On y accède depuis le hameau de Pont au fond de Valsavenche. La montée au refuge Victor Emmanuel II est une partie de plaisir. En deux petites heures de marche alerte, on trouve mieux que le purgatoire : un vaste vaisseau spatial, à 2720 m d'altitude, dominé par la conque du Ciaforon. Le début du chemin, encore parcouru par un mulet qui porte les sacs de certains touristes flegmatiques, est entièrement pavé de dalles d’orthogneiss. Une idée étrange du roi Victor-Emmanuel II qui aimait à venir chasser dans la région et qui ne se déplaçait pas sans l’intendance…
Le Rifugio Vittorio-Emmanuele II : trois étoiles sans discussion !
L’accueil est de tout premier ordre : s’il existait un Michelin des refuges, on frôlerait ici la perfection… Propreté, confort (on peut même y prendre une douche), dortoirs à 4 et cuisine bonissime, carte des vins sympathique avec des vins du Piémont et du val d’Aoste, le tout à des prix angéliques, on est vraiment ici dans l’antichambre du paradis.
J’invite One coursier, s’il réapparaît prochainement, à imaginer une autre route 68, celle des refuges trois étoiles. Les étapes seraient très utiles pour reprendre de l’appétit, éliminer les calories et prendre de la hauteur.
Quoi qu’il en soit, nous avons dîné au refuge Victor-Emmanuel II d’un Jarret de veau braisé au romarin qui surclasse nettement tout ce que j’ai pu déguster à ce jour dans les refuges d’altitude (et même dans pas mal de restaurants…) ! Précédé par une assiette de pâtes à la tomate et arrosé d’un Dolcetto 2006 de la Cascina Boera Brich Monpissan à Canale, ma foi tout à fait convenable.
Départ dans la nuit, à 4h00 du matin. J’ai mis longtemps à m’y faire : aujourd’hui j'adore ces départs dans la nuit, à la lumière de la frontale, le bruit des pas sur la caillasse, les torrents qui dévalent, le cliquetis des piolets sur le gneiss et, magie suprême, le jour qui se lève, comme si le monde renaissait une nouvelle fois, vaste, infini. Rien que pour nous.
On gagne de l’altitude. La vue alentours est un tel enchantement qu’on en oublie le froid, le souffle court, le sang qui pulse dans les tempes. La pente se redresse un peu sous le sommet.
Où est mon compagnon de cordée ? Je suis tout seul. Nous sommes montés chacun à notre rythme.
Soudain, c’est le jaillissement dans la lumière zénithale. Altimètre 4061. L’altitude exacte du Paradis.
Mais, Dieu, qu’est-ce qu’il fait froid ici et que cet endroit est peuplé. Des cordées en grappe qui crapahutent sur les rochers verglacés plongeant vers les abîmes et se tirent le portrait parmi les petites tours crénelées du sommet qui ne ressemblent pas à un sommet.
L'auteur de ces lignes ; à l'arrière-plan, le Mont-Blanc.
On ne séjourne ici que le temps qu’il faut pour apprécier le paradis, même encombré de très nombreuses cordées.
La vue est unique. A couper le souffle, si ce n’est pas déjà fait. Les Alpes valaisannes, le Cervin mystérieux et effilé, l’étrave de la Dent de Morcles, le Mont Blanc et l’arc-boutant de ces piliers formidables (Brouillard, Freyney, etc.), les Grandes Jorasses en majesté, la Verte, la Grivola, la Grande Casse, les Ecrins, le Mont-Viso, et, plus près de nous, l’étrange Ciarforon et, illustre inconnu qui le premier a brillé ce matin dans le jour naissant, le Gran Nomenon.
Un jour parfait dont voici une illustration en images avec la voix émouvante de Sandrine Piau. Qu’elle me pardonne cette intempestive coupure.
Adresse pour François Mauss et autres pérégrinateurs : Rifugio Vittorio-Emmanuel II (nuovo) : 2735 m. Club Alpino Italiano. Sezione di Torino.
Très vivement conseillé de réserver !
Très vivement conseillé de réserver !
17 Comments
Alors d’accord avec le Président que les vraies courses en montagne apportent quelque chose que n’apportera jamais le mur d’escalade ?
Et comme tu as du neuf sur le Coursier, va-y, informe nous en temps réel !
pS : merci pour la photo du Grand Jacques : tu aurais pas pris un petit bourrelet avec ce jarret de veau et sa topette piémontaise ?
