Il faut parfois, pour que la rencontre ait lieu, des intercesseurs. Le mien, ce jour-là, se nommait Michel Grisard, le vibrionnant producteur de Frèterive en Savoie, souvent évoqué sur ce blog. Quelques minutes plus tard, ce fut au tour de l’ami Etienne Montès d’apparaître et nous voilà partis pour une passionnante dégustation.
S’il désigne en japonais toutes les boissons alcoolisées, le saké dont il est question ci-dessous ne concerne que le vin de riz, titrant en général entre 15 et 16 degrés. Le saké n’est donc pas une boisson distillée mais le produit de la fermentation du riz. Toutefois, certains sakés (Honjozo-shu) comportent une addition d’alcool distillé. Au contraire d’un Junmai-shu qui, lui, est pur, sans addition d’alcool.
Quelques précisions techniques
La qualité d’un saké, outre le savoir-faire déterminant de chaque maison, est liée à la qualité de l’eau et du riz, ainsi qu’à son taux de polissage (Daiginjo). Ce dernier indique la masse du grain poli restant par rapport au noyau originel. Plus ce taux est bas, plus la qualité du saké est potentiellement élevée.
Ce polissage, en éliminant les couches extérieures du grain de riz (chargées en protéines et en graisses) va contribuer à affiner le saké. Le producteur Daishichi, par exemple, a développé sa propre technique de polissage du grain de riz, dite « ultra plate » avec, à l’arrivée, une épaisseur homogène par rapport à la surface.
La métamorphose d'un grain de riz en fonction des différents taux de polissage.
L’élaboration d’un saké comporte une double phase de fermentation. Après le processus de cuisson à la vapeur, on prépare le kôji, sorte de malt destiné à transformer l’amidon du riz en sucres. Ce kôji est un champignon ascomycète (Aspergillus flavus orizae). C’est le processus de saccharification. On crée alors un pied de cuve (shubo) en mélangeant dans une petite cuve du riz cuit, du kôji, de l’acide lactique et de l’eau et, bien sûr, la levure. Actuellement, plus de 60 % des producteurs de sakés au Japon utilisent un type de levure, appelée no 7 ou nanago qui a été isolée en 1946. Une des levures les plus fines et les plus emblématiques pour la production du saké est la no 9.
Ce processus de fermentation est long et complexe et nécessite une grande maîtrise technique. Les températures de fermentation sont basses (entre 10 et 15 degrés) et si la durée de fermentation s’étale en moyenne sur 20 à 25 jours, la fermentation de certains sakés peut durer plus de deux mois. Durant la fermentation, certaines maisons comme Sohamare (nord de Tokyo) continuent de brasser de brasser à la main le moût. C’est la méthode traditionnelle appelée ici Kimoto et qui est au saké ce que le pigeage est au vin.
Une fois la fermentation terminée, vient le pressurage et la clarification avec élimination des lies blanches (kasu). Le titre alcoométrique du saké à ce moment-là est de 18 à 20 % de volume. Il est réduit à 15-16 % degrés par adjonction d’eau. Puis vient la période de l’élevage – généralement en cuves – de 6 mois à 2 ans selon le type de saké.
Les catégories de sakés :
Futsushu : saké standard, sans aucune contrainte au niveau du taux de polissage du riz. Ce saké représente le 60 % de la production. C’est celui que vous aurez le plus de chance de rencontrer dans la plupart des restaurants.
Tokutei-meishôshu : saké de qualité supérieure avec taux de polissage, adjonction d’alcool ou non (environ 20 % de la production)
Junmai-shu : sans alcool ajouté
Honjozo-shu : avec adjonction d’alcool distillé avant la filtration
Nigorisake (« nuageux »). C’est un saké non filtré, à l’ancienne.
Namazake (« cru »). C’est un saké non pasteurisé.
Genshu : saké non réduit. Pas d’ajout d’eau à la fin de la fermentation. Il titre généralement 20 %.
Tokutei-meishôshu : saké de qualité supérieure avec taux de polissage, adjonction d’alcool ou non (environ 20 % de la production)
Junmai-shu : sans alcool ajouté
Honjozo-shu : avec adjonction d’alcool distillé avant la filtration
Nigorisake (« nuageux »). C’est un saké non filtré, à l’ancienne.
Namazake (« cru »). C’est un saké non pasteurisé.
