J’ai donc déposé là-haut mon léger bagage de baroudeur des tables, ce week-end, pour venir découvrir les récentes créations d’Emmanuel Renaut. M.O.F., ancien chef de Marc Veyrat, Emmanuel est arrivé à Megève, il y a une douzaine d’années, son restaurant historique, situé au centre de Megève, existe d’ailleurs toujours. Il est devenu le Flocon Village et propose une cuisine plus accessible, sur les principes qui, je crois, permettent de caractériser la cuisine d’Emmanuel Renaut : équilibre, originalité et respect des produits.
Quelques amuse-bouches dont la Guimauve au Parmesan, la tartelette radis à la farine de riz noir, le biscuit de Savoie à la féra…
J’étais, je l’avoue, impatient de voir comment le joyau s’était transformé, ce qui était sorti de cette chrysalide bucolique.
On découvre une carte courte aux intitulés alertes et deux propositions : une Promenade du sel au sucre (70 E) et la Randonnée au Leutaz (130 E) du nom du lieu-dit où se situe le nouveau Flocon de sel. J’hésite toujours à laisser carte blanche au chef. Ça débouche parfois sur d’étranges quiproquos : de toute façon, je préfère trois plats bien pensés et maîtrisés à une inutile litanie, pompeusement nommée « menu dégustation. » Comme si vous lisiez Ulysse de Joyce en abrégé !
On découvre une carte courte aux intitulés alertes et deux propositions : une Promenade du sel au sucre (70 E) et la Randonnée au Leutaz (130 E) du nom du lieu-dit où se situe le nouveau Flocon de sel. J’hésite toujours à laisser carte blanche au chef. Ça débouche parfois sur d’étranges quiproquos : de toute façon, je préfère trois plats bien pensés et maîtrisés à une inutile litanie, pompeusement nommée « menu dégustation. » Comme si vous lisiez Ulysse de Joyce en abrégé !
Emmanuel Renaut, à gauche, concentré…
Mais le temps était favorable, les derniers parapentistes, suspendus dans les airs, n’étaient pas près d’atterrir, la lumière, chantournée, explorait les forêts alentours comme s’il s’agissait de la première fois. Dans ces moments-là, c’est comme ça, vous avez beau être cartésien, ignare des lois secrètes qui président à l’organisation de nos vies, l’idée de perfection fait tout à coup irruption dans le paysage : vous ne l’attendiez pas vraiment… Et vous voilà parti sur des chemins pas plus compliqués que ça, des célébrations du goût, des partages fédérateurs.
Dans tout ce qui va suivre, une évidence, un fil rouge, un style affirmé, unique, celui d’Emmanuel Renaut : précis, harmonieux dans la façon de fixer les saveurs, mesuré dans ses audaces, infiniment respectueux du produit (la grande partie provient de la région proche). Une cuisine enjouée, immédiatement lisible, très sapide, ancrée dans le terroir. Une recherche qualitative qui va dans les moindres détails. Ainsi, chaque jour le pain est fait "maison". Après de longues recherches avec Alex Croquet, boulanger génial situé 56, rue Faidherbe à Wattignies (si vous passez par là…), Emmanuel Renaut a mis au point le sien, craquant, chantant, savoureux comme un vrai bonheur de pain !
Et, comme la carte des vins sait rendre hommage aux vins de Savoie, on est sûr d’y faire de très belles découvertes. On y trouve notamment quelques millésimes plus anciens de Michel Grisard et de Louis Magnin.
J’ai eu un faible pour le Chignin-Bergeron 2008 de Gilles Berlioz dont la tension, le caractère cristallin et pur ont fait merveille sur une partie des plats. Que dire sinon que les accords étaient parfaits, verticaux ! Avec le ris de veau et le pigeon, la Mondeuse Arbin 2007 de Louis Magnin, n'y est pas allée par quatre chemins : une vrai travail de fond, une constellation aromatique, dynamisante et savoureuse !
Tomates, rose de Berne et cœur de bœuf, tagète pamplemousse estragon, eau glacée, jus de pépins.
Millefeuille de légumes « sans pâte » et herbes du jardin.
Girolles juste saisies légèrement vinaigrées, gelée de mélisse, ciboulette, pourpier poudre : tout simplement sublime !
Photo tirée du livre d'Emmanuel Renaut et Isabelle Hintzy, la Montagne et le cuisinier.
La féra du lac, mousseline de céleri aux herbes de la montagne, quinoa câpres-menthe-citron.
Deux millimètres de polenta, cèpes et jus de volaille au genièvre. Voir la video ci-dessus !
Pomme de ris de veau dorée, jus réduit rue Angustura, trait de polenta
Pigeon Miéral rôti en cocotte, jus geniève myrtille, Parmentier à la tomme.
