La dégustation
Vin étalon, afin de présenter in situ le cépage : Syrah 2008 Domaine de Roquenégade (prise sur cuve, cépage entrant dans l’assemblage du Corbières de Frédéric) : réduction du premier nez qui évolue sur un cassis un peu lacté, épices douces, nuances légèrement confites. Attaque tendre, saveur de cassis cohérente avec les arômes, tanin légèrement serré qui prend assez rapidement la bouche, le tout finit sur une petite astringence pour le moment.
Puis, du Haut-Valais jusqu’à Marseille, nous nous sommes embarqués pour une descente du Rhône passionnante :
Les syrah valaisannes.
Valais, Syrah 2006 Cave Saint Philippe, Philippe Constantin (élevage cuve, sur Salquenen) : premier nez confus, évoluant le sucre roux mais aussi la confiture de mûre. Arômes de pêche rôtie à l'aération. Bouche très coulante, savoureuse mais un peu surmûre. Peu de trame et de structure, surtout l’expression d’un fruit mûr et relativement confit. Bonne allonge, bon vin valaisan.
Valais, Syrah de Pradec 1996 Denis Mercier (élevage en barriques, sur Sierre) : robe évoluée, un peu trouble. Haute maturité du raisin perceptible (écorces d'orange et chocolat), mais encore un peu (trop) torréfié malgré l'âge. Ensemble assez velouté, fondu, le vin possède un joli fond. La recherche de maturité est évidente, l'aridité du climat valaisan aussi. Finit un tout petit peu sec, mais il est prêt à boire. Treize ans : il a bien tenu !
Valais, Syrah Antica 2007 Domaine Cornulus (biodynamie, sols argilo-calcaires profonds, vignes de 15 ans, élevage sous bois, 50% de barriques neuves, sur Sion) : notes de fruits noirs confits (confiture de myrtille), havane, léger boisé torréfié, zan. Profondeur des arômes à l'aération. Bouche aux tanins lisses et très mûrs, léger bois enveloppant et bien dosé. Expression veloutée, beaucoup de chair, très bonne allonge. Finit sur une petite amertume de fût, mais il est doté d'un réel fond. Attendre en toute confiance.
Vaud, Villette, Mondeuse Noire de 13 Vents 2007 Henri & Vincent Chollet : robe sombre, nez bien fruité (baies noires), avec des nuances d’ambre qui rappellent certaines syrahs françaises. L’attaque est très ronde, enveloppée. La matière est belle, évidente recherche de fruit. La sévérité de la mondeuse arrive dès le milieu de bouche, tendant la finale. On finit sur un jus épicé et légèrement rustique. Très joli vin, original. L’adresse du vinificateur est à saluer !
Genève, Vin Suisse de Pays Syrah 2004 Domaine le Grand Clos, Charles Novelle & fils (faibles rendements – 30 à 35 hl/ha -, élevage en barriques, souvent jusqu'à 24 mois) : robe noire, nez puissant de caramel, zan, café, ensemble d’une noirceur aromatique assez surprenant. Bouche travaillée, sur une saveur de moka un peu forte. Matière très concentrée, extraction et haute maturité, avec une barrique omniprésente : le bois resserre une finale cacaotée. La patte du vigneron est là, il faut aimer le style !
Mondeuse Prestige 2004 Domaine du Prieuré St Christophe, Michel Grisard (biodynamie depuis 1993, parcelle de haut de coteau sur sols argilo-calcaire, égrappage à 50%, cuvaisons de 3 semaines, malo-lactiques en cuve puis mise en fûts, 20% de bois neuf seulement, mise en bouteille après 18 mois d’élevage total) : bouche d’une très belle délicatesse, épicée, longiligne, avec des tanins serrés et denses, malgré la faible extraction. On apprécie l’humilité du vigneron dans la construction du vin. Il évoluera dans le verre en s’apurant (notes de fleurs séchées, havane) et en gagnant de l’allonge. Un vin hors du temps et des modes, qui ne roule pas les mécaniques.
