Le 3 juillet prochain, au Roskilde Festival, la tournée européenne des Rolling Stones (14 on fire) s’achèvera en apothéose.
Où iront-ils becqueter après ledernier riff de Can’t get no (Satisfaction) et le feu d’artifice qui lacèrera la nuit danoise ?
Au Noma ? Pas sûr. Un peu convenu et menu interminable. Non, l’adresse qui buzze en ce moment à Copenhague, c’est un restaurant situé à l’extrême pointe de l’île Refshaleøn à Copenhague.
Keith Richards n’y trouvera sans doute pas le Shepherd’s pie dont il est friand (plus connue chez nous sous le nom de hachis Parmentier), mais la cuisine aimantée de Matt Orlando devrait plaire à Jagger et à sa cour.
Et puis, même s’il est convenu, le rapprochement s’impose : le restaurant s’appelle en effet…Amass. Comme amasser. Ironie légère pour des Rolling Stones sur lesquels la mousse du temps ne semble avoir aucune prise !
Le lieu est surprenant. Une usine de chantier naval plantée au milieu des landes face aux embruns et au front de mer. A un jet de pierre de la petite sirène qui a subi d’autres outrages…
C’est ici que Matt Orlando, californien d’origine et fils de routards, a fini par jeter l’ancre après une première vie passée dans les cuisines des autres. Pas n’importe lesquelles ! Jugez plutôt : le Bernardin à New York, Raymond Blanc à Oxford, The Fat Duck d’Heston Blumenthal.
Puis c’est la rencontre avec René Redzepi, le déjà célèbre chef du Noma. René engage Matt qui devient sous-chef du Noma pendant deux ans. Ce dernier retourne ensuite à New York pour occuper le poste de chef du Per Se, le restaurant de Thomas Keller à New York.
Après trois ans à New York, Redzepi demande à Matt Orlando de revenir à Copenhague pour occuper le poste de chef du Noma.
Deux ans et demi plus tard, l’oiseau affronte le ciel et c’est l’ouverture, en juin dernier, de Amass.
Un immense espace ouvert sur le grand large où Matt Orlando déploie ses ailes. Des plats personnels (« si une création ressemble à ce qui se fait au Noma, il ne figure pas à la carte »), dépouillés, limite austères, mais justes. Des compositions, malgré les origines californiennes du chef, hyperboréennes, dans le sillage direct de la philosophie Ny Nordisk (nouveau régime nordique) qui ouvre un espace inédit dans le paysage gastronomique et dont l’inspirateur pourrait être Michel Bras : produits locaux et saisonniers, issus de l’agriculture bio, cueillettes d’herbes sauvages. racines, associations terre-mer, jeu sur le végétal et le fumé, travail sur les sucs…
Une philosophie simple, « naturelle », vivante, que Matt Orlando résume ainsi : j’aime les plats avec peu d’ingrédients et des saveurs subtiles qui ne vous explosent pas au visage. Un exercice sur la corde raide avec d’évidentes fulgurations tel ce plat façon Soulages : Betterave, églantine, ail noir, cèpe, menthe aquatique.
Et des approches parfois déconcertantes telles ces peaux de poulet rôties avec radis, cochlearia danica et prune salée à la japonaise (umeboshi) : il s’agit en fait d’une superposition de 70 ( !) peaux de poulet, bouillies, puis rôties, et se présente dans l’assiette sous la forme d’un biscuit croustillant au goût de poulet.
La même philosophie se retrouve dans la carte des vins, concoctée par Bo Bratlann (ex Noma également), orientée sur les vins dits « natures «, carte qui, comme dans les autres restaurants que j’ai visités à Copenhague, fait la part belle aux vins du Jura : l’icône incontestée étant ici Jean-Marc Brignot dont la révérence finale « trois petits tours et puis s’en va » est affichée à 1995 couronnes danoises le magnum.
Le menu
Lumpfish Roe, Sour Pancakes, Broken Crème Fraîche
Hot Smoked Lumpfish, Ramsons, Green Coriander Seeds
Roasted Chicken Skins, Salted Plums, Radish, Scurvy Grass
Beets, Rose Hip, Black Garlic, Cèpe, Water Mint
Dry-Aged Beef, Carrot, Buttermilk, Beach Peas
Rhubarb Serbert, Rosemary, Burnt Chocolate
Le restaurant
Amass Restaurant
Refshalevej 153
1432 Copenhagen
Denmark
+45 4358 4330
info@amassrestaurant.com
2 Comments
Le Grand Jacques toujours dans sa phase « plus c’est bizarre, plus j’y vais ».
Sauraient-ils au moins, ces jeunes loups de l’herbe blanchie, nous concocter une belle béarnaise ou une sole qui ait le goût de la sole, cuisson parfaite en sus ? Et qui se doute que ces seigneurs passagers des fourneaux viennent en cachette déguster de simples filets de perche sur les bords du léman ?
Mine de rien, si la passion des vins « nature » est encore d’actualité pour quelques moments, ce serait parfaitement idiot de manquer la cuvée « orange » de Loimer : vaut la visite du domaine, bande de petits rigolos nordiques :-)))
François,
La classique sole au vin jaune de Passard n’a rien d’exceptionnel, a contrario … (celle de Décoret, servie entière sur des goûts amer (endive, orange) était parfaite, bien plus remarquable que ses potions moléculaires).
Oui, les vins orange … une piste intéressante pour des blancs tanniques de fort caractère.