Tarte au chocolat fumé, meringue glacé au bois.
Un dessert vraiment ébouriffant, comme je les aime, violent, contrasté !
L’adresse Flocons de Sel, route du Leutaz – Megève t. 0033 4 50 21 49 99
15 Comments
Quel talent de dénicheur ! merci Grand Jacques !
François,
Emmanuel Renaud est une valeur sûre de la gastronomie: 2* au Michelin, "Relais et châteaux"…un passionné de cueillette et de montagne. Il fait son jardin de plantes aromatiques. Les plantes sauvages et les champignons, il connait. Il a été à bonne école, mais surtout il aime. Il possède une extraordinaire collection de vieilles Chartreuse et de Taragone.
C’est étonnant, Jacques, que tu ne te sois pas laissé séduire par ses merveilleux digestifs.
Si, Michel, on a goûté, une Jaune de Tarragone et une Verte de Voirons 1997 ! Une expérience magique, en fin de soirée, quand tout est apaisé, et que s’ouvrent les portes de la nuit !
Michel, avez-vous des nouvelles de Pascal depuis ce matin ?
Non.
Pourquoi?
Qu’a-t-il fait?
François va falloir réviser Rhône-Alpes, ça fait un moment qu’Emmanuel Renaud est dans le radar !
C’est pas tout de partir en Italie à tout bout de champ (je te comprends quand même), mais il faut tenir le feu sous la marmite ici aussi.
ps : goûté à Turin (et ramené dans les bagages) de l’olio exceptionnelle. Va falloir que je fasse taster ces qq flacons fissa au maestro …
Paul,
Ah, l’Italie et ses produits!!!
Je vous comprends aussi et je ne suis pas le seul.
En Rhone Alpes, la VEP des pères chartreux est un des plus grands digestifs qui existe au monde.
François, quand un GJE sur les digestifs?
On ne parle que de ces nectars, en terme d’alcool fort, alors que ce sont, d’abord, des EAUX DE VIE…
Et dans les "eaux de vie" quand on a enlevé Cognac, Wisky et vodka à l’est, il ne reste pas grand’chose pour la grande consommation.
Et…et…et…50kg de patates,un sac de sciure de bois,il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l’alambic,un vrai magicien ce Jo!
Oui Michel. On se gausse d’une exception culturelle-culinaire française … mais on a du chemin à (re)faire concernant la mise en valeur du produit.
On est ici à mille lieux de l’attachement des Italiens à leurs produits locaux et traditionnels. Fi de la tradition française de ne jurer que par le haut du panier on n’y met pas en avant que les hauts prix des (auto-proclamés) meilleurs et leur transformation par de grands chefs. On y sait encore faire et choisir de bonnes tomates, de bonnes huiles, de bons plats simples de partout. C’est rageant de se dire que beaucoup de cela à été perdu de notre côté des Alpes.
Et je peux vous dire que celui qui vend de mauvaises tomates ou cuisine une indigne pasta ne fait pas long feu. Il le sait fissa, et soit change soit disparaît du radar. A Lyon, des restaurants idiots naissent – et perdurent – chaque jour, proposant ce que l’on ne peut même pas qualifier de cuisine, et pourtant on s’y presse. Que dire …
"quand on a enlevé Cognac, Wisky et vodka à l’est, il ne reste pas grand’chose pour la grande consommation."
Il nous reste tout de même quelques belles "Coeur de Chauffe"… 🙂
Mr Grisard, vous me faîtes un grand plaisir en évoquant ce passe-temps, idiotement passé de mode, le digestif.
Je signale néanmoins quelques distillateurs et liquoristes de grands talents en Alsace.
Effectivement, il y a encore des grands distillateurs et liquoristes en France, mais aussi en Suisse et en Italie (j’en connais quelques uns), mais les pauvres en parts de marché, il ne représentent plus grand’ chose.
Je suis sûr que le vent tournera quand la phobie des "anti-alcool" se calmera. Elle se calmera quand les lobbies vins et alcools sauront garder raison.
On ne pourra pas empêcher les malades de l’alcool de boire, par la répression et en créant des lois.
On apprend la vie aux enfants par l’éducation. Le bien boire fait partie de la vie…
Pascal,
Je ne suis pas sûr qu’avec 50 kg de patates et une alambic, on puisse vraiment aider au bien boire!?!?
Michel,
C’est une des fameuses répliques de la scène de la cuisine dans les Tontons Flingueurs.
Tu as raison,une bonne partie se passe dans l’éducation du goût,le bien boire et le bien manger.
Salutations gourmandes
C’était pour décimer un régiment de chars !
Sois à ce qu’on’t dit !
J’ai plus ma tête…