Cornas Brise Cailloux 2007 Domaine du Coulet, Matthieu Barret (biodynamie, jeunes vignes du coteau des Arlettes et vieilles vignes en pied du coteau des Mazards, vinification sans soufre, élevage de 13 mois en fûts d'au moins 7 vins, léger sulfitage à la mise) : robe légèrement trouble typique des vins (non filtrés) du domaine. Notes pures de cassis, graphite, baie de genièvre. Attaque très pulpeuse avec un tanin sensuel, et une extraction étonnamment raisonnable pour une matière aussi dense (les raisins devaient être très beaux). La saveur présente un côté noblement sauvage et racé, sans perdre la grâce d’expression. L’ensemble s’exprime avec une forme de force tranquille, sur un toucher de bouche sapide très noble. Quelle matière pour de si jeunes vignes ! Très beau.
Côte Rôtie, un des berceaux historiques.
Côte-Rôtie 2006 Domaine Jamet (assemblage de nombreuses parcelles situées sur les climats de l’AOC, environ 50% de vendange entière, seulement 20% de bois neuf) : premier nez de serine très pur : orange sanguine, tabac, pain d'épices, violette fugace. Tanins soyeux, beaucoup de délicatesse et d'élégance, un coté très sapide dans ce grain légèrement granuleux et croquant. Se prolonge délicatement et sinueusement sur l’arôme, sans brutalité, avec raffinement. Fond de verre sur des notes de cade, de ciste, de graphite et d’abricot (présence de viognier ?). Une explosion de fragrances nobles. Excellent, et me convainc davantage que l’échantillon goûté cette année à la foire d’Ampuis.
Côte-Rôtie Viaillère 1991 Dervieux-Thaize, René Rostaing (couche arable de grosses pierres et d’argile surmontant un sol de schistes très durs, vinification 50% raisins entiers, 1 mois de cuvaison, 2 ans d’élevage sans bois neuf, collage mais pas de filtration) : sanguinité du premier nez, puis évolution aromatique tertiaire marquée : sous bois, humus, vieux cuir. Tanins fins, très soyeux, grande tenue de bouche avec une énergie bien présente, impression gustative de salinité, de grande fraicheur, il n’est pas au bout ! On notera le décalage d’expression entre un nez très avancé et une bouche qui l’est beaucoup moins, à mon avis archétypique des grands vins de la zone Rhône Nord/Beaujolais dans ce millésime trop peu connu.
Rivages proches ou lointains de la Méditerranée.
Costières-de-Nîmes Marginal 2006 Terre des Chardons (syrah 90% et grenache 10%, biodynamie, issu des parcelles les plus caillouteuses du domaine, rendements de 25 hl/ha, vendange égrappée mais non foulée, fermentations avec levures indigènes sans soufre, peu de sulfitage à la mise) : très belle maturité avec un côté exotique mais frais et pur dans l’arôme qui évoque des syrahs du Rhône Nord (orange sanguine, myrtille). Tanins lisses et fins, très belle matière avec une corpulence honorable pour un vin de cette origine. La marque sudiste est là mais sans être alourdie par un quelconque confit ou une éventuelle note d’alcool. Se goûte merveilleusement aujourd’hui. La découverte de la soirée pour beaucoup de participants. Noter que le 2007 sera en vente au CAVE avant la fin de cette semaine. A bon entendeur !
Côtes-du-Rhône les Violettes 2001 La Soumade, André Roméro (assemblage de syrah 90% et viognier 10%, vignes de 30 ans, pigeages et remontages journaliers en cuves bois tronconiques, élevage de 18 mois avec 50% de barriques de 1 à 3 vins) : réduction sur l’arachide et léger rancio, puis expression de fruits noirs, mais le bouquet manque de pureté et de définition. Tanin très enrobé sur l’attaque, las la suite décroche avec une bouche dissociée : juxtaposition d’acidité, de notes chaudes et de rugosité du tanin. Finale confite, légèrement cuite. Peut être eût-il fallu le goûter plus jeune ?
