Ici, chez ces Tricolores en déréliction, la grève devient son propre objet. Certes, une revendication est toujours à l’horizon – sans quoi elle serait vraiment impossible : réhabiliter l’exclu, le sacrifié, celui par qui le scandale est arrivé, Nicolas Anelka. Coupable d’avoir dit son fait à son entraîneur, par des voies disons inorthodoxes…
Pourtant qui croira à cette fable d’une équipe en grève pour sauver l’honneur de l'un des siens ? Bande de petits tricksters, va !
Mais la nouveauté absolue, celle qui préfigure, peut-être, une ère nouvelle, est la façon dont les Bleus ont motivé leur refus de s’entraîner : c’est l’entraîneur lui-même, l’insulté (jusqu’à preuve du contraire) qui, l’air piteux, contrit, est venu devant la presse internationale, lire la déclaration de ceux dont il est, symboliquement, l’otage ! Comme si les agitateurs du vestiaire étaient devenus tout à coup muets, privés de parole, incapables de formuler la moindre idée. Roselyne Bachelot a beau désormais les regarder dans les yeux, les exhorter à l'impossible, leur dire que le match contre l'Afrique du Sud se jouera entre eux et eux : c'est clair, les Bleus ont perdu leur âme. Définitivement.
Sur cette thématique du foot et des idées, je signale l’entretien intéressant de Mehdi Belhaj Kacem avec le rédacteur en chef de Philosophie Magazine. Le titre est explicite : le foot est une œuvre d’art totale. Philosophe et passionné de football, le controversé MBK livre une intéressante analyse du football comme œuvre d’art du XXIème siècle.
Extraits :
Philosophie Magazine : Le football est donc un art ?
Oui, pour moi, il représente à l’heure actuelle l’œuvre d’art totale, comme c’était le cas pour l’opéra au XIXè siècle. A travers le football, les nations se racontent à elles-mêmes leur destin.
Oui, pour moi, il représente à l’heure actuelle l’œuvre d’art totale, comme c’était le cas pour l’opéra au XIXè siècle. A travers le football, les nations se racontent à elles-mêmes leur destin.
(…)
Philosophie Magazine : Quel regard portez-vous sur les équipes qui vont participer à ce Mondial, en Afrique du Sud ?
J’ai toujours une tendresse pour l’Italie, même si leur équipe est nettement moins bonne qu’il y a quatre ans. Un joueur en particulier me passionne : Mario Balotelli, adolescent de 19 ans d’origine ghanéenne. (…) C’est le plus talentueux footballeur de sa génération. Il est froid, arrogant, peu aimé de ses coéquipiers et de son entraîneur. Détesté par le public italien, il est constamment la cible d’injures racistes qui me donnent presque les larmes aux yeux. Mais rien de tout cela ne semble l’atteindre. (…)
J’ai toujours une tendresse pour l’Italie, même si leur équipe est nettement moins bonne qu’il y a quatre ans. Un joueur en particulier me passionne : Mario Balotelli, adolescent de 19 ans d’origine ghanéenne. (…) C’est le plus talentueux footballeur de sa génération. Il est froid, arrogant, peu aimé de ses coéquipiers et de son entraîneur. Détesté par le public italien, il est constamment la cible d’injures racistes qui me donnent presque les larmes aux yeux. Mais rien de tout cela ne semble l’atteindre. (…)
Philosophie Magazine : A quoi reconnaît-on le style italien en matière de football ?
L’Italie est une nation qui a une conception si virile et si tragique du football qu’elle ne supporte pas de prendre un but. (…) Mais ce jeu défensif, un peu ennuyeux, est en train de perdre du terrain, laissant la place à nouveau à l’aventure, à la créativité. L’Espagne, qui est la grande favorite de ce Mondial, a une capacité extraordinaire à construire un jeu collectif, avec les meilleurs milieux de terrain du monde, Andres Iniesta et Xavi Hernandez. L’Angleterre aussi a un style généreux : comme le disait Eric Cantona quand il s’est si rimbaldiennement exilé hors de France, pour se justifier : »En Angleterre, le foot est encore un jeu. » Les Allemands jouent à la Badiou (…) : leur truc, ce sont les maths et la discipline. (…) Quant à la France, elle n’a pas aujourd’hui de style propre. On ne sait jamais comment les joueurs vont se comporter. L’entraîneur Raymond Domenech est à l’écoute de tout, il tient compte des commentaires de journalistes et des gens du milieu : en un sens, le jeu français est très démocratique, il frémit avec le vent de l’opinion.(…)
MKB
Philosophie Magazine : Que pensez-vous des récents scandales sur les moeurs des joueurs ? Faut-il moraliser le monde du football ?
Oh, le cas de Franck Ribéry vient d'alerter l'opinion publique sur un phénomène bien connu des amateurs de foot. La plupart des joueurs souffrent régulièrement de pubalgie. Patrick Vieira a eu une pubalgie pendant toute une saison, quand il était à la Juventus ; Benzema, pareil en ce début d'année… Ce genre de pathologies, cela ne tombe pas du ciel ! Tout le monde n'est pas Kaka, ce joueur brésilien pieux, marié, qui prie la Vierge. (…) »
20 Comments
"Philosophie Magazine : Que pensez-vous des récents scandales sur les moeurs des joueurs ? Faut-il moraliser le monde du football ? "
J’ai déjà lu des questions stupides : là, on tient un prix d’honneur, pour ne pas dire un Nobel.
