Pour le moment, nous nous dirigeons à peaux de phoque vers l’Antronapass, au fond de ce plateau d’altitude que traversent à vive allure des vents coulis surgis de l’autre côté de la frontière, de l’Italie. Le brouillard bouche déjà le fond de la vallée. La neige est rare, soufflée. « Un vrai désert d’altitude, que des cailloux, du vent, du froid et du silence ! » s’étonne sieur Cornulus, Stéphane Reynard himself, terroiriste valaisan, avec son cousin Dany Varone, entre Corbassières, la Follie et Mangold.
Sieur Cornulus, malgré la morsure du vent et les pièges glacés, survole le débat. Il entame avec résolution la descente d’un petit couloir verglacé (voir vidéo) puis dévale l’enchevêtrement d’une forêt – où je ne compterai plus mes gadins – juste après cette sobre déclaration liminaire : » Bon, c’est le moment d’attaquer, oups, droit dans la pente ! »
Je regarde l’immense cascade de glace du Meiggersgrabe, juste en face, et me dis qu’il y a peu j’étais plus à l’aise, là, crampons aux pieds, au-dessus de 300 mètres de vide, que chaussé de lattes crapahutant parmi le manteau blanc d’une forêt piégeuse.
Comme dirait Botul Henri Lévy, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures ! Retour donc sur Saas Fee pour se sustenter et reprendre des forces.
Les lecteurs de Mille Plateaux savent que j’ai un petit faible pour le Fletschhorn. C’est le nom d’un sommet que j’ai gravi mais, surtout, c’est devenu celui d’un restaurant au caractère unique, qui mérite un large détour. Je rêve de ceci, d’un guide complètement subjectif et frondeur où seraient répertoriés les 50 restaurants les plus originaux de la planète, ceux qui associent avec un bonheur particulier les critères suivants :
• qualité de la cuisine
• beauté du site
• profusion de la cave
• sens de l’accueil
A coup sûr, le Fletschhorn devrait y figurer !
JO et descente obligent, nous prenons l’apéritif avec un Riesling Smaragd 2008 Ried Schütt Dünsteiner de Knoll aux amers fringants et à la vivacité joyeuse. Didier Defago trace des courbes parfaites, Stéphane Reynard commente sa descente avec un œil d’expert et je me désaltère à cette source minérale. Les Valaisans exultent. Désormais il y aura peut-être une « suite Défago » au Fletschhorn. On verra donc si suite dans les idées, il y a…
Il est temps de passer aux choses sérieuses, de fêter l’événement comme il se doit ! Markus Neff a prévu de belles réjouissances. Après une mise en appétit – mais nous l’étions déjà, affamés… – constitué par une Praline de veau (tête de veau), céleri et un consommé gingembre et chili, voici le Mesclun de salade hivernale aux truffes noires du Périgord qui pourrait se contenter de la présence d’une huile d’olive de grande origine. Au chapitre des vins, le fil rouge sera le Cornalin. Un 2004 de Romain Papilloud, frais, ciselé, épanoui, révèle tout son potentiel sur cette première entrée.
La Vapeur de queue de homard en bisque revisité au marc de gewürztraminer du Valais, ample, au fumet entêtant, déroule ses saveurs comme un arpège.
Avec les Ravioles de veau et son ris glacé, sauté de perles des bois, Jérôme Hintermann, le sommelier volubile nous fait découvrir un Cornalin 2006, La Bachole de Jacques Remondeulaz. Un vin consensuel, glissant, lisse qui, c’était couru d’avance, n’arrachera pas des larmes de bonheur aux aficionados du cornalin qui siègent à cette table. On rappelle ici que le Cornalin 2004 Coeur de Clos des Corbassières avait valu au célèbre duo le prix de vigneron de l'année 2007 au Grand Tasting !
Si vous suivez mes conseils et vous rendez dare-dare au Fletschhon, ne manquez pas ce plat sublime : la Fine poularde cuite en croûte de sel, mousseline légère au serpolet. C’est du tout grand art. La cuisson magnifie la volaille de Gruyère et le jus de volaille au thym, monté au beurre, inoubliable.
