C’est la récréation. L’attente forcée. L’ennui imposé. Ma voisine a lu une demi page de Femmes en colère, puis s’en est allée boulotter un Ciabatta à n’importe quoi… Une petite fille pleure de fatigue. T’arrêtes ! sinon je vais t’en coller une ! Elle continue… La main de la mère a fendu les airs à la vitesse d’un supersonique traversant le triangle des Bermudes. La petite fille pleure maintenant, de rage, la joue rougie… Ses tresses, tétanisées, semblent être en orbite autour de sa tête mignonne, touchées par l’éclair de le l'excès de sollicitude maternelle…
A part ça ? Le bruit des machines, celui de l’eau qui tombe sur le toit vitré : tout est calme, je vous l’ai dit. On finit par s’habituer à tout. Une affiche pimpante propose un jeu nouveau : Souriez, c’est l’été ! Je souris, donc. C’est maintenant l’heure du concert. Je suis au premier rang. En face de moi, crépitent les claviers. J’assiste à ce miracle, la naissance d’une nouvelle génération de pianistes, mono ou bi-doigts. Concerto pour SMS, pouce et index. Pas difficile d’imaginer les contenus: T’as vu le prix de l’Evangile ? Non, mais c’est n’importe quoi ! Si ça continue, on va aussi leur en coller une à ces malandrins, ces sans foi ni loi, ces empapahouteurs ! – Encore bloqué à Bordeaux. C’est la dernière fois que je low coste. Ne m’attends pas ce soir… Je t'aime !
Je me replonge dans Kundera : « J’ai une seule question à vous poser : dans cette prochaine vie, voulez-vous rester ensemble ou ne plus vous rencontrer ? »
La ritournelle reprend : Vol 1772, les passagers à destination de Genève sont priés d’embarquer…
Easyjet utilise une stricte procédure d’embarquement. Les premiers à embarquer sont les passagers de la carte Easyjetplus et ceux qui ont payé pour l’Easyboarding. Si vous avez un bagage supplémentaire, une pénalité vous sera infligée au moment de l’embarquement…
Easyjet utilise une stricte procédure d’embarquement. Les premiers à embarquer sont les passagers de la carte Easyjetplus et ceux qui ont payé pour l’Easyboarding. Si vous avez un bagage supplémentaire, une pénalité vous sera infligée au moment de l’embarquement…
"Ces petits millésimes, ils ne savent pas quoi faire pour se faire aimer… Ils vous donnent tout. C'est comme les animaux abandonnés qu'on recueille…"
Dans l’avion, je suis assis à côté d’une lumineuse dame, presque une jeune fille. Elle fait du vin dans le Médoc (et se reconnaîtra..). Elle ne spécule pas. Au fond de son regard vibre une très belle flamme de vie, une énergie, une intensité particulières. Je le lui dis… Son sourire, à ce moment-là, illumine la scène ! Nous aurions pu parler du prix des Primeurs. La conversation vagabonde. Nous parlons de la part d’ombre de Tokyo, de l’Immortalité de Kundera, de la joie contagieuse, de la biodynamie et du propriétaire de Bel-Air Marquis d’Aligre. Le cher vieux saltimbanque auquel je viens de rendre visite, sous le crachin médocain. Merveilleux Jean-Pierre Boyer avec qui nous avons passé la matinée ! Cet homme-orchestre (« Je ne joue pas très bien d’aucun instrument mais je me débrouille sur chacun ! ») est un océan de paroles, de tendresse et de gestes théâtraux. Il déborde, littéralement, de mots. Il parle par circonvolutions, par vagues successives, enveloppantes, qu’il ponctue d’invariables « Qu’est-ce que vous en pensez ? », tandis que l’imposant et placide Armand Borlant le mitraille sous tous les angles, pour en saisir l’essence invisible.
Aujourd’hui, Bel-Air Marquis d’Aligre est un domaine mythique, dont la notoriété s’est arrêtée au cercle très étroit des vrais amateurs. Et tant pis pour ceux qui, péremptoires, ergotent sur les densités erratiques de plantation des vignes de M. Boyer et la charge importante par pied. Sûr qu’ils n’ont pas goûté souvent son vin !
Je voulais absolument faire connaître à l’ondine de Rouge, Blanc, Bulles cet être singulier, cet homme vrai et passionné qu’est Jean-Pierre Boyer. Je crois qu’elle a adoré !
Nous avons goûté, dans la cave sombre et mystérieuse, le 2006 (pas encore en bouteille) et le 2009. Ce dernier est le soixantième millésime vinifié par M. Boyer :
– Méfiez-vous du charme de la jeunesse, Jacques, c’est envoûtant ! Nous ne voyons hélas jamais les deux chambres en même temps, celle de la jeunesse et celle du vieillissement, le moment où apparaît l'ADN du terroir…
Puis, après un court silence, il ajoute :
– Déjà mon soixantième millésime ! C'est fou comme le temps passe vite : sans passion, notre vie serait incomplète, mais la passion nous enlève aussi quelque chose : avec elle, vous ne voyez pas le temps passer…
Photos Armand Borlant
Le livre Milan Kundera, L'immortalité
La musique pour célébrer cet instant l'adagio du quintette à cordes en do majeur de Schubert
12 Comments
BAMA c’est grand, totalement à part (hors monde) et cela demande à vieillir.
Aujourd’hui les 70, 61, 59, 47 sont magnifiques (le 47, immense, noté 19,5/20 par 6 dégustateurs).
Nous préparons une nouvelle verticale avec M. Boyer à Arcins !
Sur des millésimes moins reconnus.
L’ondine est charmante (et talentueuse) …
Sur cette photo, elle me rappelle un peu la délicate Charlotte Gainsbourg (en mode sourire).
J’en profite pour lui transmettre mon amitié (à Anne-Laurence, pas à Charlotte) !!!
🙂
Je voulais dire "hors mode", mais "hors monde" va bien aussi …
Jean-Claude Duss, sort de ce corps…
🙂
Le père Boyer est mythique, il me fait penser à Carmet, du temps des grandes heures.
Hors mode, hors monde, hors du temps aussi… Un grand moment… Merci Jacques!
Ah Dieu que j’aime les deux dernières photos de cette série!
Armand Borlant, beau boulot.
Jacques, pour l’adagio du quintette, faudra que tu me fasses penser à te faire passer une version que j’ai et qui devrait te donner la chair de poule!
De qui est cette interprétation, Thomas ? Je suis impatient de la connaître…
Sans doute du Weller quintet.
Et ils se goûtaient comment, plus précisément, ces 2 (trop jeunes) vins ?
Qu’est-il prévu pour la suite du domaine, Jacques ?
Et quid de l’évolution du style ?
Superbe 2009, Laurent : rendez-vous dans 4 ou 5 ans, donc. Pour le voir en bouteille… Le 2006, je l’avais déjà goûté il y a deux ans. Très bon. J’espère que M. Boyer le mettra bientôt en bouteille. En ce qui concerne la suite du domaine, je n’en sais rien, JPB n’ayant pas d’héritier direct, si ce n’est un neveu… Quant à l’évolution du style, c’est la boule de cristal !
http://www.youtube.com/watch?v=S...
Le compte-rendu complet, en photos (mais sans le retour de M. Boyer, qui l’a pourtant lu avec intérêt), est ici :
http://www.invinoveritastoulouse...
Encore un excellent BAMA 2000 hier soir, complexe, sapide, très fin (mais sans défaillance en puissance, bien mûr (mais sans lourdeur), persistant.
Un vin qui fait plaisir !