En définitive et apparemment, il ne nous appartient pas à nous autres Suisses de critiquer ou même de formuler des propositions adéquates pour sortir cette devise de l’ornière. Ce sujet ne nous concernerait pas. Voire ! Notre pays serait en réalité directement affecté par l’échec de l’Euro. La création d’une monnaie à partir de dix ou douze composantes est relativement facile à concevoir ; en revanche, le retour à la situation antérieure débouche sur des problèmes insolubles. C’est dans ce contexte que la Suisse ne pourrait échapper à un cataclysme.
Le premier jour de l’abandon de l’Euro, toutes les nouvelles devises auraient une valeur égale : Euro-franc, Euro-DM¸ Euro-lire, etc. Mais, au même instant, les marchés feraient éclater ces rapports par des dévaluations et réévaluations intempestives allant largement au-delà de la valeur réelle supposée des devises individuelles, le CHF devenant quant à lui une valeur refuge en compagnie, sans doute, de l’Euro-DM. Il en résulterait des attitudes agressives entre anciens partenaires de la monnaie unique, sans que l’on puisse imaginer un retour rapide à l’ancien SME (système monétaire européen), mais avec des hausses des taux d’intérêts dans les pays à monnaies faibles accompagnées d’une inflation difficilement maitrisable.
Plus grave encore, si cela est possible : les multiples relations tissées au cours des dernières années entre entreprises du continent et fondées sur l’Euro se traduiraient par des conflits d’intérêts sans solutions cohérentes et, surtout, sans que des cours de justice puissent se prononcer en toute équité sur la portée des intérêts réciproques contractuels en présence. Imaginons deux entreprises situées dans deux pays différents ayant noué des relations à long terme avec comme monnaie de référence l’Euro. Chacune tenterait de se référer à la meilleure monnaie, celle qui monte ou qui descend, selon les circonstances, avec des opérations spéculatives sur les marchés à terme. Et ne parlons pas des emprunts d’Etat souscrits le cas échéant sur la place de Londres, remboursables dans quel Euro? Celui du Royaume –Uni ?!..Bref, tout cela confinerait à l’anarchie.
Enfin, à l’intérieur même des Etats de l’Union, des problèmes délicats surgiraient. La ville d’Amsterdam, par exemple, supporterait peut-être une hausse de l’Euro-florin, alors que la région pauvre du Limbourg souffrirait directement de ce phénomène. Il en serait de même pour l’Allemagne de l’Est par rapport à la Rhénanie, au Mezzogiorno par rapport à la Vénétie. En conséquence, les Etats seraient contraints de conduire des politiques économiques conflictuelles que ne pourraient pas contenir les autorités de Bruxelles.
Un journal hollandais résumait, à mon sens, très bien la situation qui découlerait de la disparition de l’Euro : ce ne serait pas un retour en arrière de cinquante ans, mais de cinq cents ans et avec des Etats ne jouant plus aucun rôle au plan mondial.
La Suisse, bien que non membre de l’UE, n’échapperait pas aux convulsions qui frapperaient le vieux continent. Donc, son intérêt, comme celui des membres associés à l’Euro, ne peut se construire sur la disparition de la devise européenne ; mais, il faut être conscient que pour les deux ans futurs au moins, la croissance au sein de notre continent sera, quelles que soient les exigences des agences de notation, au mieux très faible, soit pendant la période d’ajustement et de corrections des erreurs et contradictions qui assaillent notre continent."
Jean-Louis Juvet, professeur honoraire d'économie à l'UniNE et vice-recteur, ancien administrateur auprès de l’OCDE.
8 Comments
Si on peut trouver mille raisons justifiant l’abandon de l’euro, à la Jacques Attali ou autres, quelque part, inconsciemment, on sent très bien que cela n’arrivera pas tant il y a des espaces ± grands entre ce qui s’écrit et ce qui se réalise.
L’Europe souffre et va souffrir, mais de là à envisager des bouleversements de cette nature…
La femme de votre banquier, là, même combat que les femmes de Moubarak, Khadafi et autres potentats tunisiens ?
Des chefs menés par le bout du nez : tsss !!!!!!!!!!
IL existe différentes approches de l’évolution de notre systéme économique..
Lisez donc "SURVIVRE" de Piero san Giogio…
Cordialement.
JM.
"Jouer à se faire peur restera encore longtemps le privilège des nations riches.
Tout au moins est-ce le voeux que nous formulons pour 2012 " ( Roland Jacquard )
On va entrer ainsi dans le "populisme des nantis" : un concept du Professeur Marc Lazar, entendu dans Cdansl’air.
Je me demande parfois si pour un paysan malgache qui gagne 200 € par an ou une veuve érythréenne qui gagne 0 € par an nos querelles ne paraissent pas UN PEU byzantines
C’est peut-être qu’un déficit partagé par des centaines de millions de personnes représente moins que 0,00€ par tête de pipe et pour longtemps
Allez, courage Grand Jacques ! Encore quelques jours, et tu passeras au billet mensuel. Tu sais qu’on est bougrement patient !
Mais si par hasard tu te laisses entraîner sur du trimestriel, n’oublie pas que nous avons des amis siciliens "grand manteau" : non mais !
Ouf ! Le post sur Ali m’a sauvé de la mise à ban ! François, il ne sera pas nécessaire de faire appel à tes amis longs manteaux, mais j’ai eu peur ! Il est vrai que mes post deviennent rares en ce moment. Trop de contraintes extérieures. Et des chantiers d’écriture. Je continuerai pourtant à alimenter ces Plateaux, mais à doses disons homéopathiques. Je cherche juste une formule différente, nouvelle. L’aventure perdurera par égard et amitié pour les lecteurs qui tous les jours viennent me rendre visite avec une fidélité émouvante. Ce blog n’est pas influent, ni sous influence. Il n’apparaît pas dans le nébuleusement "fameux" classement Wikio :
labs.ebuzzing.fr/top-blog…
Cela dit, 12 000 visiteurs de l’aube, du jour et de la nuit pour les trente derniers jours et un seul post, ardu, sur l’économie, c’est rassurant pour une webfanzine aussi syncrétique. Ca fait tout chaud au cœur et je vous dis merci ! Et puis pour les 11594 lecteurs qui l’ignorent, quelque part, sur la Toile, il doit bien exister un autre blog, crypté, où vous pouvez me lire différemment !