Après toute cette pluie, c’est une chance que je ne veux pas manquer. Je me lève aux aurores ce matin, même si la soirée s’est terminée un peu tard hier soir. Nous avions invité un ami de Bâle, rencontré il y a plus de 25 ans lors d’un voyage en Indonésie. Le gaillard est très gourmand et connaisseur. Il fallait donc, compte tenu de peu de temps imparti pour préparer le repas, faire très bon mais simple. Je vous livre volontiers mon truc. J’ai commencé par un un Carpaccio de Bar de ligne de l’excellente poissonnerie Christinat à Coppet. Juste rehaussé d’une petite macération huile d’olive parfumée au cédrat, sel, poivre, ciboulette, citron confit et une tombée de Jardin marin de Rœllinger. Vu la douceur estivale qui règne tout à coup, j’ai opté ou un Riesling d’Egon Muller, Scharzhofberger Kabinett 2002. C’est comme ça, en été, quand il fait chaud, les grands rieslings rhénans sont insurpassables ! Ensuite, j’ai préparé pour notre commensal un simple Mignon de veau de Simmenthal poêlé au thym-citron avec une garniture malicieuse de tomates confites au four et d’échalotes au miel et vinaigre de Xérès (une adapatation d’une vieille recette d’Alain Senderens). Deux vins suffiront à notre bonheur sur ce plat, un Château Simone rouge 2004 de Palette et un Malanser 2005 Schöpfiwingert de Georg Fromm. Deux vins assez antithétiques, mais qui se sont avérés les deux très intéressants. Issu d’un assemblage de Grenache 45%, mourvèdre 30%, cinsaut 5%, et syrah, ainsi que de « bribes » de castet, manosquin, carignan, muscat, le Château Simone est plutôt orienté sur la fraîcheur et la finesse, dans un style à la fois original et classique avec des notes intenses de cerise, d’épices douces, d’herbes séches, sur une bouche élancée aux tannins nerveux. Quant au Malanser, il s’agit d’une cuvée spéciale, d’une isolation parcellaire, un vin qui se distingue par son caractère ample, généreux, très mûr avec une certaine opulence même. Encore un peu dominé par des notes boisées, il gagnera certainement à vieillir 4 ou 5 ans.
Après la vie de sybarite, l’ascèse montagnarde. Je file ce matin vers un objectif que j’avais repéré depuis quelque temps, la montée à la montagne de Sous-Dine. Si vous vouez me suivre, l’excursion est, au prix de quelques heures de marche, un vrai bonheur.
Itinéraire : de Genève prendre l’autoroute direction Annecy, sortie à la Roche sur Foron. Prendre direction Thorens. Au sommet du Col des Fleuries, direction Mont-Piton, puis Les Chenevriers où vous laisserez votre voiture (parking évident). Suivre la route qui part dans la forêt avec l’indication Sous-Dine. Monter toujours tout droit. Après environ 35 minutes de marche, vous arriverez à un embranchement, altitude 1380 m : à gauche Sous-Dine par le passage de Monthieu et à droite Sous-Dine par l’Entaille. A moins que vous n’ayez pas du tout le pied montagnard, je vous conseille de choisir l’option passage de Monthieu. Le sentier court à flanc de coteau à travers une forêt magnifique, puis débouche sur la Combe Arembeau avec une ouverture spectaculaire sur toute la région du Foron et le lac de Genève. Vous continuerez à prendre de la hauteur en suivant une sente assez raide qui serpente dans une zone d’éboulis et, tout à coup, à l’altitude 1800 m environ, une barre rocheuse de quelques mètres à travers laquelle le sentier se faufile astucieusement, c’est le passage de Monthieu. Sur 2 ou 3 mètres, il vous faudra vous aider de vos mains. Ensuite, c’est un pur enchantement, on remonte à travers un paysage de plateau, entaillé sur son flanc sud-ouest par un abîme pour déboucher sur le sommet de Sous-Dine, vers 2001 mètres. La vue panoramique que vous aurez à ce moment-là est tout simplement sublime, les crêtes du Jura, le lac, les Voirons, les Aravis, le Jallouvre, la Pointe Percée, l’Aiguille Verte, tout le Massif du Mt-Blanc, le plateau des Glières, la Tournette et au loin le Grand Paradis ! Et là, tout près, ces lapiaz urgoniens, ces cassures, toute cette géologie tourmentée. Par curiosité, je me suis renseigné un peu sur l’histoire mouvementée de la région, ses accidents tectoniques. J’y ai appris que la montagne de Sous-Dine est moulée sur le calcaire urgonien de l’anticlinal de Parmelan.
Pour en savoir plus : https://www.geol-alp.com/bornes/_lieux_bornes/sous_dine.html
J’observe un couple de chamois et leur petit qui, visiblement, ont décidé de m’épater. Sans doute dérangés par mon approche, ils disparaissent… dans le vide ! Un rocher dévale. A l’endroit où je me trouve, je ne vois plus mon trio. Je gagne rapidement le sommet d’une petite pointe qui me permet de les observer. Ils sont là, tous les trois, tranquilles, sur une vire étroite, avec 300 mètres de « gaz » au-dessous d’eux. Même l’alpiniste que j’étais en frémis. Le moindre faux-pas et c’est la mort assurée. Le mâle remonte, par petits sauts calmes, d’un rocher à l’autre et réapparaît bientôt à la lumière. Le plus jeune, un éterlou sans doute, semble hésiter à le suivre, demeure longuement agrippé sa portion de territoire, le corps tout entier comme livré au vide, puis finit par changer de position, élève ses pattes avant. Surprise ! C’est pour uniquement pour brouter une touffe d’herbes. Il revient bientôt à sa position initiale. Imperturbable. Il finit toutefois par rejoindre, avec une aisance incroyable, ses géniteurs sur le plateau. Et moi qui le croyais perdu, qui le voyais déjà fracassé au pied de la paroi…
Je savoure avec un rare bonheur cet instant de plénitude. Pour la descente, je vous conseille de prendre le chemin qui serpente à travers le désert de lapiaz et de prendre l’itinéraire de l’Entaille, plus facile, mais peut-être un peu plus long que celui emprunté à la montée. Compter trois bonne heures pour la montée et deux heures et des poussières pour la descente. En hiver, ça doit être également très chouette d’y venir en raquettes mais, dans ce cas, seul l’itinéraire dit de « l’Entaille » est plus que recommandé.
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