Genshu : saké non réduit. Pas d’ajout d’eau à la fin de la fermentation. Il titre généralement 20 %.
Les Ginjo (les plus grands !)
Ginjo-shu : polissage de 40 %, fermentation lente à basse température
Dai-ginjo-shu : polissage de 50 à 75 %, brassage artisanal, additionné d’alcool.
Junmai-daiginjo-shu : c’est la Rolls Royce du saké, le sommet de l’art du brassage, de la pureté et de la complexité !
Dai-ginjo-shu : polissage de 50 à 75 %, brassage artisanal, additionné d’alcool.
Junmai-daiginjo-shu : c’est la Rolls Royce du saké, le sommet de l’art du brassage, de la pureté et de la complexité !
Quelques sakés dégustés :
• Urakasumi (est du Japon)
Cette maison, située dans la préfecture de Miyagi, tout à l’est du Japon, produit du saké depuis près de trois siècles et utilise ses propres levures de fermentation. Ses maîtres de chais sont issus de l’école des célèbres Nambu Toji.
Cette maison, située dans la préfecture de Miyagi, tout à l’est du Japon, produit du saké depuis près de trois siècles et utilise ses propres levures de fermentation. Ses maîtres de chais sont issus de l’école des célèbres Nambu Toji.
Urakasumi Ki-ippon (tokubetsu junmai) : fin et complexe, superbe saké.
• Sohomare
Cette maison fondée en 1872 est située dans la département de Tochigi au nord de Tokyo. Elle reste indéfectiblement attachée au brassage à la main.
Sohomare Daiginjo (Daignjo super-premium). Un saké de grande race, subtil et persistant avec des notes florales.
• Masumi
Cette très ancienne maison (1622) est située au bord du lac Suwa à Nagano, au cœur des Alpes japonaises. La pureté des eaux de la région contribue grandement à la qualité de ses sakés.
Masumi Nagano (yamahai-junmai daiginjo super premium) élaboré selon la méthode Kimoto légèrement modifiée (yamahai) et avec la levure no 7, ce saké qui porte le nom de « sept paradis » se révèle charpenté et long avec des notes florales très pures (mimosa). Avec un Comté ou une fricassée de champignons, ce devrait être superbe !
Masumi sanka (junmai daiginjo super premium). Sanka signifie « fleur de montagne ». Légèrement anisé, sur des notes de pêche blanche, c’est un saké d’une merveilleuse finesse.
• Rihaku
Située à l’ouest du Japon, cette maison a été baptisée du nom du poète chinois Li Po (8ème siècle) qui trouvait son inspiration dans le saké.
Rihaku Dreamy Clouds (tokubetsu junmai nigori, premium). Presque pas filtré (nigori) ce saké, vaporeux et léger comme jour de printemps, développe des arômes originaux, légèrement iodés, qui correspondent à ce que les Japonais appellent l’Umami, la cinquième saveur.
• Dassai
Fondée en 1774, cette maison est située dans la préfecture de Yamaguchi, tout à l’ouest du Japon. Elle produit des sakés d’une merveilleuse finesse.
Dassai 23 Niwari Sanbu (junmai daiginjo super-premium). 23 indique ici le taux de polissage ! Quasiment unique au monde. Un chef-d’œuvre ! Cristallin, subtil, aérien et d’une longueur incroyable. On pourrait lui associer un grand Caviar ou un bleu de Gex, suggère Toshiro Kuroda.
Dassai 50 (junmai daiginjo super-premium). Des arômes de réglisse, de poire, de fleurs blanches, une autre merveille.
Daishichi fondée en 1752, cette maison est située dans la préfecture de Fukushima au nord-est du Japon. Elle utilise la méthode Kimoto (brassage du moût) et sa technique de polissage du grain de riz est unique.
Daishichi fondée en 1752, cette maison est située dans la préfecture de Fukushima au nord-est du Japon. Elle utilise la méthode Kimoto (brassage du moût) et sa technique de polissage du grain de riz est unique.
Houreki (junmai Daiginjo, saké de goutte). Un des sommets absolus de la dégustation. Finesse et puissance idéalement alliées !
Le chef-d'oeuvre de Dassai.
Avec quoi les boire ? Idéal évidemment avec la cuisine japonaise mais pas uniquement. Le saké se prête à de nombreux accords. Avec des crustacés, dont il épouse le sillage iodé à merveille. Avec des légumes (notamment toute la famille des radis, daikon). Avec des fromages aussi.