Rien de tel que la montagne, la vraie. Tout à fait d’accord avec toi !
Quelle bouffée d’oxygène, tu nous envois, Jacques.
Et quel régime tu t’imposes pour éliminer les rabelaisiennes frasques que le président Mauss vous fait endurer au GJE.
Trêve de plaisanterie, Pascal Henry, qui nous est, à tous, devenu sympathique, devrait suivre ce régime et reprendre la suite de son périple.
Personne ne va l’accabler d’avoir eu un moment les yeux plus grands que le ventre, et d’avoir caler sur le fromage.
Et l’on pense tous sincèrement qu’il est normal de ne pas pouvoir supporter le régime prévu dans son planning: entre les avions, les décalages horaires et les tables pantagruéliques…
Personne ne va le blâmer de cette mise au vert qui nous semble longue sans nouvelle.
Pascal, pense à tes amis qui t’attendent !
Tu as raison de le souligner, Michel: si, dans la tête de One Coursier, interrompre son périple un peu fou est considéré par lui comme un échec, personne ne saurait l’en blâmer. Quant à sa possible "retraite", il ne faudrait pas qu’elle dure trop longtemps car le bruit médiatique autour de sa disparition l’expose beaucoup.
Disparition de Pascal Henry : dyspepsie ou collapsus avec complication ?
Le soir de sa disparition Pascal Henry, dites-vous, a dîné en compagnie d’une journaliste de Vanguardia « plutôt lente à la détente ». En effet, puisqu’elle ne s’est exprimée qu’après que vous-même et Paul Bocuse aient alerté les média et surtout qu’INTERPOL ait demandé à la police espagnole de relancer son enquête, alors que cette « disparition » lui aurait été signalée au lendemain du fameux dîner du 13 juin. « Lenteur » est un euphémisme.
En effet INTERPOL travaille sur une toute autre hypothèse, celle d’une dyspepsie avec complication de congestion cérébrale foudroyante (symptômes identifiés par Chomel en 1857) ou bien collapsus cardio-vasculaire dont l’issue aurait été fatale. Intervenant après 40 repas copieux, arrosés, et plusieurs milliers de kilomètres de déplacements fatigants, un tel accident, ne saurait étonner, surtout après l’ingurgitation des 36 plats d’un repas chez EL BULLI.
En pleine querelle avec Santi Santamaria, le « meilleur cuisinier du monde » pouvait-il – si cette hypothèse devait se confirmer – laisser la police et une éventuelle autopsie, confirmer les thèses de son contradicteur et entraîner un énorme scandale ? Les sept semaines qui se sont écoulées depuis le 13 juin, et les différentes versions données par Juli Soler (associé de Ferran Adria) semblent donner quelque crédit à cette tragique hypothèse. Les enjeux sont énormes. La vérité aura du mal à être établie.
Michel ne faites pas dire à Jacques ce qu’il n’a pas dit: il a parlé du "quotidien espagnol Vanguardia qui a été plutôt lent à la détente" et non pas "d’une journaliste de Vanguardia « plutôt lente à la détente »"
C’est intéressant ce que vous dites, Michel. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’"hypothèse d’Interpol" ? Où en sont les recherches ? Il est vrai que, dans le contexte actuel de guerre médiatique entre les moléculaires et les tenants de la cuisine plus "classique", El Bulli se serait bien passé d’une telle publicité. Le hasard a voulu que ce soit précisément à cet endroit que Pascal Henry a disparu (ou interrompu sa course…) Comme le souligne Armand, je n’ai pas parlé de la journaliste mais du journal qui, semble-t-il, a longtemps hésité à parler de cette affaire…
Intéressant! Mais surtout terrifiant, ce que dit Michelt !
Je n’imaginais pas du tout une fin tragique, malgré les inquiétudes.
Et voila que vous nous parlez de sordide!
Loufoque un repas avec 36 plats!
Même si c’est quelques miettes dans une assiette.
J’ai fait ce genre expérience, avec bien moins de plats. On ne prend plus plaisir.
On aurait voulu faire l’impasse sur la viande, un plat quand même, le fromage impossible, et on n’a raté les desserts.
Il nous reste une impression de feu d’artifice, mais rien de concret. Dommage!
