Dans les vignes, le tri a été ramené au strict minimum et les vendanges se sont déroulées en toute sérénité, laissant à chaque vigneron la liberté d'organiser ses chantiers de récolte au mieux. Les pluies survenues courant septembre n'ont en rien affecté le bon avancement des vendanges, qui ont débuté fin août et se sont terminées début octobre. D'un point de vue quantitatif, la récolte est peu élevée avec des rendements moyens estimés entre 28 et 30 hectolitres par hectare. Les fermentations se sont déroulées dans de bonnes conditions et les derniers décuvages ont eu lieu début novembre. Aujourd’hui en bouteilles pour la majorité d’entre eux, les vins se goûtent plutôt bien. Et nous avons pu en déguster une jolie sélection (forcément subjective) comme suit.
Laurent Charvin : ensemble fin et précis, épicé et mentholé, qui évolue vers d’élégants parfums de fraise des bois. Bouche fraîche dès l’attaque, construite sur un tanin affirmé mais subtil, et remarquablement fruité. Vin droit, doté d’une certaine réserve mais aussi d’une tenue et précision exemplaire. Superbe potentiel.
Pierre André : premier nez nuancé évoquant les fruits rouges, la pivoine, les agrumes puis évoluant vers de notes plus « sombres » de poivre noir et de zan. Belle richesse de matière sur l’attaque, développant ensuite une trame ronde, savoureuse et sans aucun excès de chaleur. Très beaux tanins, finement poudrés et veloutés. Stylistiquement proche du Charvin, voilà un cru de très vieilles vignes abouti, produit par un domaine discret.
Cros de la Mûre : le nez se présente sur un profil déconcertant avec des notes d’acétate d’éthyle et une acidité volatile sensible, sur les deux bouteilles dégustées. La bouche délivre, à l’attaque, une sensation polissée, puis un fruit qui bascule vers des notes confiturées rejoignant les arômes du nez. Difficile de juger ce cru en l’état.
Domaine de Marcoux : nez assez éclatant avec du zan, des épices et des fruits rouges. Attaque franche, grasse, dotée d’une belle rondeur enrobante permise par des tanins soyeux et suaves. Le vin n’est pas hyper profond ni corsé mais son naturel d’expression plaide pour lui. La bouteille de la dégustation la plus immédiate, très joli.
« Tradition » – Bois de Boursan : notes de cuir, de musc, d’herbes sèches. Il est sur son versant animal. Le vin n’est pas en place ce jour-là et le côté perlant gêne sa dégustation au palais. Mais comme nous l’avons dégusté de bien meilleure manière et à diverses reprises, il n’y a aucun souci à se faire.
Clos des Papes : nez profond et riche sur les fruits noirs, la réglisse, le kirsch et des nuances toastées/grillées. Bouche structurée, riche, tendant vers une certaine opulence. Tanins gras, veloutés, un poil « sucrailleux », assez massif à ce stade mais très crémeux. On pourrait lui reprocher aujourd’hui un côté un peu lourd, mais les éléments sont là pour le porter vers la garde et retrouver, avec le temps, la finesse nécessaire.
Château de Beaucastel : nez mûr, précis mais un peu « simple », évoquant le caramel, la cannelle, les épices et le bonbon arlequin. Comme l’a parfaitement résumé un participant, nous voilà en présence d’un « vin d’attaque ». En effet, si la prise en bouche est plutôt plaisante, la matière semble faire défaut avec une légèreté dans l’allonge qui tend presque à la maigreur compte tenu des origines. Impression mitigée sur ce cru ce jour là.
André Brunel – Les Cailloux : nez d’une belle personnalité avec des notes mentholées, d’eucalyptus, laurier et fruits frais. La bouche est au diapason, elle navigue entre fraîcheur et maturité avec une expression de fruit et une race de terroir perceptible, via des tanins quasi crayeux, poudrés. Texture élancée, élégante, avec une excellente persistance. Très beau vin au caractère castelpapal affirmé : un coup de cœur.
Le Vieux Donjon : nez retenu, distillant quelques notes de cassis, de graphite, de cuir frais (mais pas de sensation phénolée) avec une légère acescence. Bouche réservée, peut-être un peu stricte à ce stade avec des tanins puissants, serrés, austères et terriens. Finale chaude. Dans le plus pur style traditionnel, c’est finalement le lendemain de la dégustation qu’il se livrera le mieux. Il aura donc sans doute besoin de temps.
Domaine de Ferrand : nez très « grenache », puissant, solaire, avec des parfums de cerise noire, d’herbes sèches, d’épices et de cacao amer. On aurait pu s’attendre à une bouche confite, mais la matière est équilibrée par une belle structure. Avec ses tanins bien présents, le vin a de la mâche et s’appuie sur un grain précis. Vin complet, chaud mais sans excès, qui devrait gagner à vieillir.
« Cuvée du Papet » – Clos du Mont Olivet : nez marqué des notes empyreumatiques, du goudron et du caoutchouc brûlé. Le vin s’impose dés l’attaque par une importante puissance et des tanins appuyés, soulignés d’un peu d’amertume. L’ensemble est strict, sur la réserve, et la finale se marque de quelques notes de fruits secs. Une cuvée qui semble en phase ingrate, mais capable de longue garde ?
« Chaupin » – La Janasse : nez puissant avec des notes de fruits noirs, puis d’intenses arômes mentholés, truffés, toastés et cacaotés. La matière est massive dés l’attaque, dévoilant une forme d’opulence tannique. Trame riche, plus large que longue à ce stade et marquée de quelques notes d’élevage. On perçoit également une légère amertume en fin de bouche. Vin puissant, dans le style « maison », qui aura besoin de temps pour se nuancer.
« Vieilles Vignes » – Domaine de Villeneuve : expression « nature » avec des arômes tirant sur le végétal, un fruité framboisé et hélas aussi une touche d’évent. L’attaque est marquée par du gaz carbonique, ce qui confère à la bouche un coté croquant, presque juteux et ciselé. Mais la finale montre un vin apparemment fragile.
« Vieilles Vignes » – La Janasse : par rapport à la cuvée Chaupin, le nez est empreint d’un boisé plus appuyé, sans se dénuer toutefois d’une certaine forme de finesse : notes truffées, toastées et épicées. Bouche doucereuse, voluptueuse, caressante, avec une impression charnue et une forme de sucrosité. Un vin large d’épaules, opulent, dont les aficionados apprécieront la netteté et le style caractéristique ! A laisser vieillir impérativement.
Article écrit en collaboration – et avec la participation – de Nicolas Bon, que nous remercions par ailleurs vivement pour l’animation de cette très belle dégustation.
9 Comments
2009 moins torride que 2007 ?
En terme de climat, peut-être pas, mais en terme d’équilibre dans les vins, certainement !
Merci, Nicolas,
C’est aussi mon avis (mais quand on voit les hautes notes de Parker …).
Et sur 2007, Beaucastel m’a paru savoir conserver une certaine fraîcheur (le mourvèdre ?).
Oui largement Laurent, largement.
Comme d’hab, des vins de chasseurs, mais là, soyons magnanime, des chasseurs travaillant au Purdey 🙂
Pas tous François, pas tous. Tu serais surpris…
Je ne demande que ça 🙂
Noté.
Châteauneuf est tout de même un territoire magistral pour produire (en nombre) des vins capiteux, complexes, de garde …