Nous voilà pris dans cette épopée, arpenteurs d’une mémoire cachée, plurielle, fragmentaire. Celle de la terre aux plissements multiples, aux plateaux érodés, aux vallées creusées au fond des lacs de silence, aux pics sur lesquels personne, dans ces siècles-là, n’eût songé à se dresser avec un air de conquête tapi au fond du regard puisque quelqu’un était le nom de notre absence au monde.
L'Equateur, c'est ici… Au centre, légèrement sur la gauche, le Miroir d'Argentine.
Si vos pas vous mènent ici, vous serez, à votre tour, emportés, ballotés, chavirés, métamorphisés, mais au rythme lent de la marche. Vous naviguerez entre ces mots, d’une tectonique à l’autre, parmi ce récit qui pourrait ressembler à Là où était la mer de Rick Bass.
S’il y avait une mer ici, c’était un océan alpin dont le doux nom, Thétys, cachait des collisions futures.
Un jour, il s’est refermé, favorisant le rapprochement de deux masses continentales. Mano a mano impressionnant. Subduction puis obduction. Système distensif. Choc des titans. Tectonique des plaques. Pas celle des sentiments. Juste le roulis énorme, ahurissant, des continents, soudain désemparés. Séismes. Tremblements divers. L’Europe qui plonge sous l’Afrique…
Un jour, il s’est refermé, favorisant le rapprochement de deux masses continentales. Mano a mano impressionnant. Subduction puis obduction. Système distensif. Choc des titans. Tectonique des plaques. Pas celle des sentiments. Juste le roulis énorme, ahurissant, des continents, soudain désemparés. Séismes. Tremblements divers. L’Europe qui plonge sous l’Afrique…
Imaginons ceci. La table était mise. Quelqu’un – qui ? – a tiré la nappe. Les piles d’assiettes se sont enchevêtrées. C’est ainsi que nous avons hérité d’antiques vestiges de la corne africaine. Le Cervin notamment. Et quelques strates de la Dent qui se découpe devant nous.
Si autrefois nous avons essuyé des tempêtes, ce n’étaient pas de vulgaires ouragans d’aujourd’hui aux noms d’oiseaux mais des tempêtes orogéniques, des monstres éruptifs jaillis des chambres magmatiques, des mers renversées, haletantes, le ventre ouvert…
Vue sur la Dent de Morcles depuis le sommet de la Croix de Javerne.
Un pan de l’Equateur est devenu ainsi le Chablais dont je parcours en ce jour d’automne 2009 la mystérieuse échine. Juste au-dessus de l’antique et frileuse Agaune où j’ai passé huit ans de ma vie à méditer au pied des falaises.
Cette étrange Dent de Morcles, devant laquelle je me trouve, a donc surgi un jour, entrelacée de couches géologiques et de plissements fabuleux.
Cette étrange Dent de Morcles, devant laquelle je me trouve, a donc surgi un jour, entrelacée de couches géologiques et de plissements fabuleux.
Le vignoble de Bex vu de la Croix de Javerne.
Je suis sur un des segments de la Via GeoAlpina et du tour des Muverans. Parti ce matin du bucolique petit alpage de Javerne, au-dessus des Plans sur Bex, j’ai remonté un petit vallon jusqu’à la Croix de Javerne, promontoire sur le Chablais. De là, en quelques dizaines de minutes on gagne le refuge de la Tourche qui va faire entièrement peau neuve. Ignorant les nuages qui s’amoncelaient en face de moi, sur la cime de l’Est, j’ai continué en direction de Rionda et du col de Demècre. Me demandant au passage ce que la valeureuse Armée suisse pouvait bien venir chercher sur ces hauteurs ? Peut-être un air de désert des Tartares d’altitude ?
St-Maurice.
La petite Dent de Morcles, juste au-dessus, est bien tentante avec sa voix d’escalade « La Forteresse du Vide » mais ne nous laissons pas égarer… Je poursuis en direction sur le balcon du vide, le sentier qui relie La Tourche au col de Demècre. D’où arrivent, en sens inverse, des groupes de randonneurs éblouis par cette fête automnale.
Le sentier qui mène à Demècre.
Ce matin j’ai fait un crochet par le col des Perris blancs qui mène de la Tourche au Pont de Nant. Il est trop tard pour rallier Demècre et ma voiture est au diable Javerne… Je reviens sur mes pas. Le chemin du retour m’attend.
2 Comments
Aérien, spectaculaire, aussi bien pour les photos que le vocabulaire…
Bravo Jacques !
http://www.youtube.com/watch?v=a...