Les vallées retirées, sauvages, existent encore. Pas de téléphériques. Pas de câbles d’acier accrochés aux portes du ciel. Pas de sentiers escarpés envahis par des cohortes rubicondes.
Depuis longtemps, j’avais entendu parler de la Valpelline, cette vallée au climat implacable, à la frontière du Valais et du Val d’Aoste.
Un pays d’ascèses, de pèlerins d’altitude, de braconniers, d'âmes perdues et de frontières invisibles. Une contrée de funambules et de cols vers l’ailleurs, si proche, si lointain. Vers des vallées aux langues perdues, rugueuses, frottées de givres et de morsures. Le col de Valpelline vers Zermatt ; celui d’Oren vers Bagnes ; le col Collon vers le val d’Hérens ; Crête sèche et Fenêtre Durand vers Bagnes.
Des lieux de passages. Des carrefours. Des havres de paix. Comme si, derrière les frontières, à la trouée du silence, du vent et des éclairs du temps, existait un monde meilleur, plus accueillant, plus vrai.
Quittant, ce matin-là, le hameau de Glacier, en direction du Rifugio F. Chiarella all’Amianthe, j’ignorais me trouver sur le « sentier de l’espoir », tracé en hommage à Emile Chanoux, homme politique et résistant notoire, mort sous la torture en 1944 :
« Dans cette Europe où les peuples sont devenus du matériel humain pour les guerres, où l’homme n’est plus qu’une unité dans le nombre, où il est dénombré, catalogué selon des aptitudes en relation à la boucherie gigantesque que l’on a organisée, un seul pays a encore respecté l’homme dans l’homme : la Suisse » écrivait peu avant de mourir ce visionnaire qui voyait dans la Suisse le modèle d’une grande Europe fédéraliste !
De quoi ventiler les circuits synaptiques en remontant l’immense conque de By, sous la muraille des Aiguilles de Valsorey aux multiples crénelures : les Trois Frères, les Molaires, le Râteau, le Carré, le Mont Percé, les Luisettes, l’Aiguille Verte et l’Amiante, toutes racontent une autre histoire – c’est un ami géologue qui parle – celle d’avant l’homme, d’une autre Europe, entrée en collision avec la plaque africaine. Juste au moment où les montagnes s’ébrouent du magma et des profondeurs.
Aiguilles de Valsorey vues de la Conca de By.
De longues coulées vertes entaillent les aiguilles, telles des gemmes scintillantes évoquant parfois un glacier d’émeraudes : « Des serpentines ! On les appelle aussi ophidiennes, explique mon guide. Leur structure évoque la peau d’un serpent. La tectonique des plaques a permis de mieux comprendre leur origine. Ces serpentines sont d’origine océanique. Elles viennent des profondeurs, de l’océan primordial ! »
Quelques heures plus tard, débouchant au sommet d’une longue cheminée munie d’échelles, on entre dans un désert minéral pur.
Altitude 2982, c’est la première étape : le Rifugio F. Chiarella all’Amianthe. Le gardien prend le soleil sur le promontoire avec ses enfants.
Devant eux, au-delà de la houle sombre des vallées latérales, le Grand Paradis, la Grivola, le Mont Emilius. Peu de randonneurs.
« Il y a dix ans, il n’était pas rare d’avoir 80 personnes durant le week-end. Aujourd’hui, nous avons beaucoup moins de monde. Le refuge est éloigné, la montée est rude et les gens n’aiment plus les longues bavantes ! »
Le temps de se désaltérer et de souffler un peu et nous voilà repartis. Cap sur la Tête Blanche, 400 mètres plus haut. On traverse en direction de l’est, à travers une zone d’éboulis et de blocs de schistes plissés.
Le dôme du Grand Combin commence à apparaître. Blancheur sur fond minéral. Il fait chaud, très chaud. A cette altitude, il n’y a quasiment plus de névés. Les neiges que l’on croyait éternelles seront bientôt un souvenir. La montagne bouge, lentement, dans une autre échelle de durée que la nôtre.
Devant nous une crête pierreuse, le sommet ! Cette sensation d’être les passagers d’un autre temps et d’un autre espace.
Demain, il faudra redescendre. Ou ce soir encore.
« Derrière le sommet, il y a un autre sommet, c’est un proverbe tibétain » ajoute l’ami qui m’accompagne.
Itinéraire : Aoste-Ollomont. Garer la voiture au hameau de Glacier (1549 m). Suivre direction 4 : Rifugio F. Chiarella all’Amianthe. Du refuge, continuer en direction de l’est (cairns) jusqu’au nez de la Tête Blanche (altitude 3200 environ). Puis de là, jusqu’au sommet.
Itinéraire : Aoste-Ollomont. Garer la voiture au hameau de Glacier (1549 m). Suivre direction 4 : Rifugio F. Chiarella all’Amianthe. Du refuge, continuer en direction de l’est (cairns) jusqu’au nez de la Tête Blanche (altitude 3200 environ). Puis de là, jusqu’au sommet.
Echelle temporelle : 8 h pour l’aller et retour.
4 Comments
8H pour toi : soyons sérieux : si je réussi en 2 jours, je serai fier !
Je dors où ? Cuisine tiptop ? On apporte sa topette ? Il y a de la jeunette ?
Pense aux tâkis ! 🙂
Prépare-toi François, pense à quelques topettes et choisis une date : sur deux jours, c’est jouable également !
http://www.youtube.com/watch?v=g...
Ces photos de montagne me bouleversent toujours autant. Merci pour cette part de rêve.
Bruno