regarder ce qui vient, en face. Ecrire est cet essai de voir ce qui existe, le terrible comme le doux."
réponse de Christian Bobin au courrier d’une journaliste novembre 2012
Vous avez vu : on peut aller en train de Canton à Pékin en 8 heures désormais.*
Et la 4G arrive …
Quand je pense que Guénon parlait de crise du mode moderne.
La 4G, le TGV chinois lancé à folle allure entre Canton et Pékin ! Les Chinois ne lisent pas Virilio. Nous non plus… En revanche, il est intéressant d’écouter la déclaration de Zhao Chunlei : «On ne peut pas être certain que c’est totalement sans risque dans l’avenir. On a eu beaucoup de pression de la part du public», a déclaré au journal Zhao Chunlei, chef adjoint au ministère.
Exprime-t-il des réticences personnelles ou se dédouane-t-il par avance de la catastrophe "programmée" ?
Nous allons de plus en plus vite, certes, mais que faisons-nous avec cette vitesse ? Si nous pouvions-nous nous déplacer à la vitesse de la lumière, dis-moi Laurentg, que ferions-nous de la lumière ?
"vive les fêlés, car ils laissent passer la lumière"
audiard
VIVENT, scusi
Jacques,
Une bonne dose d’ironie irriguait mon propos.
Et comment feront les dégustateurs (nomades) du GJE sans portables et tablettes pour établir leurs classements ?
Petit rappel (relativité restreinte)par Woody Allen :
"Prenez un type sur la berge et un type dans une barque dérivant sur le courant.
Et bien le temps semble plus long pour celui qui est sur la berge, surtout si sa femme est en train d’embrasser le type sur le bateau."
Bonne fêtes
Laurentg, désolé, je n’avais pas vu l’émoticône !
Il faut convoquer François Jullien, aussi, qui fit une formidable conférence au CNES.
Un philosophe parlant à des ingénieurs.
Tu sais que moi et mes collègues travaillons d’arrache-pied avec des industriels, des laboratoires scientifiques, des SSII, pour cette modernité qui paraît sans limites …
🙂
Un vrai bijou ce soir :
http://www.lacinemathequedetoulo...