La première soirée, placée sous les auspices culinaires des deux chefs transalpins Mauriglio Garolla (La Ciau del Tornavento) et Massimo Camia (Borgo Antico) a donné le ton de l’événement. Une cuisine piémontaise resplendissante, ancrée dans son terroir. Lumineuse comme la journée qui vient de s’achever. On se souviendra longtemps d cet œuf diaphane servi dans sa boîte-mystère, façon grand Havane et les deux kg de truffe blanche qui le titillaient ! Juste le poids nécessaire pour faire chavirer 250 convives dont tous n’ont peut-être pas soupçonné le tour de force caché sous une telle évidence ! Et cet agneau castré (sic !) longuement confit puis laqué, servi dans ses sucs épais avec un magique Sori’Tildin 2001 d’Angelo Gaja, insolent de classe et de profondeur !
Le métier de critique de vin et la déontologie.
Le lendemain, la journée commence très tôt. Michel Bettane est le premier intervenant. Thème du séminaire : le métier de critique de vin et l’éthique. Après un préambule historique destiné à mettre en évidence les 3 grands courants de la critique (les professionnels ; la critique anglo-saxonne, très souvent liée au négoce ; le courant consumériste), Michel Bettane a abordé la question de l’éthique dans la métier de critique de vin. Selon lui, cette question est dépendante de trois vecteurs fondamentaux et ce, quel que soit le courant auquel on appartient :
1. La connaissance du produit, tant sur le plan technique, culturel, historique que dans ses interactions avec sa destination « naturelle », la gastronomie.
2. La communication : pour faire court, celle-ci pose la question (fondamentale) du « poids » et de l’usage des mots. Traduire la sensation en perception en passant par la médiation du langage est un exercice complexe. Une connaissance des rêts du langage est un élément important dans ce processus. Rigueur et mesure, pour, à la fois, traduire une expérience sensorielle en énoncé compréhensible, tout en évitant le piège de l’emphase, la rhétorique hype, à l’américaine, qui privilégie le too big, too much.
3. L’ascèse : être critique (de vin ou d’autre chose), c’est être capable d’une forme d’ascèse permanente envers ce que l’on pense et la façon dont on le pense. C’est faire la guerre aux préjugés, aux obstinations de son amour-propre, aux tentations de l’idéologie…
Michel Bettane a rappelé cette évidence, souvent oubliée : » Ce qu’il faut juger, c’est ce qu’il y a dans le verre et, croyez-moi, c’est ce qu’il y a de plus difficile ! »
Un métier qui reste à inventer.
Ces trois vecteurs sont, à mon sens, fondamentaux et Michel a eu raison de les rappeler. La question de l’idéologie, sous-jacente aujourd’hui, notamment sur la Toile, dans beaucoup de débats, notament, est fondamentale. Certes, on est toujours le pourfendeur de l’idéologie de quelqu’un d’autre, jamais de la sienne. Il n’empêche… Il y a aujourd’hui, dans le bruit et l’agitation qui caractérisent le monde du vin, encore beaucoup de préjugés à combattre, beaucoup d’angélisme à désamorcer et un peu de scepticisme à cultiver…
Le métier de critique est étrange. Avec son passé mince, son présent parfois cahotique, son avenir incertain, sans doute reste-t-il à inventer, au carrefour des trois catégories d’ »esprits critiques » évoquées ci-dessus.
2 Comments
Un débat qui aurait intéressé Claude Lévi-Strauss …
Good news : le film de ce séminaire (comme d’ailleurs les films de tous les autres) est lisible, audible, complet.
Faut que je trouve un monteur qui me fasse une version DVD. On s’y attelle.