Tarte fine aux poireaux, saucisse de Montbéliard
Arbois Poulsard « M » 2011 & Arbois Trousseau « Les Bérangères » 2011
Une belle surprise que ce « M » (pour Montigny, le domaine possédant une autre parcelle sur Arbois) 2011, car millésime gourmand aidant, Jacques Puffeney a décidé de cuver moins longuement ses raisins afin de produit un poulsard plus tendre et immédiat qu’à l’accoutumée. La robe orangée aux reflets mordorés est un régal pour les yeux. Les arômes d’abricot, de kirsch et de framboise sont un ravissement. Et la bouche, souple et riche en saveurs, est renversante de plaisir ! Le Trousseau les Bérangères est quant à lui moins en fruit et plus en épices, moins ouvert également à ce stade. Il confirme son statut de rouge de garde, mais sa structure a fait merveille sur la Montbéliard délicatement tranchée et juste tempérée. Bel accord de terroir.
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Le Poulet au Vin jaune, morilles
Arbois Vin Jaune 2006 & 1998
En fin d’élevage mais pas encore mis en bouteille, l’Arbois Vin Jaune 2006 étonne par sa grande finesse et son raffinement de saveur, dans un millésime plutôt réputé pour son opulence et parfois sa lourdeur. Sa trame est directe et précise, et ses arômes de livèche éveillent parfaitement les sens pour entrer en matière avec le plat. On monte encore d’un cran en plaisir pur avec le 1998, plus trouble mais aussi logiquement plus prêt que le 2006. Les rides du temps lui vont à merveille. Et son volume de bouche joue une partition de générosité qui résonne à merveille avec la succulente crème au vin jaune et morilles. Le silence se fait dans la salle, les gourmets sont concentrés, un ange passe.
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Les fromages du Pays : Petit St-Point, Morbier, Comté fruité, Vieux Comté (36 mois)
Arbois Vin Jaune 1995 & Arbois Vin Jaune « cuvée Delphine » 1989
Deux « opposés » pour finir la série des Jaunes, sur les fromages jurassiens, comme il se doit : un 1995 qui n’a pas fait sa malo (« ça n’arrive qu’une fois tous les 50 ans, on ne sait pas pourquoi ! » nous dit Jacques Puffeney), tranchant, plus à l’aise sur les comtés que sur le méconnu Petit St-Point ou le Morbier ; et une rare « cuvée Delphine » 1989, vendangée en légère surmaturité, d’une opulence qui rappelait presque certains vieux chardonnays bourguignons d’années de soleil. Un grand vin donc, généreux mais harmonieux, à la finale explosive. Peut-être la bouteille de la soirée. D’aucuns l’ont élue comme telle !
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Pain d’épices au gingembre confit, sorbet à l’orange sanguine de Sicile
L’idée de cette association était d’aller chercher dans la palette agrumes/épices des accointances, et s’il est toujours difficile d’accorder un vin à un dessert (la périlleuse confrontation des sucres et des acides !), gageons que l’association avec le pain d’épices au gingembre était des plus craquantes. Le « Paille » dispensait des senteurs archétypiques de moka, de datte et d’orangette. La bouche offrait une belle liqueur et un équilibre souverain, avec une richesse que l’on ne connaît pas aux vins du millésime, mais le passerillage n’y est sans doute pas étranger. Ajoutons enfin qu’il n’est produit que très rarement par le domaine : 1400 ½ bouteilles ont été mises en 2008, dernier millésime fait ici.
Quelques morceaux choisis pour finir, entendus ce soir là dans la bouche de Jacques Puffeney, homme à la voix douce mais rare, qui vient de fêter sa cinquantième vinification !
« Au début en 67, c’était dur, je ne pouvais pas vivre uniquement de la viticulture. Alors à côté, je faisais du contrôle laitier pour les fruitières, j’ai aussi été saleur de Comtés… »
« On ne le sait pas mais à Arbois, vignoble d’environ 1000 hectares, il se fait plus de rouge que de blanc ! Et d’ailleurs à l’export, on a plus de demande sur les rouges que sur les blancs… »
« Chez nous la cave est au grenier, afin d’exposer au maximum les jaunes à l’effet de saisons… on peut donc dire qu’on monte à la cave ! »
« Je n’ai jamais levuré un vin de ma carrière… je n’ai jamais fait ça et je ne sais pas le faire… »
« Je dis toujours, pour faire du Vin jaune, il faut être marié. C’est la meilleure école de patience… »
Un grand merci à Annick Jeanmairet qui nous a régalés avec sa cuisine gouteuse et très juste, montrant qu’il est possible de maîtriser la cuisine méditerranéenne mais également d’interpréter à la perfection les grands classiques jurassiens, une région dont elle raffole. Sa nouvelle émission à ne manquer sous aucun prétexte : Pique-assiette invite les chefs, les samedi à 18:45 sur RTS 1
Les partenaires de la soirée :
– Fromagerie Michelin, un des tous meilleurs affineurs français
– Et l’artiste de la vraie glace artisanale à Genève, Manu, il gelato italiano
4 Comments
Gourmand …
Le dernier vin de Puffeney que j’ai croisé était le vin jaune 1990 (12 ans de voile) : grand !
Le 1988 (17 ans de voile) est un monument, capable de parfumer toute une pièce !
Valery Afanassiev, Notes de pianiste
c’est exactement comme les dégustations de Reignac!!!!!, hallucinant, vous êtes un sage!
J’abonde à propos d’Annick Jeanmairet : sa nouvelle émission à suivre toutes affaires cessantes :
Pique-assiette invite les chefs, les samedi à 18:45 sur RTS 1
J’ai eu l’occasion de la féliciter à l’issue de la 1ère émission. Les 2 suivantes ont été mémorables et il m’apparaît qu’ils doivent bien se "marrer" en la préparant !
Bel article sur une soirée qui a dû être bien exceptionnelle. Je suis vraiment intrigué des 2 jaunes très spéciaux, l’un sans malo, l’autre en légère surmaturité… Ils doivent certainement être d’un intérêt énorme en association avec de la cuisine.
Et comme d’autres, je plussoie concernant Annick, qui rend la cuisine fun et alléchante!