La terre ne vous porte plus. Vous vous êtes envolée, il y a deux semaines. Si grande avec vos jambes de 104 cm que vous auriez pu toucher le ciel.
Quand vous glissiez sous les sunlights, lui, le chanteur des Stones, paraissait minuscule à côté de vous. On aurait dit un ludion aspiré par votre élégant sillage. Il vous remerciait en riant de ne pas vous jucher sur d’aériens escarpins. Il jouait avec vous, comme il l’avait fait avec des centaines d’autres. Une pierre qui roule n’est jamais stable, c’est la volonté de la gravitation universelle.
La vie n’est ni un jeu ni une chanson. Votre naissance est placée sous le signe du hasard, cet astre indécis. Ce dernier vous a choisi des parents adoptifs dans la communauté des mormons. Des soirées entières en famille dans cette petite ville de l’Utah, à attendre le retour du Christ sur terre.
Vous avez grandi très vite. Sans doute pour échapper à la lenteur de cette enfance. À douze ans, vous mesurez déjà 1.80 m. Rien ne vous allait. Vous avez commencé à rêver votre vie en couleurs et à créer vos vêtements. Presque les mêmes que ceux qui habilleront plus tard les Madonna, Nicole Kidmann, ou Michelle Obama.
À dix-huit ans, vous êtes une chrysalide en orbite. Vous changez de vie, de nom, de destin. L’Wren Scott est née. Icône de la mode, à la beauté énigmatique. Étoile distante, arrivée d’une autre constellation. Avec dans le regard, la trace d’une fêlure silencieuse.
Il y a treize ans, vous croisez la route d’un météore qui n’en finit pas de tourner autour du monde, Mick Jagger. La foudre a parlé. L’amour n’a pas de lieu et sa durée est aléatoire. De défilés de mode en concerts, de soirées glamour en « premières », à Paris, à Londres, à Los Angeles, à New York, vous exposez votre amour planétaire. Avec ce contraste quand vous apparaissez les deux : vous, lisse, énigmatique, architecturale et frémissante, le feu sous la cendre ; lui, vibrionnant, extraverti, paillettes et rock’n’roll… Malgré le succès, vous crouliez, dit-on, sous les dettes. Meurt-on d’être si proche d’un milliardaire qui d’un geste les eût effacées ?
Le chanteur reparti en tournée, vous êtes restée seule cette nuit-là à parcourir le désert de votre vie, à soupeser le vide qui s’ouvrait, à rêver encore d’une famille. Au matin, vous avez envoyé un texto à votre assistante. Puis vous avez accroché votre vie à cette porte de votre appartement de la 11e avenue à Manhattan.
« Son bonheur riait dans son âme. Mais c’était tout tromperie. Ça n’a pas fait long rire » (Michaux).
Article paru dans 24 Heures, édition du samedi-dimanche 29-30 mars
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