N’ajoutons pas des mystères au mystère: les annulations des restaurants aux Etats-Unis et au Japon ont bien été effectuées, mais non pas par un fantôme de Pascal Henry, mais par ses meilleurs amis genevois, qui, ne le voyant pas revenir, ont préféré prendre les devants.
Je corrige, après discussion avec un journaliste du Vanguardia, une approximation dont je suis responsable. Pascal Henry n’a pas dîner, le fameux soir, en compagnie de Cristina Jolonch. Celle-ci se trouvait avec un groupe de journalistes espagnols chez El Bulli. Elle a repéré ce commensal solitaire dans la salle qui photographiait tous les plats, s’est renseignée sur son histoire. A la fin du repas, elle l’a questionné et lui a demandé si elle pouvait faire une interview de lui à la fin de sa route 68. La photo a été prise à ce moment-là. Pascal Henry a cherché dans ses poches une carte de visite, a eu l’air contrarié de ne pas en trouver une et s’est levé, comme pour aller en chercher une dans sa voiture, laissant ses affaires sur la table. Deux ou trois heures plus tard, soit vers 2-3 h du matin, Cristina Jolonch ainsi que J. Soler attendaient toujours son retour…
Bonjour,
J’ai sorti Pascal d’une même situation il y a dix ans. Je le connais depuis 35 ans. Il lui faut une sortie honorable.Je sais quoi faire.
Bonne journée
Patric
On compte sur vous Patric pour une décélération lente, un retour à la réalité pas trop brutal : après tout, Pascal a eu le temps de s’y préparer depuis deux mois, non ? Désormais, il lui faudra vivre avec cette "gloire" ambiguë…
Ok Jacques,
Je veux bien, mais vite, les autorités espagnoles sont pas contentes, mais pas contentes du tout.
PASCAL………..Fais-moi signe sans te montrer, vite. Je peux, tu le sais tout arranger. Tu peux aussi aller de ma part où tu sais…en Bretagne (le doc), sur la côte où nous allions avec toi,Philippe et ta mère, Asturias (je te rappelle que c’est ton sponsor). Tu sais que tu dois être au Palace à Montreux à la rentrée pour ta remise en forme.Ne parle en aucun cas à la presse, ils vont t’exécuter, tu les a sans le vouloir et pour ce que tu sais, ridiculisés, ils n’aiment pas çà. Ce coup,c’est sans filet, et je pars en voyage très bientôt….alors bouges.Restes discret, c’est ta seule chance.
Arnaud,
Salut, tu te souviens de moi?….si tu veux me doner un coup de main pour Pascal (en Suisse), call-moi.
Patric
Avec plaisir Patric… ! Mais aide-moi à mieux te situer. Je connais pas pas mal de Patrick et deux ou trois à Genève. Es-tu l’ex-époux de N.? Dis-moi comment te joindre. Sinon, appelle-moi, si tu as toujours mon numéro… Ou met le sur mon e-mail: arnaudbedat, puis tu fais le "a" commercial suivi de yahoo.fr
Dommage que pas mal de gens qui aiment la cuisine ne comprennent tjrs pas la demarche d’El Bulli. On ne vas pas a El Bullli pour se nourrir comme si vous alliez a la cantine… C’est une experience culinaire qui est donc a ce titre (et doit le rester) exceptionnelle. Il ne s’agit pas de considerer que vous pouvez manger la bas tous les jours (a supposer que vous en ayez les moyens). Il me semble qu’on cherche tjrs a comparer ce qui ne l’est pas… Un repas comprends bien plus d’une trentaine de bouchees. 36 "experiences" de parfums, de textures, etc n’est donc pas un en soit un chiffre extravagant.
Par ailleus il fait reconnaitre que nos corps dans leur besoin sont tres formates pas nos propres habitudes alimentaires (une entree, un plat principal, des fromages, des fuits disons pour faire court). Une experience aussi differente que celle que propose El Bulli est donc obligatoirement derangeante pour le corps. Cette espece de crystalisation autour de Adria me parait tout de meme releve d’une chasse a la sorciere. Hier mis sur un pied d’estale aujourd’hui tres critique! Il faut etre sectaire pour ne pas etre en mesure de reconnaitre que les deux mondes ont chacun leurs avantages et leurs raisons d’exister. Et le debat devrait s’arreter la, et retourner a la rivalite chaleureuse.
68 grands restaurants d’affilee ! Etait-ce bien raisonnable… ? Une sorte de Super Size Me experience mais avec de la grande cuisine ?