A quel titre un homme devrait avoir une vie sexuelle exemplaire ? Qu’est ce que la morale vient faire là ?
On fait un voeu en devenant footeux ?
C’est la presse qui est malade de poser des questions aussi connes !
Bouh !!!!
Comme dit Marc Cohen dans Causeur:
Nicolas Sarkozy l’avait dit il y a deux ans : "Désormais quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit". C’est peut-être vrai, peut-être pas…En revanche, ce dont on est sûr et certain, c’est que quand 23 français font une grève en Afrique du sud, purée, ça ne passe pas inaperçu !
Armand,
22,Anelka pouvait pas,il est en Angleterre!
Bouh !!! Si les philosophes deviennent "cons", où va-t-on ? Mais la réponse nous aura tout de même appris ce qui provoque ces pubalgies à répétition qui laissent tant de joueurs sur la touche, non ?
Du moment que le scandale rapporte, on l’exploite.br />
Que va t’on inventer demain pour reussir å nous faire cracher au bassinet ? J’emmerde cette societe de crevards et d’escrocs !
Foin des grandes manifestations bruyantes. A nous les petites normaliennes, vindiou !
Attali a donné son avis.
On attend celui d’Alain Minc et de Michaël Vendetta.
Sur le sémillant moustachu tacleur astrologue : http://www.liberation.fr/brut-de...
Laurentg 40/0 ! Excellent … Vendetta, Minc même combat de l’autosuffisante (mal)pensante.
Intéressante analyse aujourd’hui dans Libération du sociologue Stéphane Beaud : "Les Bleus sont les enfants de la ségrégation urbaine."
« Prendre un point de vue sociologique sur cette affaire consiste à poser des questions simples. En quoi ces joueurs de l’équipe de France diffèrent-ils de ceux de l’équipe de 1998 ? En quoi sont-ils le produit d’une histoire collective ? En quoi reflètent-ils une série de transformations internes au monde du football ? En premier lieu, si l’on compare avec la glorieuse équipe de 1998, la composition «black-blanc-beur» s’est délitée en 2010. Les joueurs d’origine maghrébine n’y sont plus, soit qu’ils n’aient pas été retenus par Domenech, réputés trop «individualistes» (cf. le trio Benzema, Ben Arfa, Nasri), soit qu’ils aient choisi depuis le décret de la Fifa (qui autorise des anciens sélectionnés des équipes Espoirs à choisir une autre équipe en équipe A) de porter le maillot de l’équipe d’Algérie ou du Maroc (Chamakh, né à Marmande, qui aurait fait un bel avant-centre «français»). Ensuite parce que, pour le dire vite, les enfants de la fraction établie (métier qualifié, pavillon) de la classe ouvrière française (cas de Laurent Blanc, fils d’ouvrier d’Alès, ou de Didier Deschamps) parviennent beaucoup moins au sommet du foot français, concurrencés qu’ils sont par les enfants de cité et/ou ayant fui ce sport devenu, en équipes de jeunes, trop violent ou pas assez formateur moralement. »
Comment expliquer que des sportifs de grand talent, fortes individualités formées depuis l’enfance au goût de l’effort et de la performance collective, obtiennent dans leurs clubs respectifs de bons résultats et n’y parviennent pas en équipe de France ?
C’est simple,la France n’a brillé dans son histoire footballistique qu’en 3 occasions bien distinctes,quand elle a possédé un grand numéro 10,Kopa dans les années 50,avec une 3ème place au mondial de 56,les années 80 avec Platini,championne d’Europe des Nations en 84,et demi-finaliste des coupes du monde 82 et 86,et Zidane dans les années 90 et 00 avec la coupe du monde 98 et l’Euro 00.Hors grand milieu de terrain d’exception,la France est une équipe moyenne,toutes les circonvolutions technico-tactiques et les discussions de comptoir n’y changeront rien,tant que la France n’aura pas un 10 de très haute qualité,Laurent Blanc,Mourunho ou autres n’obtiendront aucun résultat significatif.
Quand le "french flair" porte numéro 10 …
Le "French Flair"c’est uniquement pour le XV,et ça véhicule d’autres valeurs.
Autant pour moi,la 3ème place des bleus de Kopa,Fontaine et Piantoni c’était en 1958 en Suède et non en 56.
"c’est uniquement pour le XV": saint wiki confirme, ayons donc la présence d’esprit de le reconnaître, comme disait mon professeur d’initiation à la philosophie.
"ça véhicule d’autres valeurs": de celles qu’on nous prête ?
Que celles véhiculées dans le foot !
Désolé de tomber si bas dans votre estime !
http://www.angers.fr/uploads/pic...
On est là. Tout en haut. Au sommet.
Je lis sur le Web donnc je pense autrement : http://www.slate.fr/story/23291/...
Une main de trop….