Côtes-du-Rhône Li Felibre 2005 Château de Fontségugne, Jean-Marc Geren (terroir de galets roulés, 100% syrah, élevage cuve) : arômes de fruits noirs confits, de mélasse, de confiture de sureau. Bouche souple, bien mûre, campant sur une jolie matière avec des tanins faciles, qui n’accrochent pas. Le vin n’a pas honte de ses origines sudistes et les assume pleinement. Ensemble cohérent et réussi.
Synonymies : hermitage, sérin(n)e (en Côte Rôtie), sirane, candive, biaune, sérène ou serène, shiraz, damas noir, etc.
Description : grappes moyennes ou sur-moyennes, allongées, parfois ailées, plus ou moins compactes ; pédoncules longs et un peu grêles rapidement lignifiés ; baies moyennes ou sous-moyennes, ovoïdes à ellipsoïdes ; peau fine mais assez résistante, d'un beau noir bleuté avec une pruine abondante ; chair ferme, juteuse bien sucrée et relevée.
Aptitudes de production : débourrement tardif, soit une semaine en moyenne avant le carignan. Vigueur moyenne à bonne. Ses rameaux sont longs à très longs, cassant parfois sous l'action du vent violent. Demande à être conduite en forme palissée. Sensible à la chlorose, à la sécheresse (dans ce cas, elle garde de petits grains sans jus), à la pourriture grise, aux acariens et aux vers de la grappe. Craint l'égrenage à surmaturité. Maturité 2ème époque moyenne, 10 à 15 jours avant celle du carignan.
Implantation : s'il est établi que la syrah est le cépage rhodanien par excellence, tant son implantation prend un malin plaisir à suivre les méandres du grand fleuve (de ses sources aux tréfonds des Alpes suisse jusqu'aux portes de Marseille), il faut noter que l'on cultive aussi ce cépage en Australie, en Argentine, Afrique du Sud, Californie, Chili, Nouvelle Zélande, et même au Mexique. Elle est plantée sur plus de 140 000 ha dans le monde aujourd’hui, dont plus de 68 000 hectares en France (et plus de la moitié de ce chiffre dans le seul Languedoc Roussillon !).
4 Comments
Bref, avec un pour mille de la surface de production pour ce cépage, les petits suisses font mieux que se défendre.
Hop Suisse ! 😉
laurent
Surtout pas de viognier chez Jamet (cépage honni) …
Côte-Rôtie Jamet 2006 le 24/1/09 :
chahutée, boisée (venait juste d’arriver).
Sur place en déc 2007, un très beau vin.
Domaine Jamet Côte-Rôtie 2006 :
Notes : DS16,5 – PC(16/16,5) – LG15,5 – MS16.
Echantillon tiré sur fût (représentatif de l’assemblage final, selon notre hôte). On sent l’impact de la vendange entière (notes habituelles – pour ce domaine – de rafle, participant de la complexité d’ensemble). Olfaction rutilante : fruits (cassis, mûre), épices, fleurs (violette, iris), viande rôtie, le tout emballé comme il se doit dans un bel ensemble réglissé. Très belle étoffe sensuelle, charnue, parfaitement balancée Jamet.
Les grenaches de La Soumade (Confiance 2005 la semaine dernière, en confirmation) sont soumis à un traitement de choc qui semble les durcir irrémédiablement.
Et qu’en est-il de la "petite syrah" ?
Le Durif, ou Petite Syrah, serait originaire du Dauphiné, et aurait été sélectionné par les vignerons locaux juste avant le phylloxera. Des analyses ADN le disent issu d’un croisement spontané des cépages peloursin et syrah.
Il doit son nom au docteur Durif qui a contribué notablement à sa diffusion vers 1880, en vantant notamment sa bonne résistance au mildiou. Il faut dire que c’est à cette époque que les maladies cryptogamiques ont commencé à prendre de l’ampleur.
Appelé petite syrah ou petite sirah en Californie, il est aussi connu sous ce nom en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Afrique du Sud. Il est également cultivé en Israël, et de façon plus anecdotique en Australie, dans le nord-est de l’État de Victoria.
Voir aussi : lescepages.free.fr/durif….
Mais le mieux est quand même de relire le Précis d’ampélographie pratique de Pierre Galet.