C’est un des plus beaux jours d’automne. De ceux dont on se souvient très longtemps. La nature est en fête et, à ce moment-là, nous mesurons le privilège d'être le témoin de ce spectacle.

Le Mont Rose et le Liskamm. On distingue parfaitement la nouvelle cabane du Mont-Rose à la limite de l'ombre et de la lumière sur la partie rocheuse, en bas à gauche.
Après le flamboiement des mélèzes et des aroles, voici Rotenboden et la vue saisissante sur le Gornergletscher, deuxième plus grand massif glaciaire des Alpes après celui d’Aletsch. Il n’y a plus grand monde en montagne à ce moment-là et la fameuse Monte-Rosahütte (but secret de ce long périple) est déjà fermée. Impossible d’y dormir ce soir. Heureusement, il existe parfois des replis stratégiques, cachés dans les entrailles de la montagne.

La grande étrave qui domine le vieux Zermatt, c'est la proue de l'hôtel Omnia.
Il y a quelques années un chantier pharaonique suscitait l’intérêt, la polémique et le scepticisme : un hôtel d’un nouveau genre allait naître à Zermatt. Ce projet, dû à l’artiste visionnaire Heinz Julen, devait donner naissance à un hôtel perché sur un nid d’aigle, à l’aplomb de Zermatt, auquel on accédait par un tunnel percé dans la montagne et un ascenseur souterrain. Le nom de l’hôtel résumait parfaitement le projet: Into the hôtel.
Après quelques semaines d’ouverture, suite à des différents entre le concepteur et les différents partenaires du projet, le beau vaisseau ferma ses portes. Pour cinq longues années. Le temps de le remodeler, de réduire le nombre de ses chambres et, je l’imagine, de régler l’imbroglio économico-judiciaire. Aujourd’hui, le phénix est à nouveau ouvert, sous le nom d’Omnia.
Je parle rarement sur ce blog d’hôtels mais je tenais à citer ici l’Omnia de Zermatt. En additionnant tous les critères d’une analyse pointue, je pense qu’il flirte avec l’idéal ! Amis des cimes et des pistes enneigées, vous voilà prévenus !
Pas de grandes agapes ici, après une journée en montagne mais une fondue arrosée d’un Heida de la Jodernkellerei ! Sous l’œil courroucé du grand Edward Whymper – à qui Zermatt doit beaucoup depuis 1865 et la première ascension du Cervin – tout le monde se tenait à carreaux, y compris les Japonais dont la patronne nous a assuré qu’ »ils sont très distraits dans la rue et ne font pas attention aux vélos qui circulent ! »

Même en montagne, il faut savoir suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant !
Même en montagne, il faut savoir suivre sa pente pourvu que ce soit en montant ! Avec de Courten nous avions atteint des sommets restés gravés dans notre hypothalamus. Sauf à escalader le Cervin, ou l’un des nombreux 4000 qui rôdent dans les parages, il était difficile de remettre le métier sur l’ouvrage. Donc notre homéostasie nous suggèra la Whymperstube !
Mais voici tout de même le menu Saveur de Didier de Courten. Parce que c’est beau et diablement bon, malgré la longueur des énoncés : on tremble même chaque fois pour la personne chargée d’annoncer le plat, craignant le pire. Mais le pire ne finit pas toujours par arriver. La preuve ! C’est du travail d’équilibriste, tendance pointilliste.
Hypermaîtrisée et ludique à la fois, la cuisine de Courten n’est pas sans évoquer celle de Gagnaire, en moins délurée sans doute, ou disons moins jazzy !
Alors, même si tout était réussi, que retenir plus particulièrement dans ces salves très graphiques. Je citerai le sublime Tronçon de bar aux châtaignes caramélisées et l’émouvant Petit pâté de chasse, parfaite illustration que, pour sophistiquée qu’elle soit, cette cuisine ne perd pas de vue le terroir. J’y ajouterai volontiers l’accord terre et mer à la truffe blanche d’Alba, à cause d’un tartare de veau de lait d’anthologie : hélas, l’artifice d’un trait d’huile de truffe blanche est parfaitement déplacé et superfétatoire…

Des sablés torréfiés aux fruits secs en mille-feuilles aux artichauts épineux, fines tranches de bœuf du pays en carpaccio, et une infusion parfumée au tilleul.
Un risotto carnaroli au safran de Venthône, fondants de potimarron au café grillé, cromesquis de cèpes, et une crème de feuilles de bettes.

Des carrés de foie gras marbrés d’aiguillettes de canard colvert, gelée de pruneaux et un cylindre croustillant aux oignons doux des Cévennes et reinettes, brioche au pain d’épices.

Un accord terre et mer à la truffe blanche d’Alba, un tartare de veau de lait à l’italienne et des noix de St-Jacques rôties aux éclats de noisettes du Piémont.

Le tronçon de bar rôti aux châtaignes caramélisées, une soca niçarde aux figues violettes, et un cœur de laitue romaine en vinaigrette au balsamique blanc.

Un petit pâté de chasse aux trompettes de la mort, salade de betteraves rouges aux raisins blonds, et une crème de tétragones au jambon de sanglier.

Le dos de chamois du Tyrol sur une pomme de terre farcie d’une rillette d’épaule, gelée d’airelles aux écorces de pamplemousse, et une crème Grand Veneur aux noix.

Un succès chaud aux amandes grillées et aux poires Williams, soufflé à la mousseline de coing, milk-shake au gingembre et à la pulpe d’abricots secs et une crème argentée.
Les vins
Champagne Blanc de blancs Esprit Henri GIRAUD
Petite Arvine Rodeline 2009, Yvan Roduit, Fully
Sauvignon mœlleux 2009, Les fils de René Favre, Chamoson
Antica 2004, Cabernet Franc, Cornulus
Ces deux derniers vins ont été choisis par G. Bentrari, sommelier.
Petite Arvine Rodeline 2009, Yvan Roduit, Fully
Sauvignon mœlleux 2009, Les fils de René Favre, Chamoson
Antica 2004, Cabernet Franc, Cornulus
Ces deux derniers vins ont été choisis par G. Bentrari, sommelier.
5 Comments
Notre ami Geoffrey entend-t-il l’appel de la Loire jusqu’à Sierre ?!
(je rappelle – pour Armand – que nul n’est censé ignoré la Loire, c’est dans les textes…)
Dommage qu’on ne puisse pas mettre "j’aime" (à la manière de facebook) sous les commentaires 🙂 . Alors je vous le dis Nicolas, j’aime beaucoup votre commentaire! "Nul n’est censé ignorer la Loire", vraiment, ça, ça me plaît bien (d’autant plus que j’adore les vins de cette région). Merci pour ce rappel, même si c’était juste pour Armand! 😉
Mon "honnêteté" me perdra, mais, voici la source :
http://www.glougueule.fr/la-bout...
Comme ça vous pourrez acheter le ticheurte, Anne-Laurence.
(Armand n’est pas… n’est jamais !… à ce qu’on lui dit, c’est même à ça qu’on le reconnaît…)
😉
Ah merci Nicolas, je vais pouvoir faire un peu de shopping en effet!
(Mais c’est vrai, où est donc passé Armand? Je me demande s’il ne fait pas la grève… 🙂 )
Pour la Loire, Nicolas, c’est quand tu veux. Dis moi où tu veux aller.
Anne-Laurence, je travaille très dur en ce moment, mais je te lis régulièrement