Comment les déguster? Dans de nombreux restaurants japonais on vous demande si vous préférez boire le saké frais ou tiède. Les puristes les dégustent frais, entre 8 et 12 degrés, la meilleure façon d’apprécier la subtilité de ses arômes. L’habitude de tiédir les sakés est souvent en relation avec la volonté de masquer un saké standard, voire médiocre (Futsushu).
Riz une cinquantaine de riz différents se prêtent à la production du saké. L’un des meilleurs est le Yamada-Nishiki. Le Miyama Nishiki est également très qualitatif.
7 Comments
Merci pour ces infos, Jacques.
Peu d’expérience du saké (mais j’apprécie).
Souvenir de visites de boutiques de saké dans Kyoto, sans parler la langue (et le vendeur qui ne causait pas un mot d’anglais).
Lost in translation !
🙂
Un très grand moment de dégustation, cette "horizontale" de Saké.J’ai été très heureux de pouvoir le partager avec toi.
C’était un de mes objectifs prioritaires de Vinexpo 2011. J’avais découvert Toshiro Kuroda et Daishichi en 2007 et en 2009, je n’ai pas pu les redéguster. Christian Matray a organisé avec Olivier Poussier, une dégustation de saké à l’Albert 1er à Chamonix. La mort dans l’âme, je n’ai pas pu venir.
Et là, il a fallu que tu passes par là, au moment T. Tu as raison, il n’y a pas de hasard dans la vie, que d’opportunes rencontres.
Bonjour,
Merci pour cet article passionnant sur cette dégustation de saké qui a eu l’air pleine de belles découvertes! Je ne connais quasiment rien au saké mais j’ai une question sur une partie de votre article :
"Dans de nombreux restaurants japonais on vous demande si vous préférez boire le saké frais ou tiède. Les puristes les dégustent frais, entre 8 et 12 degrés, la meilleure façon d’apprécier la subtilité de ses arômes. L’habitude de tiédir les sakés est souvent en relation avec la volonté de masquer un saké standard, voire médiocre (Futsushu)."
Comment se fait-il que cela soit l’inverse du vin ?
Normalement, le fait de servir frais entraine une perte aromatique car le froid à tendance à bloquer la diffusion des molécules aromatiques. Cela m’étonne donc d’apprendre que le fait de servir tiède permet de masquer un saké standard alors que pour le vin c’est en général le fait de servir un vin très froid qui permet de servir des vins aromatiquement peu intéressants.
Je ne sais pas si vous allez pouvoir répondre à cette question mais dans tout les cas merci pour cet article.
Bien cdt
Excellente question David ! Sans faire appel à un joker, je répondrais ceci de prime abord. Plus un saké est de grande origine, plus il va dévoiler, en se réchauffant progressivement, des notes aromatiques à la fois subtiles et complexes. Il ne faut pas se priver de ce nez et il vaut mieux servir donc le saké un peu frais. A température plus élevée, on risque d’être sur des perceptions plus alcooleuses car le saké est plus riche en alcool que le vin.
Très bien, merci beaucoup pour cette réponse!
Je pense que le fait que les perceptions alcooleuses du saké peuvent être augmenté à plus haute température est une bonne explication possible.
A bientôt
Avis aux amateurs,
il reste encore quelques places pour le cours Sakés qui aura le jeudi 6 octobre prochain, ici à Gland.
Nous aurons le plaisir d’accueillir Monsieur Toshiro Kuroda en personne afin de proposer une dégustation exceptionnelle.
Il nous fera découvrir les arcanes du vin de riz, avec ses subtilités, ses styles, ses grands crus.
Au programme :
* Seiryu, Tatenogawa
* Ikko, Dewasakura
* Masakura, Daishichi
* Nanago, Masumi
* Ryu, Kokuryu
* Dassai 23, Asahi shuzo
* Kanochi, Banjo
* Satonohomare Kurogin, Sudo Honke
* Tsuyuba Kaze, Yucho
* All Koji 2004, Nambu Bijin
Pour en savoir plus et s’inscrire : http://www.cavesa.ch/news/cours-...
Une soirée qui permettra d’ouvrir nos horizons de "dégustateurs de vins", et de découvrir un monde multiple et fascinant !
Petit problème de lien, voici le bon, sans erreur :
http://www.cavesa.ch/news/cours-...
Merci.