Sur ce plat, le vin, choisi par le sommelier, déploie ses fastes quasi orientaux. Un très beau jus. assurément, élevé avec luxe. Il s’agit du Cornalin Champmarais 2005, de Jean-René Germanier et Gilles Besse.
Décidément, toujours aussi éblouissant ce Fletschhorn…
tel. +41 (0) 27 9572131 – fax +41 (0) 27 9572187,
info@fletschhorn.ch
www.fletschhorn.ch
47 Comments
Bon, quand est ce que tu nous organises, comme au Jura, quelques journées de réflexion là-haut ?
J’ai d’ardents postulants…
On va mettre ça sur pied mais ce sera comme aux JO, il faudra peut-être organiser des qualifications : accoutumance à l’altitude, au froid, maniement du piolet et du couteau à découper, capacité à distinguer un cornalin du dr Bonobo d’un cornalin de Claudy Clavien, tenue sur chemins verglacés en toutes circonstances, amour de la cuisine "canaille" autant que des sommets gastronomiques, 600 m de dénivelé à l’heure sur pente moyenne, énumération de tous les 4000 qui entourent Saas Fee et, finalement, concours de "bras de fer" avec Markus Neff, le chef de cuisine. Tu as toutes tes chances, François, mais keep on training !
Ça srait-y pas que tu m’lances un défi ?
Bon : il y a une benne pour y monter ou un vieux Pitzgrauer ?
Un percheron perdu ?
Des porteurs en costard Louis XIV ?
C’est que tu me laisserais mourir au bord du chemin, canaillou !
Jacques,
Faut vraiment être dans les montagnes suisses pour associer peaux de phoque, gastronomie et vin.
Dans les Pyrénées, j’ai plutôt carburé à l’eau fraîche et au Bolino (en dormant sur des planches en bois).
Il y a quelques années encore, on ne pouvait accéder à Saas-Fee qu’à dos de mulet ou en chaise à porteurs : François, je te verrais bien dans ce glorieux équipage (plutôt la seconde option !) Heureusement, depuis, ça s’est arrangé et un Ratrac vaut mieux que le Pilzgrauer maussien…
Laurent : l’endroit est vraiment unique pour cela. Comme tu le soulignes, on peut effectivement associer toutes ces activités dans un décor superbe.
Les "JO" organisé par M. Jacques blogeur ne vont évidemment jamais se passer comme décrites ci-haut vu qu’il n’y aura pas de qualificants valables… – "aber schliesslich geht Denken durch den Kopf" – belle idée, Jacques, tu me prénotes déjà pour les éliminatoires!
Bendicht, aucun problème, on te garde une place au chaud !
Pour les 50,que chacun en donne 1 et tu l’auras ton guide planétaire des plus belles tables.Je me lance, BRAS à Laguiole
J’en ai encore dans ma musette,mais je ne vais pas empiéter l’espace alors place aux suggestions….
Dal Pescatore sera mon choix
L’Astrance
Sans rapport : Jean-Marc Roulot sur les planches (et le dernier film de Nossiter) : http://www.liberation.fr/theatre...
Messieurs,
Selon les critères de Maitre Jacques,il me semble que vos tables ne répondent qu’à 3 critères sur 4.Il me semble que la beauté du site n’en fasse pas partie.Le Maitre a le droit de se montrer sévère car il ne compte dans son guide que 50 tables planétaire.Il faut répondre aux 4 critères,réessayez Messieurs réessayez!
Pascal,
Un belle petite mezzaninne colorée (le métro, la Seine, la maison de la radio -invisibles) vs le lac et la chaîne des Aravis ?
J’adore le plateau de l’Aubrac pas très loin de chez moi.
Non non non Laurent,je peux comprendre ton attachement à une si belle adresse,et qu’on puisse l’espace d’un repas,laisser vagabonder son esprit,mais rue Beethoven,point de site mirifique.Ne désespère pas tu n’es pas limité dans le nombre de tes tentatives.
Essaies encore!
http://www.domainerochevilaine.c...
Le maillon faible…:-)
Bon, j’avais zappé un critère, quand bien même le Pescatore, pas très loin de Riunite ni de Mantova, a un environnement verdien qui sublime une campagne dans son jus du XIXème.
