Disons qu'il constituerait la représentation fidèle, objective, d'une forme d'univers, avec son territoire, ses lois, ses constantes, ses transformations – univers qui serait contenu dans sa propre représentation, telle une synthèse parfaite. Imaginons maintenant, face à cet objet idéal, un enquêteur, venu en quelque sorte d'une autre planète, chargé de trouver la vérité intime de cet objet idéal, de la transcrire. L'activité de cet enquêteur est pour le moins étrange et paradoxale. Elle consiste à mettre des mots sur les sensations que produisent, à tel moment, cet objet, à fixer ses qualités, pour les intégrer ensuite dans un système ordinal et les hiérarchiser. Mais notre enquêteur n'est pas dupe, il demande à revenir sur la première proposition : c'est qu'il a conscience que l'objet de son étude peut être incertain, lui échappe parfois, se trouve souvent modifié par l'emprise même que l'enquêteur prétend exercer sur lui. Cette dernière question trouble l'enquêteur. Il tente d'y répondre… L'objet varie-t-il ? Soit, il faut bien continuer de vivre dans un monde qui n'est pas idéal avec des variations atmosphériques, des différences de pression, toute la mutabilité œnologique, les processus d'oxydation ou de réduction ; sans oublier, bien sûr, les intentions secrètes, les rêves fous, les approximations qui se cachent parfois parmi celles et ceux qui mettent en circulation ces objets. Mais le doute a ses raisons que la raison ne connaît pas. L'enquêteur croit en son destin, éclairer la planète sur cette question vitale : quels sont les meilleurs vins du millésime ? Et pour cela, il est prêt à tout, à s'asseoir à la droite de Robert Parker, à rêver de porter un jour son nom, à faire et à défaire les réputations, bref à laisser tomber son rôle d'enquêteur (trop de modestie dans cette tâche !), bref à muter et à devenir LE dégustateur. A entrer dans cette fiction : devenir une sorte de machine à déguster, capable de goûter des milliers de vins en quelques jours, sans aucune variabilité, sans état d'âme, sans le moindre doute…
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