Et, au bout de cette route, au fond d’une étroite vallée, cette merveille, classée au patrimoine mondial de l’Unesco : Shirakawa-go ! Un petit village extraordinaire, au bord de la rivière Sho, perdu dans la neige et les montagnes avec ses maisons gassho-zukuri aux toits de chaume abruptement inclinés afin de limiter au maximum l’adhérence de la neige. Il en tombe ici plus de 2 mètres par hiver.
Aucune pièce métallique, aucun clou dans ces constructions ; uniquement des poutres, des cordages, des chevrons, des liteaux, des voliges !
On comprend pourquoi toute la région, de Kanazawa à Shirakawa-go, était renommée pour ses charpentiers dont les toits parlent aux cieux. L’arche naturelle de ces toits ressemble en effet à des mains jointes (gassho). Elle a déteminé ce style unique d’architecture de montagne avec ses maisons alignées nord-sud, pour limiter au maximum les intempéries, parallèlement à la rivière.
Avec l’isolement hivernal, ces communautés (celles des villages de Shirakawa-go et de Gokayama) ont développé une solidarité particulière : la construction de chaque maison requiert en effet l’aide de toute la communauté villageoise. Et chaque trente ans, les mêmes et d’autres se retrouvent – souvent 200 personnes – pour la réfection des toits, chaque trente ans.
La rivière Sho au petit matin, vue de Shirakawa-go.
Aujourd’hui, bien sûr, ces populations de montagne ne vivent plus en autarcie comme autrefois où elle tiraient l’essentiel de leur subsistance de la culture du vers à soie et de la fabrication de la poudre à canon. Le classement au patrimoine de l’Unesco a permis ainsi de maintenir une activité économique qui repose beaucoup sur le tourisme.
Aucun hôtel ici mais quelques maisons traditionnelles transformées en ryokan. Il faut absolument passer une nuit sur place pour s’imprégner un peu de cette atmosphère si particulère. Depuis la station terminale du bus, on y accède par un pont suspendu verglacé, tirant son bagage. Pour rendre le tableau un peu plus saisissant encore, la nature nous gratifie d’un accueil « en fanfare » avec une tempête de neige d’une générosité somptuaire !
Au printemps ou à l’automne, les paysages sont sans doute plus accueillants, plus chatoyants, mais on ose à peine imaginer la foule de touristes venus là pour les mêmes motifs que nous : contempler un morceau d’éternité, l’expression d’un mode de vie entièrement façonné par son milieu, aux prises avec les éléments, une nature rude et imprévisible, qui, au contact de ces derniers, ont développé une culture unique, encore partiellement vivante.
Un panneau discret. Nous sommes arrivés chez notre hôte, Yokichi. Notre hôtesse plutôt, car le mari, on le verra à peine. L’accueil est ici l’exacte antithèse de la température extérieure et…intérieure. On se déchausse à l'entrée, le genkan. Marcher sur le tatami comme sur fluide léger. Le corps entre dans un autre rythme, une autre respiration. Pour décrire, ce que doit être un lieu où vivre, une maison, la langue japonaise possède le mot shibui. Quasi intraduisible, cette notion associe le dépouillement d’un lieu, sa capacité à faire communiquer l’espace extérieur – la nature – et l’espace intérieur, souple, sobre, délié. Une forme de dépouillement dans la décoration. Des espaces modulables, ouverts.
Rien d’inutile ni de démonstratif. Tout peut nous être enlevé demain. La terre peut trembler. La neige tout engloutir. Le temps balayer les feuilles mortes.
C’est là. Tout est là.
Prochainement : Takamaya la secrète et le ryokan Tanabe.
Comment
Merci Jacques,
Le toit de l’Europe, Chamonix – Mont-Blanc, a postulé tardivement au patrimoine mondial de l’UNESCO, s’imaginant trop célèbre.
Il se trouve ainsi en liste d’attente.
Bravo de nous faire découvrir un lieu très loin de nous, authentique, respectueux, où ne se rencontrent que des humains qui ont déjà beaucoup compris et qui font l’effort, devenant vraiment chaleureux.