On acceptera Guérard ? Trop business, sans doute.
Je dirai bien La Ciau, mais à part le Grand Jacques et bibi, qui aime à ce point les restaurants simples ?
Dans le luxe, j’aime assez la superbe vue sur Rome depuis La Pergola de Heinz Beck. Si celui là n’est pas dans la liste, je quitte !
La Ciau sera le mien … Incontournable dans le "50’s guide" ! Un panorama inégalable pur les amoureux du Piémont, et quelle cave !
Si la session en gestation comporte une partie "cuisine autarcique" au Fletschhorn, comme celle du Jura, je pose une réclamation si je n’en suis.
🙂
J’adore ce lieu hors du temps pour y être allé et avoir usé force surfs et force couverts l’hiver dernier … et on a déjà parlé d’un repas à 4 mains Jacques.
😉
Armand,
je t’assure que j’y ai pourtant passé de grans moment de gastronomie, d’oenophilie (des vins absolument merveilleux), de rencontres …
Et la mer qui brille …
Si belle !
Sieur Mauss,
La Pergola pour le site oui évidemment,pour le miam éventuellement,la carte des vins ne m’a pas laissé un souvenir impérissable et l’accueil,pour moi c’est recalé!
Rochevilaine pour le site,mais pour le reste?
Guérard?ça c’était bien du temps du Mexicain,mais maintenant.Trop sucré au miel depuis trop longtemps,quand j’y suis allé ça s’est mal passé,je suis peut-être un timide,mais là il m’a entendu,et je peux vous dire que ça a du lui faire drôle des commentaires bien sentis et en face de surcroit.
Laurentg,
Comme dirait Gabin:t’extasies-pas devant la mer,elle a toujours été là !
Monsieur Henry
Comme quoi, il est extrêmement délicat de recommander un restaurant.
Si vous avez eu une mauvaise expérience à La Pergola, je peux vous citer une vingtaine d’amis + le GJE qui y sont allés avec une impression de haute volée.
Mais je suis d’accord : il y a des jours sans et des jours avec.
Délicats, ces choix, délicats.
Pascal,
Comme dit Fernand Reynaud, il arrive nonobstant qu’elle soit démontée. 🙂
Je l’adore aussi au coquillage de Roellinger : la baie du Mont St-Michel est d’une beauté à couper le souffle.
J’y retournerai bientôt !
Pour la liste je verrai bien y ajouter le nouvel opus Marcon, ainsi placé en lévitation au-dessus des monts, on touche à une sorte de joyeuse perfection.
Mais bon, peut être est-ce trop
"Bras looks like" pour certains.
Et si je devais en donner un autre, c’est le retour de Baumanière, car depuis que Mr Wahid est bien installé, on atteint à nouveau les sommets.
Quand à la vue et l’ambiance "Val d’Enfer" et la cave à mourrir débout….difficile de trouver mieux en ce bas monde.
Même le "sens de l’acceuil" qui me faisait peur m’a réjouis ce soir là…y a plus que les prix qui font grincer les gencives.
Antoine,
Voulez-vous dire blanc bonnet (le froid) et bonnet blanc ?
Mon choix se porte sur Can Roca a Girone.
En effet Laurentg, je parlais de ce bout du monde là. Pourquoi, on n’est pas bien là haut ?
En tout cas moi j’y ai trouvé un environnement parfait pour une retraite gourmande, un service des plus agréable et surtout un plaisir totale et naturel, des assiettes simples et très travaillées à la fois, bref tout ce que j’aime en haute cuisine.
Et si la cave ne m’a pas laissez de souvenir impérissable (ce qui ne veux absolument rien dire on s’entend), la très jeune sommelière c’est formidablement occupée de nous.
… et celle de Carlo Janka !!!
Antoine,
Au delà de mon jeu de mots digne de Jean Roucas …
J’y ai fait un déjeuner mémorable.
Service sans aucune afféterie.
Cela change des directeurs de salle de chez Borniol (c’est moi qui souligne).
Souvenir de Marcon, souriant, venant distribuer en salle des champignons poêlés : "pour ceux qui veulent du rab’" 🙂
Et hop, arrivent de déliceux et minuscules girolles, cèpes, morilles …
Attentes vineuses comblées avec un Clos 98 de Dauvissat (grand, racé, trop jeune) et une remarquable Côte-Rôtie Grandes Places 2001 du domaine de Monteillet (qui réalise aussi un superbe St-Joseph cuvée du Papy).
Fredi,
Le celler de Can Roca c’est très bien et on y trouve du très grand champagne bradé … mais le cadre ?!
Laurentg, je suis d’accord avec toi, le cadre n’est pas exceptionnel mais je trouve qu’il transporte sans aucune difficulté le client vers ce qui ressemble au paradis.
me souviens d’une vieille R.D. au prix defiant toute concurrence.
rien que d’en parler je serais pret a y faire un saut de suite.
Nous étions aujourd’hui chez Laurent Vaillé à la Grange des Pères et il nous a parlé en des termes si élogieux de Can Roca à Girone qu’une visite prochaine s’impose. Il a également évoqué l’Auberge du Vieux Puits à Lastours, sur la Montagne Noire, près de Carcassone. Idem pour Commerce 24, un superbe endroit à Barcelone. Et comme l’impétueux Nicolas Rossignol était dans les parages, il a par deux fois fait le dithyrambe du Pré du Clocher à Pommard ! Bon, on sort peut-être de la catégorie décrite ci-dessus mais tout ceci me paraît bien excitant !
Jacques,
On ne devait pas se retoruvez chez Gilles Goujon un de ces 4 ?
Fredi,
Bollinger Vieilles Vignes Françaises 1996 à 200 euros !
On se voit bientôt ?
Je suis dans les starting-blocks !
Laurentg, il me semble que le vieilles vignes 96 est épuisé depuis un moment mais si nous décidons d’une date proche, je peux faire un tel pour nous fixer sur ce detail.
Jacques, t’es partant ?
Laurent et Fredi : vous savez que je suis toujours partant. Reste à trouver le temps dans un agenda qui ressemble déjà à une peau de chagrin (Balzac au secours !). Mais ça se fera, ça se fera !
Jacques, Fredi,
Je suis à votre disposition …
Je voyais bien les Pyrénées de chez moi aujourd’hui …
Et ce soir, le vent souffle fort.
Chers amis, nul doute que nous trouverons le temps necessaire pour une étape chez les freres Roca, en attendant et avec votre permission, je vais deja y faire un arret a fin de prendre la temperature.
salutations depuis Gratallops
Gratallops … J’adore ce nom 🙂
Gratallops, là où dansent les loups ! Pas vrai, Fredi ?
Et les femmes qui courent avec les loups :
http://www.amazon.fr/Femmes-qui-...
Gratallops, était anciennement connu comme un lieu ou les loups se trouvait a l’aise, d’ou le nom :
– Grata, qui est bienvenu
– Llops, loups en catalan
certaines personnes on une autre version qui correspond aux armoiries du village ( deux loups qui grattent un arbre ).
– Grata, de gratter
– Llops, loups en catalan
de la a dire qu’il y a des loups qui dansent, disont qu’on organise souvent des fetes et que nous dansons, c’est la que les femmes courent derriere les loups !
Non Fredi …
Les femmes courent après leur vraie nature.
C’est ce que je voulais dire dans un message précédent (les femmes et le vin).
Qu’on se le dise !
Je n’en doute point et j’avais bien compris mais a Gratallops, la donne est légèrement differente.
Bon, eh bien, après ça, il est temps de remettre les pendules à l’heure et de réécouter les bons vieux hurlements des loups à la lune : http://www.youtube.com/watch?v=5...
Astrolabe,
Efficace … 🙂
Astrolabe, pour ceux qui auraient des craintes face au Steppenwolf, je préconise plutôt ceci :
http://www.youtube.com/watch?v=r...
Monsieur Ron Hubbard peut-il maintenant monter se rhabiller ?
Le loup guette: http://www.youtube.com/watch?v=f...
Don’t cry wolf: Neat! Neat! Neat!